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La France, une histoire d'athéisme?

Publié le 08 décembre 2009 par Nemo
La France, une histoire d'athéisme?Je rebondis sur l'excellent billet du Chafouin qui n'en est pas à sa première réaction sur la question de la laïcité remise sur le devant du tableau, étrangement en raison de la votation suisse interdisant l'apparition de minarets islamiques dans l'espace visuel helvétique.
Je ne comprends pas que la plupart des commentateurs ignorent ou éludent la question de la déformation du principe de laïcité.
Si le Chafouin met en avant judicieusement la corrélation de la notion avec celle de neutralité, c'est à dire une démarche qui se détermine essentiellement par l'absence d'action, le parallèle n'est pas fait avec cette volonté mue par la crainte de l'intégrisme d'une partie de la population de convertir cette neutralité en action, en prohibition à l'instar du régime soviétique inspiré par l'athéisme marxiste.
Mais à vouloir interdire l'expression d'une croyance en raison de ses déviances extrêmistes ne justifierait-il pas que l'on prohibe le conservatisme parce qu'il existe le nationalisme raciste ou la social-démocratie parce qu'il existe un terrorisme anarcho-communsite?
Question rhétorique mise à part, doit-on oublier que l'athéisme est aussi une croyance qui est à mille lieues de la tolérance dictée par la laïcité et ses parents proches, l'agnosticisme et le scepticisme philosophique.
Rappelons quelques définitions:
Laïcité: A. Principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse. La laïcité est un des grands principes sur lesquels repose, avec l'obligation et la gratuité, l'enseignement public français (Pédag. 1972). Le principe de la laïcité n'est pas absolu : l'Alsace et la Lorraine demeurent sous le régime du Concordat de 1801 (Debb.-Daudet Pol. 1978) :

B. − Caractère des institutions, publiques ou privées, qui, selon ce principe, sont indépendantes du clergé et des Églises; impartialité, neutralité de l'État à l'égard des Églises et de toute confession religieuse.


Athéisme:
Doctrine ou attitude fondée sur la négation d'un Dieu personnel et vivant.

Agnosticime: Doctrine ou attitude philosophique qui considère l'absolu inaccessible à l'intelligence humaine.
Scepticisme: A. − PHILOSOPHIE 1. a) Doctrine des pyrrhoniens selon lesquels l'homme ne pouvant atteindre la connaissance de la vérité, il est nécessaire de pratiquer en toute chose la « suspension du jugement » et d'ériger le doute en système. Synon. Pyronnisme. (Ca fera plaisir à Claudio) b) P. ext. ,,Toute doctrine qui nie la possibilité de la connaissance de l'absolu ; doctrine qui refuse d'admettre une chose sans examen critique, sans doute scientifique.
Neutralité: A. [En parlant d'une pers. phys. ou morale] 1. Caractère, attitude d'une personne, d'une organisation, qui s'abstient de prendre parti dans un débat, une discussion, un conflit opposant des personnes, des thèses ou des positions divergentes.

Dès lors, interdire l'expression publique d'une croyance ne saurait se faire au nom de la laïcité car celle-ci ne saurait se traduire comme l'intervention de l'Etat édictant des mesures d'interdiction ou de restriction.
La laïcité dicte au contraire que l'Etat n'intervienne point. Ce qui est du domaine du religieux ne le regarde guère. Par extension, il ne lui est pas permis de soutenir ou de promouvoir une religion quelle qu'elle soit à ce titre.
En revanche, rien n'interdit que l'Etat restreigne l'expression publique de certaines croyances au motif qu'elle heurterait d'autres principes fondamentaux de la République comme le refus des discriminations. A ce titre, il me semble que l'argumentaire visant à la prohibition des tenues comme le niqab ou la burqa serait tenable si ce n'est qu'il se confronterait nécessairement à la question de savoir si ces tenues sont ou non imposées par autrui.
Pour ce qui est de la question des minarets, j'ai du mal à voir en vertu de quel principe, l'Etat pourrait proscrire la construction de tels bâtiments.
L'Etat ne peut l'interdire a priori mais cette impossibilité serait contournable par le jeu de la délivrance des permis de construire par les collectivités locales. Mias ces permis ayant la nature de décision administrative, ils sont soumis au contrôle en excès de pouvoir, c'est à dire que le juge analysera si le refus de délivrance d'un permis de construire n'est pas fondé sur une violation de la loi.


Se réfugier derrière la laïcité est donc bel et bien une erreur fondamentale car elle révèle les motifs athéistes, parfois islamophobes, qui animent ceux qui s'opposent à l'apparition des minarets.
Le problème étant qu'une fois réglée cette question, rien n'interdit que l'on s'attaque, pour les mêmes motifs à nos clochers, nos églises, comme tout autre lieu de culte.
Mais là encore, vous aurez une horde de bienpensants athées, drapés dans les habits de la laïcité et de la tolérance, pour vous expliquer qu'il nous faut nier près de 2000 ans d'histoire chrétienne française par souci d'égalitarisme. C'est feindre d'ignorer que ce n'est pas parce que l'on reconnaît la relation particulière que la nation française a entretenu historiquement avec l'Eglise catholique, façonnant une grande partie de son identité, que l'on demande à l'Etat de se soumettre à l'autorité du Vatican.
Rappelons ce qui devrait être un truisme: l'Etat repose sur la nation mais l'Etat n'est pas la nation et ne la détermine pas. La nation détermine l'Etat en revanche.
La nation française n'est pas née avec les Lumières mais la République en est l'héritage.
L'Etat se pose donc en représentant d'une nation à l'identité profondément chrétienne tout en étant façonné dans ses institutions par l'histoire post-révolutionnaire. La République laïque et la nation judéo-chrétienne.
Ce qui explique qu'en France, on peut donc être catholique en tant qu'individu et d'inspiration chrétienne en tant que nation, tout en étant laïque, c'est à dire promouvoir la neutralité de l'Etat à l'égard des religions.
On ne peut cependant pas être laïque et souhaiter l'interdiction de toute construction sans soutien financier de l'Etat, de minarets ou d'églises.
L'athéisme est une croyance, le catholicisme ou l'islam en sont d'autres.
La laïcité doit permettre à chacune d'entre elles de s'exprimer et non pas de faire triompher la première sur les deux autres.
On ne peut donc s'opposer a priori aux minarets sur ce fondement.

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