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Interview de Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie et membre de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement Européen

Publié le 01 décembre 2009 par Sia Conseil

Interview de Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie et membre de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement Européen Pouvez-vous nous décrire le fonctionnement de la commission des affaires économiques et européennes ?

La Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement Européen est composée d’environ 70 personnes dont la représentativité politique est calquée sur celle du parlement.

La commission est saisie des propositions de directive présentée par la Commission européenne; Pour travailler sur chaque projet de directive et proposer des amendements un rapporteur est désigné par laCommission. Des rapporteurs fictifs (« shadow ») sont ensuite désignés par chaque groupe politique du parlement pour négocier le contenu du texte au sein de groupes de travail de 7-8 personnes qu’ils constituent.

Ce texte, fruit du travail du rapporteur désigné et des rapporteurs fictifs, est voté en commission puis en plénière du Parlement. Sur les sujets adoptés en codécision, ce qui est le cas pour les directives sur les marchés financiers, les banques, etc. le Parlement et le conseil, qui représente les Etats, doivent voter le même texte. Parallèlement au travail au sein du Parlement, le conseil amende le projet initial de la commission. Si les amendements votés par le conseil et le Parlement sont très différents il y a alors une deuxième lecture au conseil et au parlement. Puis, si à l’issue de la deuxième lecture les visions divergent, il y a une procédure de conciliation accélérée, comme récemment sur le paquet telecom et le fameux amendement sur le droit des internautes. Si un compromis est trouvé la directive est adoptée, sinon on en reste à la situation antérieure au projet de directive, c’est à dire au statu quo.

Ne pensez-vous pas que, compte tenu de l’urgence suscitée par l’importance de la crise financière, la mise en place de la supervision financière européenne au terme de ce processus est réalisée dans un délai trop long ?

L’Union Européenne, comme les Etats-Unis, sont en train de faire évoluer leurs législations en réponse à la crise de 2008. Les nouvelles réglementations devraient entrer en vigueur en 2010.

Il est difficile d’accélérer sur un plan législatif la mise en place de réglementations financières. L’Europe est même en avance par rapport aux Etats-Unis, malgré son caractère fédéral plus poussé, dans des domaines comme les marchés de gré à gré. Les réponses à la crise de 1929, qui ont été mises en place avec le New Deal, avaient déjà mis plus de 2 ans pour entrer en application.

Que pensez-vous de la mise en place d’institutions internationales de supervision et de prévention des crises ?

Il n’y a pas aujourd’hui d’agence au niveau mondial pour détecter l’arrivée d’une crise. La consolidation des informations entre les différentes agences nationales de supervision n’a pas encore été mise en place. Le rapport de Larosière propose la création d’un tel organe dont la structure et l’organisation précise sont encore en discussion au sein des instances européennes. Le parlement européen votera en 2010 sur cette nouvelle architecture de supervision macroprudentielle comme microprudentielle.

Ces agences de supervision supranationales couvriraient aussi bien les banques que les assurances. Or la mise en place d’une régulation identique pour les assureurs se justifie-t-elle dans la mesure où ils ne sont pas à l’origine de la crise au même niveau que les banques ?

Les banques et les assurances sont aujourd’hui en concurrence sur un nombre croissant de marchés financiers. Etant donné que toute compétition nécessite des règles d’encadrement, il convient de réguler à la fois les assurances et les banques.

De plus les produits proposés par les banques et ceux proposés par les assurances convergent fortement, notamment sur tous les produits soumis aux risques de marché. Afin de contrôler les risques sur l’ensemble du secteur financier, il est obligatoire de contrôler autant les banques que les assurances.

Cette convergence d’une partie des métiers plaide d’ailleurs pour une seule agence microprudentielle pour les banques et les assurances et non deux différentes comme proposées actuellement par la commission.

Pourriez-vous préciser la position de l’Union Européenne sur la réglementation des hedges funds ?

Le texte concernant la régulation des hedges funds est en discussion. Il y a des divergences d’opinions dans l’Union entre le camp régulationiste formé principalement des français, des allemands, et des espagnols, et le camp des libéraux formé des anglais, de la Suède et de certains pays d’Europe de l’Est qui adhèrent à la cause britannique pour des raisons historiques ou par intérêt national.

L’un des principaux enjeux est d’accroitre la transparence de ces fonds, et à cet effet la réglementation des hedges funds est fortement liée à l’encadrement des paradis fiscaux, dans lesquels de nombreux fonds sont implantés. La proposition de la commission européenne consiste à accorder un passeport européen aux fonds domiciliés dans les paradis fiscaux si la réglementation de ces pays est équivalente à celle de l’Union. La proposition suédoise qui sera votée en décembre revient sur ce principe en laissant chaque Etat membre décidé s’il veut ou non que les fonds domiciliés dans les paradis fiscaux soient commercialisés dans son pays. La position du groupe des Verts est de dire qu’il n’y a aucun avantage pour l’Union européenne et pour les épargnants européens dont une partie de l’épargne est investie dans des fonds spéculatifs par les fonds de pension par exemple, à ce que cet argent passe par des fonds hébergés dans des paradis fiscaux. Si ces fonds veulent bénéficier de l’apport en capitaux que représentent les fonds de pension européens alors ils doivent être situés en Europe pour que les superviseurs puissent réellement contrôler le risque systémique.

Aujourd’hui on parle beaucoup de modification des règles Bâle II, ne faut-il pas plutôt insister sur l’extension de Bâle II dans le monde et accélérer la mise en conformité des systèmes financiers européens ?

L’extension de Bâle II dans le monde comme son amélioration pour affiner la gestion des risques sur le secteur financier sont deux chantiers tout aussi primordiaux. Il convient de traiter les deux en parallèle.

Ces deux chantiers sont d’autant plus importants qu’un risque de crise est déjà latent. En effet les cours de la bourse sont repartis à la hausse alors que le PIB reste stagnant. Les cours des actions en bourse semblent ainsi surévalués notamment en Asie alors que nous sortons tout juste de la crise de 2008. Nous rentrons ainsi à nouveau dans une logique de constitution d’une bulle spéculative avec la possibilité qu’une nouvelle crise identique survienne à la clé.

Avec l’endettement actuel des états, ces derniers ne pourront pas se porter au secours du secteur financier si une ou quelques banques d’envergures font faillites. Jean Claude Trichet a souligné cela récemment et il a raison.

Les analyses sur la reprise semblent trop optimistes. En effet deux facteurs principaux de cette reprise risquent de s’atténuer. Il s’agit des prix du pétrole qui augmenteront de manière importante avec le redémarrage de l’économie, et de la diminution de l’impact de court terme des plans de relance. Ceux ci ont produit un effet dopant à court terme, comme la prime à la casse pour les voitures, mais qu’en sera t il quand cet effet va diminuer ?

Quelles sont vos propositions pour réguler plus fortement le secteur financier et éviter une nouvelle crise ?

Elles sont nombreuses mais si je devais retenir deux principes ce serait la réduction de la volatilité et le fait de réduire les gains à court terme qui peuvent être réalisés sur les marchés. Car dans les deux cas des marchés financiers trop volatiles et trop rentables à court terme pénalisent l’économie réelle et notamment les investissements de long terme. Dans ce cadre, nous proposons par exemple de différencier les taux d’intérêt en fonction de l’utilité sociale et environnementale du projet à financer. Aujourd’hui les banques privées obtiennent quasi gratuitement de l’argent auprès des banques centrales puis achètent des produits financiers et gagnent de l’argent dessus sans que cela n’ait réellement d’utilité pour l’économie réelle. C’est à cette prédominance de l’économie financiarisée sur l’économie réelle que nous souhaitons mettre fin dans un contexte où la lutte contre le changement climatique va nous obliger à changer nos modes de production et donc à investir de grandes sommes d’argent à long terme.

PARCOURS

Pascal Canfin est né à Arras (62) en 1974.

Il a été élu au Parlement européen en juin 2009 avec le rassemblement Europe Ecologie.

Au Parlement européen il est Vice-président de la Commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale et il est membre de la Commission des affaires économiques et monétaires et de la Délégation pour les relations avec les États-Unis. Il est membre suppléant de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs et de la Délégation pour les relations avec la République populaire de Chine.

Diplômé de l’Institut d’études politiques de Bordeaux et de l’Université de Newcastle, Pascal Canfin a été journaliste à Alternatives Economiques, spécialisé dans les questions liées à l’environnement, à l’économie sociale et solidaire, à la responsabilité sociale des entreprises (2003-2009).

Il a été consultant en ressources humaines (1999-2003) et chargé de mission à la CFDT du Nord-pas de calais (1997-1999).

Responsable de la commission Economie, social et services publics des Verts (2005-2009), Pascal Canfin est auteur de 4 ouvrages dont “L’Economie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas” (2007) et “Le contrat écolo pour l’Europe” (2009).

Sia Conseil


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