Et s’il faut un centième, ce sera celui-là…
La galerie des Portraits des centième du classement Wikio se poursuit…
Qui s’est occupé du choix de la couleur ? Parce qu’alors kaki vous avez pas tapé dans ce qu’y a de plus reluisant (P. Palmade, le Colonel)
Ce mois-ci, le classement Wikio nous propose comme centième un blog bien singulier. Singulier au sens qu’au lieu du sempiternel blogueur affilié à la Fédération Socialiste de Rover-sur-Oise, nous avons là un militaire. Un militaire qui parle, c’est rare. Un militaire qui écrit, ça l’est encore plus. Alors un militaire qui se pique de réfléchir !
Celui-ci se prénomme Olivier Kempf et son blog, Egea, parle de géopolitique. Et il veut faire mentir Lyautey qui disait « Quand les talons claquent, l’esprit se vide« . Egea rit de la Grande Muette !
Alors, autant vous prévenir : Kempf n’est pas un fantaisiste. Pas de fille à poil à gros nichons en couverture. Son blog est visuellement et organiquement orienté vers le minimalisme opérationnel, comme en témoignent la liste de questions en colonne de gauche qui tombent en cascade (Pourquoi Egea ? Pourquoi ce blog ? Pourquoi ce logo ?…).
Ses billets ressemblent plus à des inventaires à la Prévert numérotés pour les besoins du chef d’Etat major de l’armée. C’est facile à lire, un peu sec, et finalement pas toujours très ordonné dans la réflexion.
Néanmoins, moi qui ai commis quelques billets géopolitiques (une analyse pluriséculaire de la géopolitique française, une théorie sur la géopolitique du net, une analyse politique du Proche et Moyen Orient et de l’Iran), je me suis rappelé les vers de Musset – qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Le Professeur Kempf a toujours quelque chose à dire
A la lecture, Egea est un blog singulier. Kempf dépasse largement le champ de la géopolitique pour s’intéresser aux univers connexes : stratégie, politique, géographie, anthropologie, sociologie, …). C’est souvent passionnant, toujours pertinent – rarement impertinent.
Curieusement, si je devais le critiquer, ce serait justement sur ses analyses géopolitiques : il se trompe ainsi (selon moi) sur la temporalité de la géopolitique japonaise, en croyant discerner une évolution depuis 18 mois alors qu’il s’agit d’un phénomène long vieux de 10 ans ; il analyse longuement la guerre sans jamais ouvrir le vrai débat qui est celui de la légitimité de la guerre (et pas seulement sa médiatisation ou sa popularité) et du retour de la guerre juste; il fait de même sur l’OTAN où il n’aborde pas le thème crucial de la survie d’une organisation privée de son ennemi; il utilise le mot d’isolationnisme pour parler d’Allemagne dans un sens peu académique. ..
Ce sont des petits points, mais qui me dessinent un autre visage que celui que l’auteur met en avant, avec une présentation plutôt ronflante : « Olivier Kempf, parmi d’autres activités, enseigne à Sciences-Po Paris (cycle franco-allemand) (…) collaborateur régulier de « Défense Nationale et Sécurité Collective« , (…) se spécialise en géopolitique théorique, en géopolitique européenne et atlantique, et en stratégie militaire (…) a déjà publié une vingtaine d’articles (DN&SC, DSI, Revue Française de Géopolitique, Stratégique, …). » – comprenez : « veut exister« .
Je verrais plutôt Kempf comme un homme qui s’interroge et qui manipule des concepts ouvertement, plutôt que comme un spécialiste. Il y a un mélange d’indéniable compétence (sur le militaire), de naïveté parfois, et de mauvaise analyse lorsqu’il s’éloigne des terrains connus.
Je vous dirais : et c’est tant mieux.
Car le concept de blog ne prend tout son sens que dans ces billets où l’auteur s’expose à la critique en sortant de la répétition de ce qu’il a lu ou appris. Il crée le débat. Merci, Professeur Kempf.