Alain Perrin, l'entraîneur lyonnais fraîchement débarqué à l'intersaison dernière peine toujours à s'imposer dans l'institution qu'a bâti Jean-Michel Aulas depuis son arrivée au club, il y a plus de 20 ans. Ses résultats sont loin d'être catastrophiques puisque Lyon est encore en course dans 3 compétitions (Ligue des champions, Ligue 1 et Coupe France). Cependant Bordeaux a toujours la possibilité de revenir sur le sextuple champion de France et le match retour que s'apprête à jouer Lyon s'annonce compliqué avec un but concédé en fin de match à Gerland.
L'ex-entraîneur de Sochaux qui avait été surnommé PPH ("Passera Pas l'Hiver"), a tenu. Mais la qualité collective du jeu de Lyon et l'équilibre défensif restent autant de problèmes que le technicien français ne parvient - pour le moment - pas à résoudre. Et malheureusement pour lui ce ne sont pas ses seuls tracas: mis sous pression par JMA à propos de ses choix face au Mans à quelques jours du match aller contre Manchester, il doit maintenant faire face à la gestion compliquée de Ben Arfa, Fred et Benzema.
Les trois jeunes talents de l'OL représentent des enjeux financiers importants pour le club. Sans trop les caresser dans le sens du poil, il faut pourtant faire en sorte que ces jeunes joueurs aient envie de rester au club au moins un ou deux ans de plus. Fred est un peu à part mais la façon dont a été traité l'imbroglio du mercato d'hiver montre clairement qu'il y a une volonté de Lyon de ne pas laisser filer le brésilien à moins cher que le prix d'achat (15 millions d'euros); la porte semble tout de même bien ouverte en cas de proposition financière suffisante. Ben Arfa et Benzema ont une valeur footballistique et financière croissante c'est une évidence. L'homme d'affaires qui préside actuellement l'Olympique Lyonnais compte sur un retour sur investissement hors du commun avec ces deux joueurs formés au club: soit faire exploser tous les records d'indemnité de transfert en France, soit se baser sur le talent de cette jeunesse pour faire encore mieux que ces dernières années au niveau sportif (un doublé coupe-championnat, une victoire en Ligue des Champions), l'idéal étant bien sûr de combiner ces deux perspectives.
Quel rapport me direz-vous - à raison - avec la réalité du terrain? Le rapport est tout simplement qu'Alain Perrin, qui a aligné Benzema deux matchs consécutifs à gauche, a vu revenir le conflit concernant la position du meilleur buteur de L1. Il y a quelques mois, Karim déclarait préférer jouer dans l'axe mais se mettre au service de l'équipe. Après le match face à Lille au Stade de France, le lyonnais a continué d'affirmer son envie d'aider l'équipe mais son ton s'est nettement durci quant à son rôle dans le schéma de jeu. "Je ne suis pas joyeux de jouer à un poste qui ne me plaît pas" a déclaré l'intéressé avant de lancer "j'ai assez prouvé depuis le début de la saison[...] y a un coach à lui de voir". Cette phrase qui laisse entendre une divergence entre le joueur et l'entraîneur a sûrement fait frémir le Président Aulas. Du fait de sa valeur potentielle, du paris engagé par le club sur Benzema et de la peur d'aller au clash avec ce joueur, Alain Perrin n'a pas vraiment le choix et doit faire jouer le buteur de l'OL dans l'axe. Déjà fragilisé en début de saison lorsqu'il tentait de faire jouer l'équipe en 4-4-2, (alors que le 4-3-3 est tradition depuis maintenant bon nombre d'années à Lyon) aujourd'hui sa marge de manœuvre s'amoindrit encore puisqu'il n'a plus le choix de tous les joueurs. En théorie il a toujours le contrôle mais en pratique la pression autour de ses compositions force certaines de ses décisions.
Hatem Ben Arfa, repéré dès l'âge de 15 ans, se montre plus patient que son compère sans pour autant oublier ses ambitions. "J'ai toujours dit que mon objectif était de réussir à Lyon. Les choses se feront naturellement. J'en suis absolument certain !" annonce-t-il dans le magazine Sport. Déçu de ne pas être titulaire contre Manchester, il a conscience que "(son) cas n'est rien par rapport au destin du club en Ligue des Champions". Il aborde donc sereinement cette mauvaise passe où il n'est utilisé qu'en joker. Catalogué dribbleur fou, individualiste effréné, il tend à prouver que son jeu de passe, sa frappe sèche, sa qualité technique et ses accélérations servent autant au collectif qu'à lui-même. Joueur sans compromis, qui clame et montre sur le terrain son amour pour le football d'attaque, Ben Arfa est trop incisif pour Alain Perrin qui cherche toujours la stabilité.
Hatem, Karim et Alain sont donc bien dans le même bateau. Mais si le coach lyonnais s'avisait encore de contrarier la progression des "deux Ben", il ne fait aucun doute qu'il serait le premier à quitter l'équipage. Une qualification face à Manchester United à Old Trafford lui offrirait au contraire un bon bol d'air frais et une base pour travailler plus tranquillement.