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La gestion de l’argent

Publié le 01 décembre 2009 par Jlhuss

Extrait de la communication de Patrick Tuphé à l’occasion des “Entretiens d’Auxerre ” début novembre 2009 : une expérience de terrain.

De l’importance de s’initier à la gestion de l’argent

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Pendant plus de huit ans, j’ai exercé successivement les fonctions de directeur de la mission locale pour les jeunes, puis de directeur du plan local pour l’insertion par l’économique.
Cette phase était transitoire entre le statut de fonctionnaire et celui de chef d’entreprise.
J’entrais de plein pied dans la gestion de l’argent sous une forme proche de celle d’une entreprise, mais avec deux différences fondamentales : l’argent investi n’était pas le mien et mes donneurs d’ordre étaient tous des personnes publiques, ce qui écartait de facto la notion de concurrence.
Néanmoins, il s’agissait d’un véritable apprentissage de la gestion de l’argent avec deux enseignements majeurs :

1) Il y a une initiation à la gestion de l’argent. Il faut savoir se placer à la bonne échelle. L’anecdote suivante vous permettra de mieux comprendre. Ma première demande de subvention faite au Conseil régional fut rejetée pour la raison suivante : j’avais demandé 3000 francs et les services de la Région ne souhaitaient pas instruire un dossier administratif pour si peu. Inutile de vous dire que je me suis rapidement mis au diapason ! Je venais d’entrer dans un autre monde où les références à l’argent sont différentes de la gestion d’un budget familial. Les 3000 francs en question n’avaient pas la même valeur que dans mon portefeuille de fonctionnaire ! Il fallait changer d’échelle ! J’ai constaté ensuite que ce problème d’échelle dans les relations à l’argent se retrouve souvent dans le milieu associatif qui réunit des personnes venues d’horizons très différents. Ce qui est cher pour les uns paraît au juste prix ou insignifiant pour les autres.


2) Le deuxième enseignement est simple. De la même manière que l’on ne peut pas lire une partition de musique sans avoir fait de solfège, on ne peut pas gérer les finances d’une personne morale sans avoir des notions de comptabilité. On entend souvent dire d’une entreprise en faillite que le patron a confondu le chiffre d’affaire avec le bénéfice. Il est évident qu’une confusion entre les comptes de bilan et les comptes de résultat ne peut rien donner de bon. La nécessaire maîtrise des notions de comptabilité m’est apparue très vite et j’ai décidé de reprendre des études dans ce domaine.


Saisir les opportunités qu’offre la législation pour passer de l’aspiration à la concrétisation d’un projet professionnel

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En 1998, une loi allait changer le cours de l’histoire. La loi de lutte contre les exclusions limitait l’intervention des associations intermédiaires dans les entreprises privées. J’étais depuis 1997 devenu dirigeant d’une association dont l’objet - en termes rapides - est de faire de l’intérim social. Un pan entier de notre activité allait partir en fumée au profit d’un nouveau concept : les entreprises d’intérim d’insertion. Ces entreprises adossées totalement au statut juridique et fiscal des entreprises d’intérim interviendraient sur le marché avec une spécificité : employer uniquement des personnes en difficulté avec une contrepartie financière des pouvoirs publics.
Le train passait une deuxième fois, avec l’opportunité de réaliser enfin mon souhait : créer notre propre entreprise.
Sur les conseils de notre avocat, une société civile fut créée afin de réunir au sein d’une personne morale distincte les six créateurs du projet plus un septième actionnaire permettant d’assurer une majorité en cas de conflit. Cette SCI dénommée MEPHISTO allait détenir la majorité du capital de la SA Bourgogne Intérim implantée alors sur trois départements bourguignons. La référence au diable était un pied de nez à ceux qui trouvaient anormal de faire porter à une société capitalistique un projet d’insertion des publics en difficulté.

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Mais au delà de l’euphorie de la phase de création et des illusions qui en découlent, cette SCI assura la pérennité de la SA Bourgogne Intérim car, dès les premières difficultés, l’existence de cet écran juridique permit de régler les problèmes en dehors du fonctionnement de la société d’exploitation.
L’argent fut rapidement au cœur du débat. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agissait pas d’un problème de répartition des gains mais d’une question de rigueur dans la gestion quotidienne. Pour certains, la fonction sociale justifiait une certaine souplesse voire un certain laxisme dans la manière de gérer les affaires. Pour les autres, ces deux notions n’étaient pas contradictoires mais complémentaires.
Grâce à ce montage juridique, le rachat des parts sociales entre associés se fit sans heurts et en 2002, MEPHISTO se transformait en une société à responsabilité limitée dénommée “Boutet-Richard-Tuphé ” du nom des trois derniers survivants de l’aventure initiale. Pour les entrepreneurs patrimoniaux, la réflexion sur la “gouvernance” de l’entreprise en cas de conflit doit être une priorité car, à moins d’être seul maître à bord, toute association génère des conflits qu’il faut avoir prévus. Ainsi la parité est sans doute la pire des choses pour le devenir d’une entreprise, les répartitions impaires étant toujours préférables. La relation à l’argent est ici préventive. Il ne s’agit pas d’en gagner mais d’éviter de perdre son investissement de départ.
La SARL « B.R.T », notre holding, dont le capital est réparti de manière égalitaire entre les trois associés a créé d’autres sociétés en plus de Bourgogne Intérim dont une entreprise d’intérim ” traditionnelle ” dénommée S.A.S ” INTERIM’R “, une société de prestations informatiques dénommée ” ALTERNATIC ” et une société de gestion comptable dénommée ” MOSAIQUES “.
En 2008, notre groupe de sociétés a réalisé environ 13 millions d’euros de chiffre d’affaire et a employé 1600 salariés intérimaires et 40 salariés permanents.
Deux autres projets de création sont dans les cartons.
Ce CV commenté est une passerelle pour mieux comprendre la suite de mes propos mais aussi pour mettre en exergue les chemins tortueux et toujours singuliers qui mènent à la création d’une entreprise patrimoniale.

Patrick Tuphé

(A suivre)


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