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Mai

Publié le 31 décembre 2008 par Loic_decrauze
Jeudi 1er mai
9h30. Hier, sitôt sorti de Cqfd, je retrouve ma BB au garage pour filer en Grande Punto vers Montagnac, dans l’Hérault. Retrouver l’univers barbare des automobilistes, avec ses grosses cylindrées qui s’énervent dès qu’on s’attarde sur leur voie de gauche pour doubler à notre rythme. Pitoyables couillons !
Je remarque une nette reprise de la vitesse excessive qui nécessiterait une plus féroce répression. Le paradoxe : au nom de la préservation des libertés individuelles on entérine de fait le prélèvement de vies sur les routes, ce lot morbide de morts violentes et prématurées.
Passage obligé sur l’asphalte autoroutier pour rejoindre maman et Jean dans le gîte loué. Arrivés un peu avant 23h, nous mangeons dans une Maichaleureuse ambiance de vacances et maman nous fait découvrir, par photos, l’avancement de la construction de la maison estivale sise dans une partie du jardin de Fontès. Les murs sont édifiés et la toiture s’annonce pour les prochaines semaines. Du plaisir d’été et d’intersaisons à venir, la maison devrait être livrée à la mi-juillet.
Découpé en trois, le jardin est méconnaissable avec ses arbres abattus, sa haie partiellement rasée et les traces temporaires du gros œuvre. La demeure qui se dessine préfigure les rires familiaux, les conversations sonores par le goût des polémiques maîtrisées, les jeux prétexte aux délires partagés : la palette renouvelée d’une complicité humaine pérenne. Comme un hommage existentiel à mon adorée grand-mère : perpétuer, sur ce lieu, la densité affective, les instants de vraie communion festive, l’essentiel de la vie vive, ces parenthèses que l’on voudrait comme éternité.
Vendredi 2 mai
Journée familiale, avec l’oncle Paul et sa compagne Liliane venus en voisins fontesols pour le repas et la promenade dans les ruelles de Montagnac.
Après la visite de quelques caves coopératives ce matin, nous irons prendre le café chez eux avant, BB et moi, de rouler vers Arles, pour un tout autre univers.
Vu hier, sur l’ordinateur de maman, la photographie d’une peinture,Mai apparemment non torturée, de Bruce : il faut lui reconnaître un talent dans la conception, la mise en forme, en couleurs et en espace de ses toiles. Que cela l’épanouisse, je lui souhaite, mais je doute d’un impact éthique sur son rapport au monde. L’art n’a jamais favorisé l’exemplarité existentielle. Nos goûts pour les œuvres de certains ne peuvent s’encombrer de la trajectoire parfois sordide de leurs auteurs.
Exaspérant sujet d’actualité : le pauvre pouvoir d’achat des Français. J’en viens même à changer de chaîne, de station ou à tourner la page lorsqu’un média nous farcit de cette antienne qui agrège tous les mécontentements. Nous faire accroire que la situation moyenne de la population s’est dégradée, lorsqu’on jauge son taux d’équipement technologique et la course effrénée à satisfaire ses désirs, rebute et agace. Comme cette tarte à la crème d’un euro qui serait le péché originel expliquant l’envolée des prix depuis maintenant six ans.
Que le peuple arrête de se prendre pour un conglomérat de cons ou, tout au moins, qu’il fasse preuve d’un minimum de mémoire. Toute situation monétaire est ambivalente, bien sûr, mais ne vaut-il pas mieux bénéficier d’un bouclier protecteur qui, entre autres avantages, freine la hausse du pétrole pour les consommateurs automobilistes, que de fantasmer sur les illusoires bénéfices que nous aurait apporté un franc dévalué à deux reprises en un demi siècle ?
Chacun s’est habitué, à l’époque des surplus agricoles (les peuples des futurs pays émergents crevaient, eux, de faim, mais ça ne nous affectait pas plus que cela…) à payer toujours moins sa nourriture. On ne peut aspirer à toujours plus de confort, de loisirs, et se hérisser dès que des masses de gens accèdent simplement à un mieux vivre qui passe forcément par l’alimentation. Il faudra admettre payer plus cher pour se nourrir et renoncer, le cas échéant, à l’accessoire de l’équipement.
Des miséreux qui acceptaient leur sort, nous voilà à l’ère du misérabilisme revendicateur. Chacun justifie sa défiance à l’égard des dirigeants politiques, économiques, par des simplismes rassurants sur sa propre posture victimaire. A partir de quelle donnée peut-on affirmer qu’il y aurait plus de malfaisants, en poids relatif, chez les dirigeants des multinationales que chez les employés ? Dans son esprit approximatif, le citoyen anonyme admet qu’il y ait des brebis galeuses dans ses rangs, et s’en fait même parfois des sujets de fantasme ou de fascination, de Kerviel à Fourniret, mais perçoit comme une généralité les déviances humaines des détenteurs de pouvoirs. Sachons, là aussi, rester modeste dans nos sentences.
Samedi 3 mai
9h10. Nuit dans le joli nid de Fanny (à Aix en Provence pour le week-end), après un dîner partagé avec Louise et Richard. Occasion de goûter un Pineau des Charentes d’exception et un Cognac X.O. hors d’âge, mêlé aux volutes d’un cigare de Guantanamera.
Attente que ma BB soit en beauté pour aller vagabonder dans les artères colorées du marché d’Arles. Je me laisse bercer par quelques airs inspirants d’un signet de mon MP3 : Jeff Buckley, John Legend… et parcours les myriades d’objets et décorations qui personnalisent ce charmant appartement. Comment ne pas déceler dans ce lieu la belle âme qui l’occupe.
Cela replonge dans ces instants de joyeuse troupe qui magnifièrent quelques soirées improvisées. Ces moments où le bon esprit fuse et la complicité semble ne pas vouloir expirer. Les Fanny, Mylène, Romy, Aude autour de la sœur de BB, et tous ceux à présence variable, qui savaient créer, le temps d’une réunion, la trame festive pour un partage à renouveler.
Du factuel, plus que jamais, la réflexion en berne. Poursuite de La Décennie de Cusset qui me permet de contrecarrer, dans la marge, certains arguments.
Dimanche 4 mai
10h04. Retour au bercail. Curieux comme certaines ambiances, tout accueillants que soient les hôtes, me laissent fermé. Comme si je ne pouvais sortir de ma réserve défensive. Cochon de caractère que je me trimballe !
Hier soir, évocation des délires sentimentaux (réglés aujourd’hui) du fils de Richard, avec une Tunisienne jamais rencontrée, de dix ans plus âgée, et n’offrant aucune autre perspective qu’un gouffre financier pour assouvir les besoins d’interminables entretiens téléphoniques.
Ce fantasme de l’idéal féminin, qui vous transporte dans l’irrationnel, je l’ai eu vers 1994, avec une certaine Rachel C. (au pseudo d’Ornella, via le Minitel) et dont je n’avais eu que quelques soupçons de voix et une photo… de dos ! Heureusement, pas de téléphone obtenu ce qui m’a évité les conséquences pécuniaires, mais ce qui a dessiné la non sincérité de la demoiselle, voire sa perfide manipulation. Ainsi s’aguerrissent les petits cœurs que les mâles sensibles tentent de ne plus être, ou plus que de façon parcimonieuse.
Lundi 5 mai, 23h24
Tentative de reprise du Shaeffer offert par ma BB et qui n’a jamais eu un débit d’encre digne d’un plume. Ma douce travaille cette nuit, une reprise à regret pour nous deux. Terne vie professionnelle, pour ma part, qui ne répond qu’aux nécessités minimales financières. Cette vie active n’a rien de transcendant. Le néant existentiel n’est pas loin. Pas d’amertume, juste la conscience de mes limites, de mon absence d’ambition.
Mardi 6 mai, 23h23
Alors que l’an I du quinquennat sarkozyen s’achève, les médias s’ébrouentMai sur le bilan. Dans N’ayons pas peur des mots, le chenu, mais toujours vivace, Philippe Tesson s’enthousiaste sur l’audace réformatrice du chef de l’Etat. Pour lui, aucun président de la Ve n’avait entrepris autant de projets de changement à la fois et dans tous les domaines. La population française semble admettre la nécessité de ces réformes, même si, individuellement, chacun voudrait ne pas en subir les contraintes en les réservant à ses voisins. Toujours cette incapacité à se remettre en cause dans son fonctionnement social.
Le relationnel amical se délite, chacun focalisé sur les obligations de son existence. Les relances d’invitation ou de contact de Barbara & Jean-Luc, d’Eddy & Bonny, n’ont rien donné. Des disponibilités beaucoup plus rares d’Elo, d’Aline & Pedro. L’éloignement de Shue a raréfié les contacts, celui de Liselle les a anéantis. Piteux résultat donc.
Vendredi 9 mai
Le dîner à une quinzaine, mercredi, chez une collège de ma BB, a confirmé mon peu d’enclin pour les réunions groupales. Chacun laisse transparaître une face tellement incomplète ou déformée que tout écart à l’apparente harmonie s’identifie comme une incongruité à étouffer dans l’œuf. Les trois quarts des présents, pris à l’unité, n’ont rien de désagréable, bien au contraire, mais leur conversation de prédilection, sitôt le grégarisme assumé, c’est l’attaque ad hominem visant leur univers professionnel. Le vice est poussé jusqu’à se lâcher à la critique d’un couple invité, parti en premier le café achevé.
Ce n’est pas tant le regard acéré qui m’incommode, ma pratique pamphlétaire me rendrait sinon incohérent, que son expression en l’absence des sujets de rogne et sans remettre en cause la face affichée lors de leur présence.
Tout de même, dans l’assemblée réunie, un médecin et sa (récente) compagne m’irritent : l’un s’essaye à la nonchalance urticante, l’autre rabaisse son agaçant partenaire dès qu’une occasion surgit. Dès que j’ai pu contrecarrer un argument du thérapeute, je l’ai fait avec une froideur et un tranchant explicites. A leur départ, la distraite poignée de main échangée avec le bougre, la femme n’ayant pas, à ma grande satisfaction, fait le déplacement jusqu’à moi, et la teneur définitive de l’au Mairevoir prononcé, ne laissaient aucun doute sur le peu d’affinités réciproques.
Je n’ai tout de même pas poussé mon caractère réfractaire jusqu’à l’éclat assumé à la Dupontel, dans Deux heures à tuer, pour ma BB et les autres sympathiques convives.
Samedi 10 mai Mai
Au Q boat, sur la confortable terrasse qui doit être inaugurée le 15 courant. L’artère verte de ces bords du Rhône reste bien peuplée à 20h15. Défilé estival qui doit enchanter l’équipe municipale reconduite. Totale appropriation par la population lyonnaise. La propreté des pelouses laissées à disposition, pour une fin de journée, tendrait à démontrer un respect des lieux.
Après mon pessimisme foncier dans le grand Manus, me voilà presque rassuré dans ce Manus portable.
Reprise de la vie près du fleuve. Le symbole et la pratique ont propulsé Lugdunum au troisième rang des grandes villes où il fait bon vivre.
Comme souvent, je dois être un des rares attablés seuls : avec un Monaco, quelques cacahuètes, la pop de mon MP3, aucun regret de cette situation et tendre pensée à ma BB.
Quelques témoignages flatteurs sur mon Journal mis en ligne : le désert les entourant autorise, pour affermir un peu l’ego, que j’en laisse trace dans l’objet des louanges.
MaiD’abord un lyonnais anonyme, résidant rue Bonnel, s’enthousiaste d’avoir pu trouver ce témoignage de vie qu’il rapproche des extravagances d’un Bukowski, l’imprégnation alcoolique retirée. Sans doute ma période batifolante avec échos dans ces pages.
Le Bring on the night sur scène, avec un virtuose des blanches et noires, vous envoie vers l’ubiquité stellaire, des ondes musicale comme un voyage à la vitesse des sens, tous azimuts, sans limite, inénarrable décollage vers les cimes de l’impro, chef d’œuvre incarné des élancements rythmés.
Les aventures humaines, les dons de soi pour une cause qui permet de faire un peu grandir l’humanité réconcilient avec cette espèce imprévisible.
Un entre chien et loup prononcé va m’élancer vers d’autres sphères. Improvisons, en selle de mon Bitween Seven.
Fin du parcours pour du conventionnel en couche épaisse : cité ciné et la dernière méga production hollywoodienne : Iron Main. Sans doute médiocre pour le scénario, la plongée dans le spectaculaire compensera les grosses ficelles. Pour se purger les boyaux de la tête.
La singularité du son de Keziah Jones me fait patienter dans la salle d’attente du complexe.
Les bords du Rhône connaissent une vie estivale sans pareille, avec tous les atouts du farniente multiforme.
Deuxième réaction d’Alice sous mon article Le ramolli mois de « mais ! » : elle estime que seules les mauvaises explications justifient le mécontentement lycéen ; rien sur la possible frilosité de certains, l’abus d’autres avec pour unique visée la dispense de cours (j’ai concrètement assisté à ces comportements lors des grognes entretenues contre le projet Devaquet, en 1986 ou 87). Commode refuge dans le systématique renvoi de la faute sur le dirigeant en place.
Outre cette option de l’ultra tolérance, Alice m’abjure de croire en l’humanité et de faire plein d’enfants pour leur léguer une terre préservée par le combat acharné d’une communauté humaine bienveillante (j’en rajoute un chouia dans la reformulation !). La divergence est là centrale : je n’ai aucun enclin pour le concept globalisant d’humanité, d’autant plus en parcourant ses dérives sanglantes, ses barbaries toujours recommencées, et ce depuis ses débuts. Si la fréquentation peut me conduire aux meilleurs sentiments et jugements, je garde cette méfiance léautaudienne a priori.
Dimanche 11 mai
Ces quelques jours de congés à Lyon en (presque) solitaire n’a pas densifié enthousiasme et projets. La quotidienneté s’écoule, en labeur et en loisirs, sans que cela excite mes fibres. Ce profond détachement des choses, et même des êtres, éclaire le quasi désert relationnel en expansion. Je ne cherche pas vraiment à enrayer le mouvement, comme si mon objectif inavoué était de m’ancrer dans une ville où plus aucune attache (sauf ma BB !) ne perdure. Voilà ma nature profonde : le refus de l’autre qui incommode et l’inaptitude à générer un suivi relationnel.
Sans goût pour autrui, comment s’investir davantage pour une vie nourrie de constructions ? Sombre, depuis mon dodo, délaissant l’actualité, je n’ai rien à prouver, juste à assurer le minimum vital financier pour rembourser un prêt immobilier sur vingt ans et permettre le basique vital.
Lundi 12 mai
Dernier jour de cette parenthèse ludique, je débute l’après-midi dans un cocon vert, non loin de la roseraie animée par le chant d’oiseaux aux anges, car dispensés de prédateurs.
L’angle sombre d’hier ne parasite pas les envolées enthousiastes.
Un documentaire de plus sur François Mitterrand conforte mon admiration pour l’homme privé. En outre, le parcours tortueux de Fanfan Mité, comme je le surnommais de son vivant, a tout de même accouché d’un occupant de l’Elysée à la stature d’homme d’Etat : pas rien, rétrospectivement, lorsqu’on jauge la texture Maiprésidentielle de ses successeurs. La vraie tromperie vient des médias français qui, en 1994, ont feint de découvrir ce destin clair-obscur alors que Le Crapouillot (« magazine non-conformiste » en vente libre) consacrait dès 1972 une étude fouillée à la vie et aux contradictions du premier secrétaire du P.S.
MaiL’homme a maintenu à tout prix la dignité de son apparence, ne laissant pas les affres de la maladie liquéfier son esprit. Au contraire, dans le drolatique Starko de Karl Zéro, on découvre un Chirac en abandon comportemental, Maidécontraction avec coupe-vent trop large, jean usé, grosse écharpe rouge nouée, petit-chien-à-mémère, pincement des lèvres façon Heaulme et démarche de vieillard égrotant.
La fin de Mitterrand, 9 avenue Frédéric Le Play, n’a pas manqué de grandeur. Son choix de cesser alimentation et traitement, pour ne pas subir une décrépitude des sens et de l’esprit, l’extrême Maidensité avec laquelle il a fait ses adieux à ses proches, ceux des deux familles, d’Assouan à Latche, permettant à chacun d’en retirer l’affection ou l’amour qui lui permette de vivre au mieux sa disparition, tout cela révèle une noblesse d’âme, quelles qu’aient été ses talents carnassiers pour atteindre et conserver le pouvoir. Le pouvoir : passion sur laquelle Madeleine Chapsal l’interroge à l’automne 1995 pour un ouvrage en préparation, autorisée à lui rendre visite dans son dernier logis parisien, et que j’accompagne jusqu’au troisième étage, accueillis par un impressionnant gorille en costume. Elle m’appellera, peu après, pour me délivrer son ressenti mêlé d’admiration et de tristesse pour cet homme dans son ultime et terrible combat. « Je souffre comme un chien… non comme deux chiens ! » confie-t-il à son fils Jean-Christophe. Une dignité gaullienne dans cette rectitude finale.
Seul regret : alors qu’il est au pied de l’immeuble bourgeois, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1996, de retour Maid’une clinique qui a informé son médecin que dans la quinzaine suivante le cancer atteindrait le cervelet entraînant cécité, perte du langage et naufrage intellectuel (« Je sais ce qu’il me reste à faire » est la réponse sans ambiguïté de l’indomptable), il se ravise, referme la portière et demande à son chauffeur Pierre Tourlier de l’entraîner pour une dernière escapade au cœur de la capitale de son adoré pays. Refus du salarié qui argue de l’absence de son médecin Jean-Pierre Tarot.Mai Si l’on peut admettre la réaction du fidèle conducteur de n’avoir pas souhaité endosser une telle responsabilité – et si Mitterrand était décédé pendant cette promenade nocturne imprévue ! – on regrette avec lui, a posteriori, de n’avoir pu offrir au vieil homme, décidé à en finir avec ce corps douloureux, ces derniers instants de liberté pour son regard perçant, pour sa culture infinie, pour tout son être avide de vivre cette parenthèse jouissive. Comprenant le message implicite dans le refus du chauffeur, ne pas prendre un risque inconsidéré, il renonce au dernier divertissement et rejoint son troisième étage dont il ne sortira plus vivant.
Jacques Chirac sera le premier personnage, non lié familialement à Mitterrand, à venir se recueillir sur la dépouille du feu président, un peu plus de six mois après l’avoir raccompagné sur le perron de l’Elysée. L’hommage officiel qu’il lui rendra sur les écrans Mairévèlera qu’au-delà l’adversaire politique il respectait l’homme d’Etat et admirait l’homme privé. Et politiquement, étaient-ils si opposés ? Mitterrand aux origines droitistes ; Chirac, le cœur à gauche… L’antagonisme s’est surtout exacerbé pour la conquête de la présidence de la République. Relativiser les oppositions passées pour honorer les qualités fondamentales, voilà l’intelligent et sensible geste de Chirac. Mai
Rapprocher les destins pour mieux les distinguer, et s’interroger sur ce qui a permis à Mitterrand de réunir ses deux familles autour de son cercueil, alors que d’autres ne Maiparviendront même pas à rassembler leur famille légitime au complet. Là où Mazarine Pingeot délivre des souvenirs affectueux pour son père, d’autres fustigeront les salauderies délinquantes de leur géniteur. D’Amstetten aux Ardennes, en dérivant par lMaie plat pays, d’écoeurantes révélations édifient sur le néant paternel de ces enfumeurs de réalité, uniquement déterminés à soulager leurs sordides élans sexuels.
Vendredi 16 mai
Divine surprise pour le modeste salarié que je suis : l’accumulation d’heures effectuées en surplus, par comparaison avec les autres formateurs, me vaut une semaine de liberté. Idéale occasion d’écrire, de publier sur LDP et de poursuivre la saisie et la mise sur Internet du Journal à taire.
Traneing In (?) du virevoltant Coltrane pour improviser sur un sujet.
De la terre au ciel, le deuil de masses asiatiques dépasse nos conceptions de drames plus focalisés. Les crapules d’Etats autoritaires gèrent les offres humanitaires faites par nombre de pays comme de suspectes ingérences. Certes, les potentats chinois maîtrisent bien mieux leur rapport au monde extérieur que l’obtuse et infecte junte militaire : laisser venir à eux tous les petits dollars et euros, ainsi que les matériels proposés, mais éconduire les initiatives humaines.
Au malin cynisme de la sphère dirigeante chinoise, ne répond que la monomaniaque fermeture des oppresseurs. Les peuples, eux, souffrent des deux côtés sans illusion.
La France, elle, hoquette en attendant que les réformes fassent effet et sans cataclysme social. Oui, c’est vrai, le seriné couplet sur le pouvoir d’achat en berne entretient la grogne ambiante, permettant à chacun de reporter ses propres échecs, ses renoncements ou ses incapacités sur le commode portefaix étatique. Ça manifestouille, moui, pour que l’exécutif renonce à ses initiatives, mais sans rien proposer de viable derrière. A moins que la bouille révolutionnaire et anti-capitaliste du Besancenot nous délivre une solution miracle. Allez ! Chiche ! Laissons-lui le Pouvoir cinq ans, rien que pour voir… et avoir la confirmation incarnée de l’inanité de ses slogans simplistes. Son incapacité à former un mouvement qui agrège les composantes de l’extrême gauche peut rendre dubitatif sur ses aptitudes à la gestion déménageante du pays. Qu’il engraisse à son rythme urticant, mais sans jamais déranger les penchants d’une France qui ronchonne.
Lundi 19 mai
Vers 15h. De retour chez Elo, comme au temps où je lui donnais des cours, pour travailler sur son mémoire et prendre de ses nouvelles après qu’elle se soit attrapée un staphylocoque doré. Si la jambe est encore endolorie, l’être est en forme.
Semaine dernière, dans un C dans l’air consacré à la réforme desMai institutions, notamment au volet parlementaire, parmi les invités experts dans leur domaine, M. Jean Gicquel que j’ai eu en 1988 ou 89 comme professeur de droit constitutionnel. Vingt ans plus tard, le revoir avec le même pétillement dans le regard, les mêmes intonations, la même habitude de manger certaines fins de mots… même s’il semble beaucoup moins à l’aise sur un plateau de télévision qu’à animer un amphi, émotion de le revoir en plein passion argumentative. Parmi quelques souvenirs, celui de m’être fait applaudir par les quelques centaines d’étudiants pour une question donnant lieu à félicitations du professeur : comment expliquer la contradiction entre le principe de non rétroactivité de la loi (inscrit dans la DDHC) et l’intégration d’une rétroactivité pour les crimes contre l’humanité.
Eloignement d’avec Alice qui, une nouvelle fois, s’est fendue d’un absurde commentaire sur mon article Mener, Guerroyer, Mourir. Pourquoi avoir écrit un article dans lequel on n’apprend rien : certain qu’elle connaissait tout des détails sur la fin de vie de Mitterrand. Stupide remarque : mon texte est d’abord l’émotion d’un témoignage et non une démonstration informative.
Autre piste critique : j’aurais voulu, ô condamnable démarche, replonger dans le passé ! Ça c’est de la critique gros calibre… Quel est donc cet esprit malade qui trouve déplacé, incompréhensible, l’évocation d’une parcelle de notre histoire politique ? Est-ce sa haine du père spécialisé dans l’exhumation du passé qui explique cette dérive ?
Finalement, sa pirouette finale, c’est de trancher sur l’absence de talent dans mes écrits. Voilà une sentence de choix qui contredit son propre commentaire sous un autre de mes articles, lequel versait dans l’apologie de ses qualités littéraires. Dérisoire hypocrisie. Notre intolérance réciproque doit nous contraindre à ne pas nous contacter pendant un temps indéterminé.
Mercredi 21 mai
Le relationnel avec Alice s’est dégradé davantage : pour être convaincue de ne pas être la seule à rejeter mes écrits, elle s’est aventurée sur le site de citoyens reporters, AgoraVox, qu’elle a pris pour un autre de mes blogs, laissant quelques commentaires ironiques accompagnés de déplacés « Bisous Lo ! ». La teneur personnelle de ses remarques, à mille lieues de ce qu’on attend sur le site (de l’argumentation étayée sur les articles) m’a mis en rage.
Dans l’une de mes réponses, j’ai souligné que « lorsqu’on partage si peu de choses, on ne tutoie pas ». Effet inverse, elle déballe le contexte avec son prisme déformant : notre filiation (sans préciser non sanguine), le fait de m’avoir retrouvé par le biais de mon blog principal, le peu d’enclin pour ma façon de penser et d’écrire… Et l’insulte suprême pour elle : « le Heïm nouveau est arrivé, berk !!! ». Sur ce, je l’ai virée de mon fichier d’adresses pour informer de mes parutions sur la toile et j’ai bloqué son adresse Msn.
Grave contradiction dans sa démarche : elle s’érige moralisatrice sur mon peu d’enclin pour l’humanité, et prétend que je veux imposer mes vues sans admettre la critique. Qu’elle argumente sur les propos de mon article, et je participerais volontiers au débat créé (comme je le fais avec mes plus virulents opposants sur AgoraVox), mais qu’elle cesse de s’ingérer dans mes choix existentiels et de s’ingénier à m’éclairer sur ce qu’est un VRAI écrivain. Sotte attitude. Finalement, après Hermione, une nouvelle mise à distance salutaire pour cause d’incompatibilité fondamentale. Peut-être, sur nos vieux jours, lorsque nous n’aurons plus rien à prouver à l’autre, mais que seule comptera l’affection préservée, nous pourrons nous retrouver, avant que la Camarde ne fauche tout ce monde tourmenté.
Vendredi 23 mai
Le « fais ce qu’il te plaît » du mois s’applique parfaitement à mon emploi du temps. Après le bénéfice de deux ponts, dont un de cinq jours, une semaine de récupération pour le trop d’heures effectuées les mois précédents, les trois semaines à venir n’auront rien du planning d’un forçat. A goûter pleinement, donc, ce que je fais à la tête d’Or, au calme, face à une étendue verte occupée par quelques daims.
Après l’explosion du prix d’un baril de pétrole, les professions grosses consommatrices de carburant grognent et réclament à l’Etat. Les concurrences à quémander, à faire pression par le blocage…
Mardi 27 mai
Appris hier que le formateur HG, le plus anciennement dans la structure, mettra fin à sa collaboration le 13 juin prochain. Il a trouvé une nouvelle voie plus proche de chez lui, et plus en rapport avec le monde adulte de l’emploi.
Petit choc, tout de même, de voir partir celui qui intervenait sur les mêmes matières que moi. L’entente était complète : j’ai répondu à son mail d’invitation pour un repas de départ, le 11 juin. J’espère que ça n’est pas le premier d’une série. Pour ma part, la proximité géographique m’incline à poursuivre cette activité. Nous verrons la tournure des choses lors de la vraie rentrée de septembre-octobre.
Impression d’une phase transitoire, dans pleins de domaines.
La réforme des institutions capte un peu de temps médiatique, réduisant, à ma plus grande satisfaction, le traitement du barbant pouvoir d’achat du consommateur français. Mai
Après Jean Gicquel, invité la semaine dernière, Yves Calvi fait appel au constitutionnaliste Guy Carcassonne pour débattre dans l’émission du jour. On le sent bien plus à l’aise sur le plateau que son brillant confrère de la Sorbonne, et il démontre, notamment, l’inanité du vocable d’hyperprésident accolé à Nicolas Sarkozy. Sa comparaison entre les pouvoirs effectifs détenus par un G. Pompidou et ceux qui restent au chef de l’Etat actuel, fait largement pencher la balance vers le premier : très peu de décentralisation, une CEE encore timide, une mondialisation embryonnaire, aucune AAI (Autorité administrative indépendante), un secteur public étendu à de grandes structures financières, etc. Mai
Christophe Barbier, autre invité de Calvi, aura beau tenter de sauver cette appellation par un raisonnement un peu spécieux, les références précises du professeur ont eu raison du néologisme de journalistes brouillons et approximatifs par trop d’empressement.
Guy Carcassonne a d’ailleurs souligné le rôle fondamental des médias qui semblent le négliger gravement ces dernière années : vérifier, par l’investigation, les conditions d’application et les conséquences des multiples réformes annoncées à grand renfort de clairon.
Ce soir, le jury populaire du procès Fourniret Maidevait délibérer pour, sans doute, suivre les réquisitions du procureur de la République marquées par l’ignominie des faits et des êtres. « A gerber, Fourniret. A gerber, Olivier » conclue-t-il sa stigmatisation de l’inhumanité des criminels pervers. A 23h27, j’allume France Info pour vérifier si la sentence n’est pas déjà rendue… il ne semble pas encore.
Toujours un petit tour par le Journal du monde présenté par l’accrocheur Vincent Hervouët. Un ton toujours singulier dans un PAF de l’information majoritairement convenu.
Jeudi 29 mai
Le sujet est complexe, objet d’études contradictoires ou complémentaires, mais les parallèles qu’il permet peuvent s’avérer savoureux ou sordides selon la disposition d’esprit.
Alors que des émeutes de la faim catalysent les plus pauvres contrées, et qu’une des causes de la flambée des prix serait la part croissante de la production agricole consacrée à nourrir… les moteurs, la meute des corporatismes, via les pays riches, cherche à obtenir tous les soutiens financiers pour prolonger les activités grosses consommatrices de carburant.
Les meutes sans fin

Mai« Faire son plein ! » En voilà un bel étendard de société de consommation… Siphonner jusqu’au fond la cuve pour remplir son réservoir : le dodu peut alors traîner sa carcasse roulante où l’envie l’exige, sans entrave, sauf celle de trouver les voies à sa convenance. La libre circulation : fondamental pour le sédentaire bipède, pour l’instant encore blanc et occidental en majorité.
Fini l’âge d’or de l’insouciante tétée aux tétines de l’opep ! L’émergence des uns contraint le désir des autres… La complexité du phénomène tient en quelques expressions-clefs qui verrouillent toute perspective de baisse des prix du pétrole : demande exponentielle, maîtrise stratégique de l’offre, incertitudes sur les réserves disponibles, spéculation financière. La tambouille écoeure et certains rapprochements révoltent.
Là-bas, des émeutes de la faim catalysent de pauvres contrées : prix Maiinsupportables de denrées alimentaires. Une des causes : la part croissante de productions agricoles consacrées à nourrir… des moteurs ! Les adeptes de la Deep Ecology doivent se réjouir : poursuivre ce programme pourrait, en concomitance, limiter la pollution et alléger la planète de quelques millions d’âmes humaines, les vilaines !
Ici, les meutes corporatistes sont prêtes à la surenchère violente pour obtenir les perfusions financières nécessaires à leur survie. Certaines professions souffrent des coups de massue énergétiques. On peut même s’émouvoir de quelques tragiques destins ; mais le politique ne doit pas satisfaire systématiquement les demandes d’aides, d’allègements, de réductions et autres compensations sous peine d’un fatal appel d’air de revendications en cascade.
A toujours tout attendre d’un Etat qui ne devrait avoir comme marge financière que l’apport de la collectivité, on dévoie la liberté d’entreprendre, par définition porteuse de risques. Si tout professionnel au bord de la faillite, quelle que soit la cause, exigeait comme les pêcheurs, les agriculteurs, les transporteurs (de biens et de personnes) que le gouvernement alignât les biffetons, le risque d’implosion du système se préciserait.
MaiA défaut de générosité étatique, certains iraient bien s’emparer des colossaux bénéfices de Total, passant outre les quelques dizaines de milliers de salariés de la multinationale française, les nécessités d’investissements pour assurer l’avenir de l’activité et la fragilisation d’un fleuron de l’économie nationale face aux mastodontes concurrents dans son secteur. La naïveté révolutionnaire, s’arroger l’argent des possédants et tout ira mieux, laisse songeur sur le peu de leçons tirées de l’application d’idéologies spoliatrices.
Les grognes n’en ont donc pas fini de se succéder, voire de se cumuler.Mai Les prix de l’or visqueux sont peut-être le reflet d’un marché « complètement fou » comme le qualifie le secrétaire général de l’OPEP. Pourtant, l’AIE constate : les quatre cents plus gros champs pétroliers – quelle bucolique métaphore, on y gambaderait pieds nus ! – se vident plus rapidement qu’escompté. Cela ne peut qu’amplifier la flambée des prix. Quatre cents milliards de barils : réserves actuelles disponibles des huit pays plus gros producteurs. Quatre-vingt sept millions de barils : production quotidienne en 2008. Le rapport à faire entre ces deux données ne calmera pas les gloutons en carburant, sauf à se résigner à trouver d’autres ressources ou d’autres modes de fonctionnement.
Encore une fois, la France seule n’a pas grand pouvoir pour résoudre cette crise, sauf à créer l’hémorragie de ses déficits publics. C’est à l’Union européenne d’explorer les solutions : règles protectionnistes, réorganisation des secteurs sinistrés, achats groupés de gazole permettant d’abaisser les prix, etc.
Point positif, tout de même : on n’entend plus les billevesées nostalgiques des eurosceptiques. La tronche de nos agriculteurs et de nos marins pêcheurs si le bon vieux franc avait dû endurer l’envolée des cours du pétrole ! Chaque citoyen européen, dont la monnaie nationale neMai présentait pas de gages probants de solidité – plongez dans vos souvenirs, demandez à vos aînés ! – peut louer l’euro à chaque fois qu’il passe à la pompe et remercier l’apparente rigidité de Jean-Claude Trichet. On changera un peu l’air éculé : « C’est la faute à l’euro, si j’suis dans le ruisseau ! La garce européenne m’a laissé seul en peine ! »
Que tous ceux qui décèlent partout et en tout des hausses de prix intolérables (certainement dans les utiles équipements technologiques !), atteintes au fameux et hideux pouvoir d’achat mis en berne par les médias, réfléchissent un petit moment sur ce qui constitue leur consommation. N’est-ce pas plutôt un rééquilibrage des valeurs vers le fondamental ?
A trop présenter l’acte d’achat comme l’exercice d’une puissance Maisouveraine et individuelle, on avait peut-être oublié que se nourrir, se loger, se chauffer et se déplacer n’avaient pas la part réelle dans notre budget : le développement des autres, et notamment des lointains Asiatiques, avant que ce ne soit le tour, espérons-le, de l’Afrique, nous le rappelle cruellement.
A quand la grève des vacanciers se rebellant contre un carburant au coût prohibitif qui freinera leurs pérégrinations ?

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