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Petit brouillard et grand embrun

Publié le 15 décembre 2009 par H16

Ca y est : on sait maintenant qui va recevoir quelle part au banquet ! Le gâteau est joufflu, et les parts inégales : il y avait bousculade et le Chef à tranché (dans le gâteau et dans la bousculade). La Recherche et l’Enseignement supérieur récolteront donc les gros morceaux.

Grand emprunt il y aura donc, et Sarkozy vient de donner les cibles approximatives de l’aspersion incontrôlée de deniers publics.

Avant tout, levons le doute sur le montant lui-même : après une petite bataille dans les titres (entre les 22 et les 35 milliards, on s’y perd un peu), on comprend donc que l’état va claquer 35 milliards d’euros. Si l’on aime un bon gros endettement des familles et les intérêts juteux qui s’y rapportent, on présentera plutôt l’information comme 22 milliards, puisque 13 milliards des 35 milliards annoncés seront apportés par les Banques, en remboursement des aides suite à la crisounette de septembre 2008.

Après tout, ce n’est pas comme si ces 13 milliards auraient pu servir à quelque chose d’autre comme rembourser des intérêts de dettes déjà contractées ou combler des déficits sociaux abyssaux, hein.

En outre, par un habile tour de passe-passe, l’emprunt, parti à 22 milliards, se retrouve à 35 milliards en cours de route et il se vîmes 60 milliards en arrivant au port – ce qui claque un peu Rodrigue et ses 5000 pelés – , puisqu’il permettra de générer pif pouf comme ça « 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés« , a déclaré le président en agitant une baguette au-dessus de son grand chapeau claque.

Bref.

Nous apprenons donc que l’Etat va cramer des thunes dans des activités – je cite – « exclusivement consacrés aux priorités d’avenir, conformément aux recommandations d’Alain Juppé et de Michel Rocard« .

Pour rappel, Juppé, c’est l’ex-premier ministre qui n’a jamais été condamné pour une gestion innovante de ressources humaines et qui ne s’est jamais débiné au Québec suite à aucune peine d’inéligibilité. Juppé est célèbre pour avoir réussi, contre vents et marées, à tenir un budget irréprochable et toujours bénéficiaire lorsqu’il était au pouvoir. Il est le papa d’un charmant bambin, la CRDS.

Et Rocard, c’est l’ex-premier ministre qui n’a jamais fait de déficits non plus, s’est toujours contenté de taxes purement temporaires, et qui a toujours montré une parfaite connaissance des sujets qu’il aborde, comme, par exemple, la crise financière ou le réchauffement climatique. Il est le papa d’un adorable poupon, la CSG.

Alain et Michel ont donc fermement recommandé à Nicolas d’employer les 35 milliards en dépenses de priorités d’avenir. Vu leur background, on ne peut qu’encourager Nicolas à suivre ces impressionnants sherpas.

Ce qui, au passage, montre que les autres – moins grands – emprunts, ceux qu’on fait à raison d’un par semaine, et pour plusieurs milliards à chaque fois, ne sont pas pour des priorités d’avenir. De là à en déduire qu’il s’agit de brûler du bas de laine pour des priorités du passé, il y a un pas que nous ne franchirons pas, faudrait pas pousser tout de même. Nos édiles sont plus malins que ça, hein !

Et Nicolas a donc décidé ce qu’il allait faire de ses 35 milliards.

Au demeurant, on se rappellera que dans toute entreprise normalement gérée, on évalue d’abord les sujets sur lesquels on veut investir, on calcule l’ensemble des charges au plus juste, puis on emprunte. Ici, et parce que l’Etat Français le vaut bien, on fait l’inverse : on récupère le pognon, puis on réfléchit à quoi on va bien pouvoir le dilapider.

Heureusement pour nous, l’option Casino, Putes et Champagne n’a pas été choisie. Enfin, pas officiellement ; on claquera bien quelques millions (en constante augmentation) pour des futilités communicantes exclusivement concentrées dans l’Image Du Président (importance des majuscules), mais ce n’est pas la même chose.

Nous voilà donc lancés dans l’investissement public. C’est du lourd, du concret, du qui va rapporter. Parce que, voyez-vous mes petits moutontribuables, « Nous avons constamment sacrifié l’investissement, c’est une faute, le secteur privé ne peut pas tout« , a fait valoir le chef de l’Etat.

Tiens, je tombe sur un petit tableau.

Petit brouillard et grand embrun

Comme on peut le voir, le secteur privé non seulement ne peut pas tout mais il peut même de moins en moins tant il occupe maintenant une part de plus en plus congrue dans le PIB français. A 52.4% en 1999 (52.7% en 2009) on peut même dire que le secteur public est particulièrement vorace. Gageons qu’à 60 ou 70%, le secteur privé sera enfin déchargé du lourd fardeau de pouvoir quoi que ce soit. La République Démocratique Populaire Française sera alors une réalité.

En attendant ce jour béni où l’état pourra tout ce que le privé ne peut pas, Nicolas va donc claquer vos thunes de la façon suivante :

  • Il va injecter avec ses petits bras plein de bons gros milliards dans l’Éducation et la Recherche. Le but est simple : « nous voulons les meilleures universités du monde« . La question suivante est simple : comment garantir que les milliards ne seront pas dépensés en technotrons biduloïdes improbables ? Comment s’assurer que ce ne seront pas les petits copains et les connivences qui en profiteront ? Simple aussi : on ne peut pas. Fastoche, non ? Et côté recherche, en avant pour 8 milliards dont 3.5 dans « un petit nombre de sociétés de valorisation implantées sur les grands campus« . Autrement dit, ça va se bousculer sévère pour avoir des miettes, et seulement pour un petit nombre de sociétés tenues par des gens de valeurs (i.e. connues des institutions, avec retour d’ascenseur à prévoir, et petits arrangements entre amis, cela va de soi). On peut déjà parier qu’il n’y aura aucun « Google » français à sortir de ces sociétés de valorisation.
  • Il va restaurer la compétitivité des entreprises avec 6.5 milliards en aides diverses. Notez qu’on pourrait rendre ces 6.5 milliards d’impôts à celles-ci, mais non : on va continuer à (toutes) les ponctionner, et de l’autre côté, on va leur rendre, moins les frais (et pas à toutes). Habile, non ?
  • Il va arroser le Développement Durable, moyennant un peu de revamping du nucléaire : « Le CEA va donc devenir le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives » – poétique, non, cette idée d’ »énergies atomiques et alternatives » ?  On imagine un pédalo atomique ou une éolienne nucléaire. Moyennant un euro dépensé dans le nucléaire qui marche plus ou moins bien, on va aussi dépenser un euro dans l’alternatif qui ne marche pas du tout. Et puis « Kommissariat », cela a un aspect solennel. Quasi Brejnevien. Tout un symbole.
  • Notre Hercule national va aussi instaurer le numérique pour tout le monde, parce que voyez-vous, ce qui se passe actuellement ne va pas assez vite. En fait, on va surtout se focaliser sur – je vous le donne en mille – la Culture, les Musées et les Bibliothèques, pour plus de 4 milliards. Pour rappel, le budget de la Justice en France (Patrie des droits de l’homme et tout ça) est de 6 milliards et est en 23ème position des budgets européens de justice. Mais au moins, les justiciables apprécieront de savoir que la Grande Vadrouille va être numérisée. Quant à Google, on se remémorera qu’il voulait au départ tout numériser chez nous, … gratosse. Mais comme Sarkozy insiste pour payer, autant y aller, hein.
  • On a parlé gâteau, parlons de la cerise, qui vient dessus : le gouvernement organisera en janvier une conférence réunissant l’Etat, les collectivités territoriales et la sécurité sociale pour définir une méthode destinée à « sortir de la spirale des déficits et de l’endettement« . Après l’organisation d’une orgie d’emprunts et d’un déficit record de 150 milliards, je trouve que c’est assez comique ou ça frôle le cynisme… Un petit côté « Demain, j’arrête ».

Bref : ça a de la gueule, de claquer en quelques minutes 22 milliards (ou 35, ou 60, je ne sais plus, je m’y perds).

Petit brouillard et grand embrun

Mais on peine à voir en quoi, exactement, ces dépenses vont, très concrètement, sortir la France de l’ornière. Probablement parce que l’ornière dont il est question n’est pas celle qui est visée avec ces affectations. Si la France est en manque de quelque chose, c’est, tout simplement, de Justice et de Liberté.

La Justice permet à la Liberté de s’exprimer.

La première est exsangue.

La seconde est complètement bouffée par les gesticulations présidentielles.

Car le privé arrive très bien à gérer les domaines concernés par ces dépenses pharaoniques partout ailleurs dans le monde : la Recherche, les PME, la Culture, l’Éducation, il existe pour chacune de ces branches des solutions éprouvées dans le privé, le problème n’étant alors plus du tout de moyen, mais purement idéologique.

Pour Sarkozy, penser, même une seule seconde, que le privé pourrait s’en charger, reviendrait à abdiquer le contrôle auquel le Président est complètement accro ( »le secteur privé ne peut pas tout« ).

Sans surprise, Nicolas 1er est donc plus socialiste que Jospin, finalement …


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