On ne quitte pas Proust aussi facilement ! Avant de tourner la page, voici deux autres aspects de cette œuvre fabuleuse, le premier, consacré à l’élégance et à la ville de Venise...
« Si je n'avais jamais vu Venise, j'en rêvais sans cesse, depuis ces
vacances de pâques qu'encore enfant j'avais dû y passer, et plus anciennement encore par les gravures de Titien et les photographies de Giotto que m'avaient jadis données Swann à
combray.
La robe que portait Albertine ce soir là, me semblait comme l'ombre tentatrice de cette invisible Venise... Elle était envahie d'ornementation arabe comme Venise, comme les
palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierres, comme les reliures de la bibliothèque Ambrosienne , comme les
colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie , se répètaient dans le miroitement de l'étoffe, d'un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon
regard s'y avançait, se changeait en or malléable par ces mêmes transmutations qui, devant la gondole qui s'avance, changent en métal flamboyant l'azur du
grand canal. Et les manches étaient doublées d'un rose cerise, qui est si particulièrement vénitien qu'on l'appelle rose tiepolo »
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