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Les profs ont la parole (1)

Publié le 02 décembre 2009 par Soseducation

Aujourd’hui, témoignage de Damienne Martin, professeur des écoles.

J’ai besoin de raconter mon histoire qui a eu lieu il y a trois ans, et qui me hante encore.

Je suis professeur des écoles depuis 16 ans cela fait 11 ans que j’ai des CP.

Cette année-là, trois élèves perturbateurs se sont retrouvés sanctionnés : mise au coin, punition du style « Je ne dois pas déchirer exprès la feuille de mon camarade ». À copier une seule fois, car nous étions en début de CP.

Ces trois familles, dont vous imaginez le niveau, se sont monté la tête, ont essayé d’ameuter tous les parents d’élèves de cette classe et des autres classes pour faire une pétition contre moi. Elle n’a pas pu être faite faute de parents allant dans leur sens.

À la suite de cela, ils ont déposé plainte directement auprès du procureur, qui devant le nombre (trois personnes…) a décidé de me poursuivre. Quatre mois après, le 21 février, j’ai été convoquée au commissariat et mise en garde-à-vue pour violence aggravée sur enfant. Sans aucun certificat médical bien sûr puisque la seule chose que j’avais faite était d’avoir ramassé par le bras un enfant qui se roulait par terre. Mais, cela, apparemment, c’est une violence physique. J’aurais insulté les élèves. J’étais méchante, ils ne voulaient plus venir à l’école, bien sûr, j’essayais de les faire travailler. J’osais leur tenir de force la main pour écrire (nous étions en début de CP !).

Vous imaginez comment j’ai vécu cette garde-à-vue. J’ai cru que c’était un cauchemar.

Elle a très vite été levée quand ma hiérarchie a appris la nouvelle. Elle a joint le procureur.

Le commissaire a même téléphoné chez moi pour présenter des excuses au nom de la police car je n’aurais jamais dû être mise en garde à vue. Mais par le zèle d’un jeune procureur et l’excès de zèle d’un policier (fils de prof m’avait-il dit, et sans doute ayant des comptes à régler avec l’Éducation nationale), j’ai dû subir cette humiliation.

Les parents d’élèves l’ayant su, se sont mis en colère , ils ont organisé une pétition, ont écrit des témoignages où tous les points qui m’étaient reprochés étaient démentis pour des cas équivalents. Les collègues ont fait de même, les écoles de la ville ont été fermées un après-midi et les syndicats ont organisé une réunion lors de laquelle, en pleurant, j’ai raconté ma mésaventure.

L’affaire a été classée sans suite, mais je ne l’ai su que deux ans après.

Mon désespoir, c’est que mon avocate m’a déconseillé de porter plainte, car selon elle, je n’arriverais pas plus à prouver qu’ils mentent qu’eux n’avaient réussi à prouver ce dont ils m’accusaient.

Et depuis je vis avec la peur au ventre que ça recommence, que la « méchante maîtresse » a encore osé punir, qu’elle a osé crié sur tel chérubin, et bien d’autres choses encore… Car maintenant, j’ai un passé, même s’il est classé.

Depuis cette mise en cellule, je fais des crises d’angoisse. J’ai toujours des cachets à portée de main.

On ne peut pas faire correctement notre travail. Et lorsque les enfants échouent, c’est bien sûr de notre faute.

Vous pouvez transmettre mon courriel à Claudine Lespagnol. Elle verra qu’elle n’est pas la seule. Cela peut lui remonter le moral.

Moi, son histoire actuelle me désole. Et m’effraie.

Bon courage à tous !

Damienne Martin

Vous êtes professeur et voulez témoigner de votre expérience ? Vous pouvez m’envoyer vos récits à l’adresse suivante : [email protected] .


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