Au sujet de la postérité du mur de Berlin, auquel nous consacrions notre premier article, Wendy Brown publie Murs .
Cet essai ne vise pas à dresser un bilan technique de la question, et s'appuie pour l'essentiel sur l'étude de deux barrières de séparation particulières, les « murs » de Cisjordanie et de la frontière américano-mexicaine. En revanche, il développe une thèse simple et forte. Le mur, en tant qu'organisation spectaculaire de la frontière, et de la distinction politique fondamentale entre intérieur et extérieur ou, pour reprendre la terminologie de Carl Schmitt, entre ami et ennemi, connaît un succès grandissant dans une situation de fragilisation de la souveraineté de l'État. Dans un contexte d'économie globalisée et de fragmentation communautaire, le mur est moins un moyen de lutte contre l'immigration, le terrorisme ou les trafics, qu'un mode de cristallisation de la menace et, partant, de justification d'un État fragilisé, plongé dans la crise de l'identité nationale. C'est pourquoi, selon Mme Brown, « le mur de Berlin, dont, vingt ans après, le monde entier continue de célébrer la chute, était peut-être plus un prototype grossier que l'opposé des murs du xxie siècle » (p. 58).
Wendy Brown, Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique
Les prairies ordinaires, coll. « Penser/croiser », novembre 2009 (traduit de l'anglais : Walled States, Waning Sovereignty, Cambridge MA, Zone Books, à paraître en 2010)
À lire : les bonnes feuilles sur Regards, et sur liberation.fr, un entretien avec Wendy Brown : « Vingt ans plus tard, les murs-frontières prolifèrent. »