Il y a dans notre société actuelle des cotés d’ancien régime. Un gouffre entre les rémunérations modestes de la masse et les salaires faramineux de quelques-uns. Au moment où les instances du football confirment le versement d’une prime de 826.222 euros à Raymond Domenech pour la qualification de l’équipe de France de football pour la Coupe du Monde, une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), menée en 2007 souligne que dans les entreprises de plus de dix salariés du secteur marchand, 55 % des personnes interrogées sont “plutôt insatisfaites” de leur rémunération.
La fédération française de football a beau déclarer que les revenus de Raymond Domenech sont très inférieurs à ceux de certains de ses homologues européens, ce constat ne peut en rien apaiser l’exaspération de nombreux travailleurs face à l’indécence salariale d’une poignée de privilégiés, sportifs professionnels compris.
Etonnamment Christine Lagarde partage cette indignation contrairement à sa collègue Rama Yade. Pour la ministre française de l’Economie, “Trop d’argent dans le sport, ce n’est pas une bonne chose“. “Je viens d’un monde sportif amateur où l’on mouillait la chemise et l’on engageait ses propres sous pour payer son maillot“, a expliqué la ministre, ancienne championne de natation synchronisée, sur Radio Classique.
Outre le fait que désormais sélectionneur rime avec menteur, Domenech ayant préalablement fermement démenti le montant de la prime allouée, la ligne de défense adoptée par la FFF n’est pas convaincante. Selon Jean-Louis Valentin, directeur général délégué de la fédération, “L’ensemble des recettes qui sont générées par l’équipe de France sont redistribuées en grande partie auprès du monde amateur. L’équipe de France, c’est ce qui fait vivre le football de base“.
En grande partie seulement. Le delta restant constitue un gâteau dont la répartition frise l’indécence. Outre le sélectionneur, les joueurs qui ont participé à tous les matches qualificatifs ont touché de leur côté 563.000 euros qui viennent s’ajouter à leurs salaires versés par leurs clubs.
L’autre France, celle qui est de l’autre côté du poste de télévision voit son insatisfaction salariale croître mais à des niveaux sans commune mesure. Selon l’Insee, 50 % des salariés évaluent à 330 euros mensuels l’écart entre le salaire perçu et celui jugé normal.
La profession qui incarne tout de suite médiatiquement ce blues des travailleurs, ce sont les routiers. Les 500.000 salariés du secteur réclament une hausse de leurs salaires, jugés bien trop faibles par rapport aux sacrifices imposés par leur métier. Derrière eux pourraient s’engouffrer une grande partie des agriculteurs et des marins pêcheurs qui ont vu leurs revenus s’effondrer.
La CGT devrait tenter de catalyser ces mécontentements. De Nantes où la confédération tient son congrès, Bernard Thibault a annoncé le lancement d’une grande campagne sur les salaires et les retraites au début de l’année 2010. “On est dans une économie qui valorise le capital. Vous avez de l’argent, vous spéculez, ça peut vous en rapporter. Vous travaillez, vous n’êtes pas rémunéré à la hauteur de votre travail” a déclaré mercredi le secrétaire général dela CGT sur Europe 1.