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Quand le nationalisme occulte l’idéologie

Publié le 10 décembre 2009 par Chacalito

Gael-poing-leve.jpgJe l’ai déjà dit : je suis nationaliste. Pour beaucoup, ce mot fait peur et c’est bien normal puisque l’Etat l’a rendu responsable de la seconde-guerre mondiale. Pour moi, il n’en est rien. Seule la bêtise de deux Etats-Nations et le laissez-faire des populations a rendu possible cette boucherie. Etre « français », être « breton », être « allemand » ou « basque », « marocain » ou « kabyle », c’est se revendiquer d’une nation. Car une nation n’est guerre plus qu’un territoire approprié par un peuple qui a conscience de lui-même. Si les bretons ont peur de ce mot, c’est qu’ils sont multi-appartenants (ne se sentent pas QUE bretons, c’est mon cas) et craignent l’indépendance. De mon point de vue, les nations se chevauchent et c’est l’Etat-Nation qui est périmé. Ce que nous nommons dans notre jargon « Emsav » (mouvement politique breton) refuse de l’accepter. Seule l’UDB l'accepte et en paye le prix de la part des « nationalistes » qui ne rêvent que d’une Bretagne indépendante. Et le reste on verra après !

Seulement voilà, la Bretagne n’est ni le Pays de Galles, ni l’Ecosse, ni le Pays Basque, ni la Catalogne (pour prendre des exemples proches), la Bretagne est la Bretagne et les bretons sont ce qu’ils sont. Il ne sert à rien de le déplorer et il ne sert à rien de faire « comme si » (de ce point de vue là, Françoise Morvan a raison) les bretons étaient autrement. Les bretons se sentent AUSSI français pour la plupart. Doivent-ils être abreuvés de nationalisme français pour autant ? Je ne le crois pas et c’est la raison pour laquelle je ne débattrais pas sur « l’identité nationale » imposée par Eric Besson. On voit déjà à quoi nous mène ce débat complètement illégitime (puisque l’Etat ne doit promouvoir aucune identité de mon point de vue) : à la chasse aux sorcières ! La fameuse lutte contre le « communautarisme » revient au galop au nom d’un Etat un et indivisible. Et le projet de loi sur les langues régionales est enterré. Bel exemple d’ouverture aussi chez les jacobins !

Ras-le-bol des leçons d’histoire que des élèves complètement déboussolés doivent apprendre tel un catéchisme : « la Bretagne est une région qui compte quatre départements » dans la bouche de millions de gamins pour qui territoire rime avec administration ! Comment pouvons-nous lutter ? Comment expliquer, displegañ, déplier et mettre à jour, la vérité : l’Etat se construit autour d’une mythologie.

Messie mais non
Le hic, c’est que tous les militants de l’Emsav le savent, mais que beaucoup d’entre eux choisissent de prendre à contre-pied cette mythologie en en créant une autre : une Bretagne éternelle pour les uns, la Celtie pour les autres… tous ces romantiques en quête d’Absolu cherchent à mettre en pratique des idées qui nécessitent bien plus que de belles paroles pour être réalisées. Nombreux sont les militants à rejeter le réalisme de l’UDB et son acceptation des règles démocratiques pour se réfugier derrière des partis « rassembleurs » et souvent guidés par une personnalité charismatique. Pour ma part, je n’ai jamais cru aux Messies et ni Le Drian, ni Cohn Bendit, ni Granville ou même mon camarade Ronan Leprohon ne constituent pour moi des modèles. Chacun mérite le respect, mais seuls les partis comptent. L’idéalisme est un chemin à suivre, pas un but à atteindre. Le monde parfait n’existe pas et personne ne peut y mener.

J’entends de plus en plus fréquemment des argumentaires visant à dire que « l’important, c’est la Bretagne ». Je suis effrayé par ces discours et je vais m’en expliquer ici. La Bretagne ne constitue en rien un projet de société. La Bretagne est un territoire où vivent des bretons, mais également des non-bretons. Ces gens désirent vivre ensemble. Mais chacun d’eux a une vision bien à lui de quel monde il veut. Les partis représentent théoriquement chacun un projet de société (l’UDB est autonomiste, socialiste et écologiste) et c'est ce projet là qu'il faut défendre. Je dis "théoriquement" car en ces temps d’élections régionales, le vieux serpent de mer de l’union bretonne a refleuri. Comme une odeur nauséabonde, ce relent de préférence nationale a de quoi effrayer par le fait qu’il met en second plan l’idéologie pour se concentrer sur une vague idée  ou plutôt un archétype d’une Bretagne idéale ("ni de droite, ni de gauche"*). Résultat, pour ce genre de liste, est breton celui qui vote breton ! C’est dire si nous sommes peu ! Quoique l’UDB, alliée aux Verts, n’est qu’un parti de traitres puisqu’il pactise avec l’ennemi : les partis français. Vous noterez l’ouverture de ces types pour qui un électeur du PS, de l’UMP, du NPA, du PC, du Modem ou des Verts (…) n’est pas breton. Pour vous, c’est quoi être breton ?

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Ceux qui s’intéressent à la politique ont peut-être suivi le duel des Christians. D’un côté, Christian Guyonvarc’h, vice-président du Conseil régional de Bretagne qui semble animé par une foi sortie d’on ne sait où tant on reste béat devant la quantité de travail qu’il abat à lui seul. De l’autre, Christian Troadec, maire de Carhaix et icône du Poher pour son engagement dans diverses luttes dont celle de l’hôpital. Il convient avant tout de rappeler que Christian Troadec était membre du groupe UDB et qu’il l’a quitté suite à l’affaire de l’hôpital de Carhaix nous reprochant de vouloir « négocier ». Grand bien nous a pris de négocier puisque c’est cette négociation, rendue possible par le soutien populaire auquel l’UDB a participé activement, qui a permis à l’hôpital de ne pas se transformer en centre gérontologique. Ce qui distingue CG de CT, ce sont surtout les méthodes : le premier se fie à une réalité donnée pour parvenir au meilleur résultat possible, le second lève le poing, râle, hurle, mais ne propose rien au final. Dans ce combat, je pense que le romantisme du second l’emporte auprès du public et c’est pourtant cette passion qui risque de mener notre idée de la Bretagne à sa perte. Cette quête de l’Absolu explique aussi la désaffection des gens pour la Politique et les partis : on ne rentre dans un parti que si l’on est d’accord avec tout. Quelle connerie ! Croyez-vous que je sois toujours en accord avec le mien ? Construit-on un monde seul ?

Concrètement : Christian Troadec officiellement par idéal, officieusement parce qu’il s’est fait jeter des partis auxquels il a rendu visite (PS, Verts, UDB + Europe Ecologie et même Bretagne écologie), a monté sa liste aux régionales. La première chose qu’il entreprend est de taper sur l’UDB car il sait que nos électorats se chevauchent. Soit. Christian Guyonvarc’h le tacle, agacé par son populisme et désirant un minimum d’honnêteté intellectuelle. Il faut dire que son départ et ses attaques injustes nous ont touché car qui a payé les campagnes de Troadec aux législatives ? aux sénatoriales ? Qui a permis à Troadec d’être conseiller régional ? Qui a médiatisé son combat pour l’hôpital de Carhaix et lui a offert des tribunes un peu partout en Bretagne ? Qui si ce n’est l’UDB dont les combats ne sont jamais reconnus par personne.

L’idéologie est donc souvent laissée de côté au nom d’un nationalisme (assaisonné d’individualisme) complètement crétin car ce n’est pas le nationalisme qui compte, mais la vie des bretons donc l'idéologie (voir ici les conséquences d'une non-clarification idéologique). Ce qui est vrai du mouvement breton l’est aussi de l’environnementalisme. Au sein d’Europe-Ecologie, certains voudraient un rassemblement alliant Verts (de gauche), UDB (de gauche), Cap 21 (de droite), MEI (de droite)… Ceci est inacceptable et rejeté par l’UDB. La liste Europe Ecologie Bretagne, pour ceux qui en douterait, sera bel et bien de gauche, elle ! Qu'il y ait des individus de gauche au sein de CAP 21, je n'en doute pas un instant, mais leur parti est à droite. S'ils souhaitent rejoindre EEB, qu'il le fasse individuellement, sur la base d'un engagement de gauche.


Quoiqu'il en soit, la tête haute et le poing levé, je le dis: je suis membre de l'Union démocratique bretonne, un parti sincère et honnête, qui dit ce qu'il sait et qui propose une alternative à ce monde ravagé par l'individualisme et la quête du profit. Je suis membre d'un parti qui sait qu'il ne gouvernera pas seul et qu'il vaut mieux faire passer ses idées au plus grand nombre plutôt que de vouloir les mettre en place seul. Je suis simplement membre d'un parti démocratique. Avoir un regard d'enfant, pourquoi pas! Avoir des réponses d'enfant, pas question! 


* Pour aller plus loin, voici ce que dit Raymond Debors à propos du "ni-droite ni-gauche":
(...) déplorer que la gauche fasse (presque) la même politique que la droite et ne se situer « ni à gauche, ni à droite », ce n’est pas la même chose. La gauche étant historiquement identifiée au socialisme et au pouvoir des travailleurs, l’idée d’une « troisième voie » entre elle et une droite identifiée à la bourgeoisie et au capitalisme, a toujours appartenu à l’extrême droite fasciste. C’est le « ni droite ni gauche » de Le Pen. Cette formule est naturellement une escroquerie dans la mesure où il n’y a pas d’autre choix qu’entre celui de mener une politique favorable à la finance ou une politique favorable au monde du travail. L’histoire contemporaine nous a malheureusement démontré à de trop nombreuses reprises que le fascisme a toujours fini par choisir le capital contre le travail et par écraser dans le sang la gauche pour la plus grande satisfaction des groupes industriels monopolistes.

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