La gentille dame du Job Centre Plus s’étant résignée à me tendre mon chèque de 225 livres toutes les semaines (bon, en fait, il arrive par la poste, mais c’est l’idée), elle est en droit de nourrir certaines attentes à mon égard. Par exemple, que je recherche activement un emploi. C’est là que les choses se corsent. Si on entend par « activement » le fait de surfer pendant des heures sur Internet, alors je remplis mon devoir. En revanche, si cela veut dire envoyer des candidatures…. un peu moins. Parce que, pour faire partir des CV, il faudrait déjà que je sache à qui les destiner.
A ma décharge, je fais preuve de prudence : lorsqu’on a déjà aligné trois reconversions professionnelles à 25 ans, il paraît en effet légitime de peser le pour et le contre d’un quatrième revirement. Entre d’innombrables mois de stage et deux ans de CDI, j’ai ainsi été :
- assistante chef de produit marketing pour des biscuits au chocolat : jusque là, rien que de très classique (mais dévastateur pour ma ligne déjà courbe)
- chef de projet dans une entreprise de cours de cuisine : déjà un peu hors des sentiers battus
– journaliste : c’est-à-dire tellement loin des dits sentiers qu’on pourrait dire que je m’étais carrément égarée.Le problème, c’est que que je n’ai toujours pas retrouvé mon chemin. Vacances au soleil, séjour à la campagne, pèlerinage spirituel et même coaching… rien n’y a fait. J’ai pourtant envisagé suffisamment de métiers différents pour être en mesure de publier mon propre guide des études : ostéopathe ? Je n’aime pas toucher les gens que je ne connais pas. Institutrice ? Les enfants m’agacent vite, je ne suis pas sûre de tenir quarante ans… diététicienne ? Il ne suffit pas, hélas, d’adorer manger. J’en passe, et des meilleures.
Aucun éclair de génie.
Reprenons à zéro. Je suis diplômée d’une bonne école de commerce, et j’habite à Londres ; le secteur financier serait une solution assez évidente. Le hic, c’est que j’ai déclaré, très jeune déjà, une profonde et irréversible allergie à tout ce qui touche à la finance. Et puis, de toute manière, c’est pas comme si le secteur manquait cruellement de bras en ce moment – il n’y a pas une annonce que je comprenne, en tout cas .
Une seule faible lumière au bout du tunnel : un ancien responsable de stage, avec qui j’ai déjeuné avant mon départ de Paris, m’a proposé de faire passer mon CV au bureau de Londres. Il s’agit d’un cabinet de conseil en ressources humaines, dans lequel je recommencerais tout en bas de l’échelle – pas très gratifiant, mais quand on se reconvertit, difficile de faire la fine bouche. J’attends de ses nouvelles depuis déjà deux semaines, et, en attendant, je postule chez les concurrents. Cela me permet de bercer l’illusion que je veux reellement travailler dans cette branche, et puis ça fera sans doute meilleur effet lors d’un éventuel entretien que de répondre : « ben, comme je suis complètement surqualifiée pour le poste que vous me proposez, je me suis dit que ça ne servait à rien de postuler ailleurs ».
Seulement voilà : en Angleterre, personne ne semble connaître le merveilleux système français des écoles de commerce et tutti quanti. Et encore moins le fait qu’une fois rentré à l’école, personne n’y fout plus rien, profitant à fond des centaines d’associations possibles (du ciné-club à l’aviron en passant par la mission humanitaire au Zimbabwe) et des soirées quelque peu arrosées. Si je n’ai pas à rougir de mon diplôme, il en va donc autrement de mes notes – et c’est un euphémisme.
Telle la cigale ayant chanté tout l’été, je me trouvai donc fort dépourvue lorsque le temps des candidatures fut venu :
Dans ces conditions, comment convaincre un obtus filtre automatique, et qui a justement pour fonction d’éliminer facilement cancres et benêts, de l’excellence de ma candidature ?
C’est pas gagné, cette recherche d’emploi.