Bangalore.
En arrivant à Bangalore, on s'est rapidement dirigé vers le quartier moderne, synonyme de succès économique dû notamment aux technologies de l'information, la spécialité d'ici. Et là, on a cherché un café Internet pendant une heure, pour finalement se ramasser sur un (de deux) ordinateur à côté d'une photocopieuse qui sonne comme une tondeuse, à attendre cinq minutes pour qu'Hotmail loade…
MG road, c'est la rue. La rue des gens aisés, des bars et des grandes chaînes de restaurants. La rue qui nous prouve que dans le futur, toute la Terre sera pareille.
Nad décide de prendre une pause de l'Inde. Elle en a marre de traverser des rues en manquant de se faire tuer, de marcher en ayant toujours l'impression d'être à contresens, des hommes pervers, des crachats et des odeurs d'urine. Elle me dit qu'aujourd'hui, elle n'a pas envie d'être en Inde. Et il y a la télé dans la chambre.
Alors moi, plutôt que d'écouter Animal Planet, je vais étudier le comportement de la vache urbaine dans son environnement. Je marche dans le vieux quartier de la ville (qui comme partout est souvent le plus intéressant) à travers l'agitation. Tout bouge autour de moi. Je me sens dans une ruche qui ne sent pas le miel. Comme un cube de sucre dans une fourmilière. Il y a des gens partout. Et comme les trottoirs servent à stationner les motos, empiler les détritus ou installer les étals, on doit marcher dans la rue.
Dans la rue, il faut éviter les trous d'eau noire et visqueuse, sans se faire happer par les scooters ou les voitures qui ont la priorité absolue puisqu'ils ont un klaxon. Il faut aussi faire gaffe aux vélos qui, armés d'une sonnette (dring dring), se sentent invincibles. Marcher devient un sport extrême, une activité qu'il faut faire avec modération.
Donc, prendre des pauses est important.
Mais ça aussi, c'est difficile. Premièrement parce qu'il n'y a nulle part où s'asseoir. La culture du p'tit verre de vino sur une terrasse en bord de rue est encore de la science-fiction. Aussi fictif que l'idée de trouver la paix quelques minutes hors de la chambre d'hôtel (et encore là…).
Je trouve une marche vide et propre devant un commerce fermé à demi cachée par une pancarte promotionnelle de cellulaire. Je m'y installe, heureux de ma trouvaille.
Gloup gloup. Un peu d'eau.
J'expire…
« - Beep beeeep RICKSHAW ? »
Ah. Taba…
« - Où allez-vous monsieur? rickshaw ?
- Euh, nulle part, NON merci.
- Pas cher pas cher, cinquante roupies. »
Comment peut-il me donner un prix s'il ne sait pas où je vais. Et que je ne vais nulle part en plus. Sti de…
J'entre au marché et je fuis la foule un brin en montant de deux étages. J'arrive au plancher des outils et pièces en tous genres. Des engrenages gros comme ma tête, des chaînes, de la corde, des écrous, des roues, etc. Le genre d'endroit où tu entres avec un vieux « toaster » et tu ressors avec un bolide de course.
L'aire centrale du marché, ouverte sur tous les étages, est quant à elle consacrée aux fleurs. Des milliers de fleurs. Les gens en achètent à la pochetée, aux mètres de guirlande. Si c'était la Saint-Valentin, ça ne me coûterait pas cher. Les roses, ils les brassent comme du foin tellement il y en a. J'observe du troisième, tel un oiseau, ce paradis du faiseur de centres de table.
Lorsque je décide de descendre pour quelques clichés de près, j'ai peine à sortir mon appareil tellement la circulation est intense. Les hommes bousculent, les femmes dépassent tout le monde (à peu près le seul droit qu'elles ont ici) et les vieux immobiles créent des embouteillages. C'est la folie, encore. Sauf que ça sent bon.
Je rebrousse chemin et tombe face à face sur une vache. Une vache ? fallait pas descendre un escalier pour se rendre ici ?
Dans toute sa classe, le grand mammifère fait quelques pas. Il s'arrête devant un vendeur. L'homme joint ses mains et a une petite pensée pour l'être sacré. Les gens sont contents. La vache est contente. (meuh)
Spashhhhh.
Elle pisse.
Fort. Sur le plancher de béton.
Et éclabousse mes pieds.
J'aurais peut-être mieux fait d'écouter la télé.
-Will.