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Pour Le Parisien, Y’a Pas De Fumée Sans Treiber

Publié le 26 novembre 2009 par Sagephilippe @philippesage

le_parisien.jpg“Banal suicide ou nouvel épisode de l’affaire Treiber ?” … C’est par cette alléchante question que Le Parisien (tête de chien) ouvrait, en page 15, un article de son édition (papier) en date du mercredi 25 novembre 2009. Un bien bel article, ma foi. Avec tout plein de témoignages qui, en réalité, sont moins des témoignages que des ressentis. Et moi, j’adore ça, ces ressentis que l’on nous fait passer pour des témoignages. Même qu’on appelle ça du journalisme.
A ce propos, permets-moi un aparté, tant du ressenti, celui des gens, t’en as partout désormais, et surtout dans la télé.
Tiens, par exemple, quand dans un quartier même pas sensible, un type trucide toute sa famille, à la hache ou au sécateur, une nuit, comme ça, sans prévenir, le journaliste que fait-il ? Eh bien, il se rend sur les lieux et va interroger le voisinage. Et que dit le voisinage ? Il dit toujours la même chose à propos du meurtrier présumé, présumé même si la police lui a mis le grappin dessus alors que, couvert de sang, il tenait dans une main, un sécateur, et dans l’autre, une hache :
C’était quelqu’un de discret … Il nous disait bonjour le matin, bonsoir, le soir … C’est vrai qu’il ne parlait pas beaucoup, mais ..
C’est un invariable refrain. Toujours le même portrait. Celui de "monsieur-tout-le-monde". Ça n’amène rien de rien, ça ne nous en dit pas plus, hormis peut-être une chose du genre inquiétant : c'est qu'à la longue, on en viendrait presque à se demander si les gens qui sont discrets, qui disent bonjour et bonsoir, qui ne sont pas très causants, ne seraient pas en définitive des gros meurtriers en puissance. Ce qui ne m’arrange pas. Car, vois-tu, je suis discret, je dis bonjour, bonsoir, ne suis pas très loquace. Dois-je me rendre à la police avant que l’inéluctable ne survienne ? Tu rigoles, mais avec le président que l’on a, celui-là même qui incline à penser que l'on naît pédophile – et le suicide, itou. Il serait selon lui, inscrit dans les gènes - qui ne te dit pas qu’un de ces quatre, il ne va pas au nom d’une religion laïque nommé “Minority Report” mettre sous vidéosurveillance et bracelet électronique tous les types discrets de c’pays, ceusses qui disent bonjour le matin, bonsoir le soir, les gars qui parlent peu, parce que la génétique, parce que ta sécurité, citoyen, ta putain de sécurité ! Et je ne parle même pas de cette effroyable manipulation statisticienne nommée : le sentiment d’insécurité. Belle trouvaille dégueulasse pour faire passer les lois les plus abjectes, pour ne pas dire, liberticides.
Bref.
Or donc, le Parisien du mercredi 25 novembre de l’an neuf nous apprend en page 15 qu’un certain Dominique Berouard est retrouvé pendu à un tracto-pelle, le 11 octobre dernier, dans le hangar d’une ferme de Seine-et-Marne. Près du hangar, son véhicule ; accidenté et partiellement brûlé. Et l’on relève quelques marques de brûlures sur le corps du pendu. L’autopsie n’a révélé aucune trace de coups, rien de suspect, et quant aux brûlures, les enquêteurs pensent qu’elles sont en rapport avec le véhicule avec lequel, peu avant, la victime (de lui-même) aurait eu un accident. Voilà. Comme l’écrit le Parisien, ça ressemble à un “banal suicide” si tant est que de se pendre à un tracto-pelle le soit ; banal.
Oui mais, non.
Non, car cet ouvrier agricole de 50 ans était un ami de … Jean-Pierre Treiber ! Oui, le fameux Treiber qu’a baladé la police de monsieur Hortefeux pendant trois bons mois ! Or, le 10 octobre, soit la veille du suicide (un terme que le Parisien met entre guillemets, ce qui semble indiquer que le journaliste ne croit pas à cette “thèse”) Jean-Pierre Treiber était hébergé “dans le secteur” par un ami de … Dominique Berouard ! Il n’en faut pas plus au Parisien pour, donc, se poser l’alléchante question :
“Banal suicide ou nouvel épisode de l’affaire Jean-Pierre Treiber ?” 
Ben voyons !
Les opérations de police (technique et scientifique - “Les Experts”, tu connais ?) ont beau avoir été menées avec soin pour en conclure que Dominique Berouard est bien mort – je cite – d’un suicide, non, le journaliste, lui, voit dans la présence de Treiber ce soir-là, comme anguille sous roche, comme y’a pas de fumée sans feu. Y’a un truc là, coco ! Et ça lui suffit pour (re)mettre en question, voire en doute, la thèse du suicide. Mais surtout, à pondre un bien bel article ma foi. Seulement voilà, comme étayer son “hypothèse” ?
Eh bien, comme toujours, en allant voir les gens du coin, qui n’ont rien vu, mais qui connaissaient bien Dominique Berouard.
Son frère, par exemple. Un prénommé Yannick. Ah, qui mieux qu’un frère, n’est-ce pas ? Et que dit-il, ce Yannick de frère ? Il dit :
Ce n’est pas possible (qu’il se soit suicidé) !”
Aaaaah … !
Et pourquoi ?
Réponse de Yannick : “Parce qu’il n’était pas suicidaire !
Ça c’est de l’argument, mon pote ! J’en connais d’autres, qui ne l’étaient pas (jeunes, vieux, chômeurs, agriculteurs, oui, agriculteurs, comme ce Dominique Berouard, tiens !), cher monsieur, et pourtant .. Mais poursuivons !
Ce ne peut être un suicide selon Yannick “parce qu’il (Dominique Berouard) avait des projets. Il préparait un séjour au ski.” ..
Ah, voilà qui devrait intéresser la police au plus haut chef ! C’est que, eh, c’est vachement troublant ce qu’il dit Yannick, là ! Un type qui projette d’aller skier, ne peut pas se suicider, voyons ! C’est évident ! Je dirais même : ça tombe sous le sens ! Quand bien même l’histoire regorgerait (sans jeu de mots – quoique …) de suicidés qui en avaient des projets, et des plus exquis. Tiens, je suppose que, cette année encore, Dominique Berouard prévoyait de fêter Noël ! Même, j’en suis sûr ! Je peux pas vous dire pourquoi. Une intuition, comme ça. Un putain de ressenti ! Allez hop, à verser au dossier ! On tient une piste (et pas seulement de ski) ! Et dites merci au journaliste. Qui continue son enquête de voisinage. Le voici au Café des Sports. Où, écrit-il, la mort de Dominique reste une énigme. Et c’est René qui s’y colle. Et René, il a un argument béton. La veille, il l’a vu Dominique. Dans ce même Café des Sports. Et que lui a dit Dominique ? Eh bien, il lui a dit :
A demain !” ..
Alors, c’est pas bizarre, ça, un type qui vous dit “A demain !” et se suicide le soir ? .. C’est pas une preuve, ça, bordel de merde ! .. C’est que les gens, c’est pas des cons ! Faut pas leur en conter ! Les enquêteurs y peuvent bien dire ce qu’ils veulent, avec leurs sciences et tout le tralala, accident de voiture ou pas, ça tient pas la route, et encore moins au tracto-pelle ! … Enfin, quoi ! On dit pas “A demain !” si on projette de se pendre le soir ! Non ? ..
Mais c’est pas tout, comme dit ma voisine Catherine quand son infirmier de Patrick rentre enfin du boulot : “Mais c’est Patou !” qu’elle s’écrie. Mais c’est pas tout, disais-je ; René qui sent bien que, comme lui, et bien des habitants du coin, le journaliste ne croit pas à la thèse du suicide, René déclare à propos de Dominique Berouard :
Rien ne laissait deviner qu’il allait mettre fin à ses jours. Il avait les pieds sur terre !” …
Ah, alors là, je m’incline ! Je m’incline vraiment ! Car, un pendu qui a les pieds sur terre, là oui, j’avoue, c’est louche ! Comme Treiber. Un homme qui a les pieds sur terre, ça ne peut pas se pendre, sinon c’est plus le même homme ! Du moins, pas celui du Café des Sports. Au temps pour moi ! Tu avais raison, camarade journaliste, et le nez fin de surcroît ! Y’avait bien Treiber sous roche. Oui, y’a pas de fumée sans Treiber, nom de Dieu ! Bravo mon gars ! Si je n’avais pas à faire, je t’aurais bien suggéré d’aller fouiner partout où Treiber s’est fendu d’une pause-caca. Va savoir ! Tu trouverais peut-être d’autres suicidés qui n’en seraient pas. Suicidés au sécateur ou à la hache. Des suicidés douteux, douteux par le simple fait de l’avoir côtoyé, le Treiber.
Tu vois, je ne t’avais pas menti. C’était un bien bel article, ma foi. Avec de vrais témoignages, de vrais ressentis. Ah, les ressentis qui valent pour argent comptant, la plaie du monde d’aujourd’hui ! Mais que veux-tu, il faut vivre avec son temps ! Celui du scoop à tout prix, et à pas cher. A base de gens. Ce doit être cela qu’on nomme le journalisme d’avenir et de proximité. Celui qui t’apprend qu’un pendu et un type qu’a les pieds sur terre, eh ben ça fait deux ! ... Surtout quand y’a Treiber dans le coin …
NB : Hier soir, à 22h47, le Parisien stoppait net ses élucubrations à 90 centimes d’euros, pour titrer :
“L’ex-collègue de Treiber s’est bien suicidé”.
Je ne peux vous dire ce que j’ai ressenti en prenant connaissance de cet “étrange” retournement de situation. Je me suis juste dit, que y’a un moment, les gars, faudrait peut-être arrêter de déconner et vous remettre au journalisme ..


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