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Identité nationale : remettre le débat à l’endroit plutôt que la casquette du “jeune musulman” façon Nadine Morano… sans y convier Maurice Barrès !

Publié le 16 décembre 2009 par Kamizole

nadine-morano-27-aout-2009-identite-nationale.1260965712.jpgTrop c’est trop ! Le débat sur l’identité nationale ne pouvait que déraper ou sombrer, comme l’on veut, dans les égouts de l’histoire. Parce qu’il n’avait nullement comme finalité de susciter l’adhésion des étrangers vivant en France ou candidats à l’immigration à certaines valeurs fondamentales de la République - dont la laîcité – mais bien de recroqueviller les franchouillards sur leurs peurs paranoïaques de “l’autre” forcément différent et dangereux. Cette crispation identitaire n’est pas nouvelle et nos supposées “élites” ne font rien d’autre que reprendre quasi mot pour mot ce que nous entendons parfois dans les rades – Besson veut des conversations de comptoir ! – et autres lieux de beaufitude.

C’est dire l’élévation d’esprit du débat… Mais comment s’en étonner ? Nicolas Sarkozy ne répugne nullement à l’abaisser – il veut du «gros rouge qui tache» - puisque par pure démagogie populiste, il entend racler les bas-fonds de l’électorat lepéniste et les couches populaires.

Nadine Morano vient d’y apporter sa “french touch” et provoque bien entendu un tollé quasi général… sans doute pas chez ceux qui s’en délectent, de Sarko, Besson et consorts jusqu’à Marine Le Pen mais même à l’UMP des voix s’élèvent. Par exemple François Baroin, cité par 20 minutes Nadine Morano, «elle a un problème avec la jeunesse» qui parle d’une «parole de trop», demandant que l’on mette «en suspens» ce débat qu’il ne «comprend pas» (…) «La moindre des choses, c’est de regretter de tels propos. (…) A quoi bon prendre le risque de faire de l’agit-prop pour ouvrir une auberge espagnole (…) à quelques semaines d’une échéance électorale qui évidemment va faciliter les amalgames, les confusions».

Pendant que je rédige ce texte, j’entends sur France-Info que Dominique de Villepin demande également au gouvernement de mettre fin à ce débat «qui n’a pas de sens»

S’agit-il d’une simple «bourde» ? comme semblerait l’indiquer le titre de Libération Après sa bourde, Morano se justifie en diffusant la vidéo du débat. «Amalgame sans complexe ou phrase sortie de son contexte?»… Il ne me fait aucun doute qu’il y ait amalgame entre l’immigration et la religion musulmane. En droite ligne des récentes déclarations de Nicolas Sarkozy qui n’envisage l’étranger que sous l’angle de la religion musulmane.

Elle demande “au jeune musulman” «qu’il aime son pays, qu’il trouve un travail, qu’il ne parle pas verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers». Certes, c’est en réponse à une question posée par un jeune homme «sur la compatibilité de l’islam avec la République»… la question n’était certainement pas anodine !

Mais Nadine Morano est tombée les deux pieds dans le piège, même si elle aurait ajouté, c’est bien le moins : «On ne fait pas le procès d’un jeune musulman. Sa situation, moi je la respecte».

Et d’après ce que j’ai entendu tout à l’heure le débat était très certainement bien parti dans un sens détes-table puisque dans l’historique l’on remonta jusqu’à Charles Martel… Personnage emblématique de la rhétorique d’extrême droite puisqu’il défit les Arabes à Poitiers en 732. Ambiance !

Il s’en faudrait de beaucoup que dans les quartiers que l’on qualifiera pudiquement de “difficiles” – banlieues de relégation sociale et ethnique – les jeunes musulmans ou plutôt d’origine nord-africaine – soient les seuls à arborer une casquette à l’envers, à parler verlan ou avoir des difficultés à trouver du travail. Dans ma jeunesse l’on eût conseillé à Nadine Morano de “sortir le dimanche” et d’aller se promener dans les banlieues…

Ces propos sont certes indignes mais le vrai dérapage n’a-t-il pas consisté à organiser ce débat à Charmes, petite ville (4665 habitants) des Vosges pour honorer en même temps la mémoire du chantre incontesté de l’identité nationale, Maurice Barrès (1862-1923), député boulangiste, qui y était né ? Antidreyfusard, militariste et nationaliste qui ne cessa d’exalter le «patriotisme de la revanche» jusqu’à la guerre de 1914-18 qui fit de lui un des champions de “l’Union sacrée”… L’antithèse absolue de Jaurès.

Je remarque toutefois que Barrès changea d’avis sur les juifs, leur participation à L’Union sacrée l’ayant amené à les inclure dans “Les Diverses familles spirituelles de la France “(1917)… Nul hasard si je parle des juifs car il m’est évident que l’antisémitisme d’hier présente de curieuses – sinon furieuses ! – ressemblances avec l’islamophobie actuelle, s’agissant de l’amalgame entre origine ethnique et religion.

Petit rappel : serions-nous oublieux de la “dette de sang” que nous avons contractée à l’égard des pères ou grands parents de nombreux étrangers naguère colo-nisés qui furent enrôlés de gré ou de force aussi bien en 14-18 qu’en 1939 ? Sans oublier les résistants martyres du “Groupe Manouchian” des FTP-MOI (initiales de… Main-d’Oeuvre Immigrée !).

Je vous inviterais aussi volontiers à lire la chronique de Jean-François Kahn (Marianne du 5 au 11 décembre 2009) qui nous narre une histoire in fine : celle d’une division du 33e corps qui en mai 1915 parvint seule à traverser les lignes allemandes et prendre d’assaut la stratégique côte 140 sous un déluge de feu : «Charge héroïque qui vit ses héros antiques, en un élan irrésistible, tout emporter sur leur passage en hurlant “Vive la France !” et en brandissant des drapeaux qui n’étaient d’ailleurs pas tous tricolores. Les premiers tués que l’on enterra sur place selon le rite musulman, s’appellent Fenni Ben Smail, Ben Farran ou Bellagh Ammar, originaires d’Algérie ou de Tunisie».

… Et de poursuivre en détaillant la nationalité des soldats de la division : des volontaires américains, canadiens, belges, espagnols, grecs, italiens, dex exilés tchèques, polonais, russes. Tous guidés par l’amour de la France ou de Paris. Patrie des droits de l’homme, de la démocratie, du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, et pour certains, de Jaurès.

Nous connaissons l’épopée aussi exemplaire qu’émou-vante de cette division car elle fut narrée par un de ses rares survivants (plus des deux tiers périrent) également volontaire étranger, l’écrivain suisse Blaise Cendrars.

Si Nicolas Sarkozy et Eric Besson souhaitent pousser le bouchon encore plus loin, ils devraient associer aux futurs débats la mémoire d’Edouard Drumont – qui a écrit «La France Juive» - de Charles Maurras et Léon Daudet de l’Action Française. Ils pourraient y associer les mâes de Philippe Pétain qui décida de “collaborer” avec Hitler lors de la célèbre entrevue de Montoire le 24 octobre 1940.

Convoquer également la mémoire des responsables successifs du Commissariat général aux questions juives de sinistre mémoire et sans nul doute grand ancêtre du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale de Brice Hortefeux et Eric Besson – Xavier Vallat, Darquier de Pellpoix, ans oublier Paty du Clam, fils d’un accusateur de Dreyfus ! bon (?) sang ne sachant mentir…

Et pourquoi ne pas faire reparaître tout simplement «Je suis partout» et «Gringoire» dignes organes de presse de la chasse au juifs et aux métèques. Je suis certaine qu’en ressuscitant par la même occasion Louis-Ferdinand Céline qui y répandit prolifiquement son antisémitisme pendant l’Occupation, il serait tout heureux de reprendre du service !

A l’abject, rien d’impossible… Nicolas Sarkozy est un “apprenti sorcier”, alchimiste fou à la recherche de la “pierre philosophale” capable de transformer en véritable camp retranché dans la haine de l’autre - “forteresse assiégée” comme l’Europe actuelle - la France que nous aimons : libre, amicale et accueillante, fraternelle, égalitaire et laïque, patrie des droits de l’homme qui interdirait de renvoyer les Afghans dans leur pays en guerre - fière de sa culture mais ouverte aux autres comme en témoigne tous les écrivains et artistes du monde entier qui ont choisi d’y vivre.

Pays où le bon vivre et la bonne chère – d’avant la malbouffe des multinationales qui uniformisent tout – incitent à partager entre amis des bons petits plats mijotés, accompagnés d’un bon vin, les grands et petits crus n’y manquant pas, sans oublier les 356 vrais fromages sans pour autant négliger tous les plats venus d’ailleurs : couscous, pizzas, nems, etc… que des ami(e)s étrangers aiment également partager avec nous. Pour ceux qui ne boivent pas d’alcool, je suis tout à fait capable de faire un délicieux bourguignon sans vin.

Donnons plutôt à tous les étrangers de toute origine, culture et religion ou athée, l’envie de partager avec nous ce patrimoine et de se sentir bien en France. Ne leur demandons pas de renoncer au leur mais dans le respect des lois de la République. Nous n’avons rien à gagner – surtout les femmes – à laisser les femmes voilées envahir les trottoirs des rues. Nous nous enrichissons les uns les autres d’une ouverture respective.

Les communautarismes, quels qu’ils soient sont détestables quand ils isolent et particularisent. Mais de même que l’on empêchera jamais des Bretons, des Basques ou autres originaires d’une région de se retrouver de temps à autres autour du folklore, etc… il existera toujours des rencontres spontanées ou organisées d’étrangers originaires d’un même pays.

Mon Ecossaise de mère était toujours contente de pouvoir parler anglais alors qu’elle parlait et écrivait tout à fait couramment un excellent français. Nous connaissons tous aussi la nostalgie de lieux qui ont marqué notre vie. Au nom de quoi demanderions-nous aux étrangers d’oublier le pays d’où ils viennent ?

Comme j’aime le foot-ball, l’équipe de France «Black, Blanc, Beur» qui a gagné le Mondial en France en 1998 avait réjoui mon cœur et j’y voyais un gage d’une France qui rassemblerait au lieu d’exclure. Capable dans tous les domaines de susciter et former des talents d’où qu’ils viennent et les utiliser au mieux pour retrouver une “certaine idée de la France”. Las ! le rêve a fait long feu car l’on a continué à marginaliser les habitants des banlieues qu’ils soient Français ou étrangers.

Aujourdh’hui Nicolas Sarkozy et les crypto-fachos qui ont choisi l’UMP par opportunisme - les places électives ou autres sont moins chères dans un grand parti - préfèrent manifestement la France “BBR” (Bleue-Blanc-Rouge) chère à Jean-Marie Le Pen.

Ceci dit, vous ne me ferez jamais cracher sur ces emblèmes de la République… Je suis fière que mes parents se soient battus pendant l’Occupation pour qu’ils reviennent aux frontons des édifices publics ou soient chantés à certaines occasions et je ne partageais nullement l’insigne connerie de ceux qui fustigeaient Ségolène Royal qui voulait les remettre à l’honneur.

J’ai toujours été indignée de devoir les partager avec les fachos car ils sont pour moi symbole de patriotisme plutôt que du nationalisme qui exclut les étrangers quand bien même voudraient-ils partager notre destin. Mais comment leur demander d’être fiers de ces symboles et les respecter quand la communauté nationale respecte si peu ces Français nés ailleurs ?

Personne ne pourra jamais me faire un procès en “’angélisme”. Je connais trop la réalité et les méfaits de la délinquance. J’adhérais totalement aux coups de gueule de Marianne avant 2002, certainement les seuls à appréhender la situation explosive des banlieues et à fustiger précisément l’angélisme des socialistes qui relativisaient la situation.

Et j’étais tout aussi d’accord avec Ségolène Royal quand elle disait qu’il fallait remettre les «familles au carré» car une chose m’est évidente : la reprise en mains des jeunes ne passe certainement pas par “les grands frères” !… Insigne connerie qui a exclu les parents de leur rôle de premiers éducateurs en les dépossédant de leur autorité, tout en donnant de surcroît le pouvoir de coercition sur les filles à des petits mâles imbus de leur supériorité.

Il est évident que les musulmans de France doivent disposer de lieux de culte décents et ayant pignon sur rue. L’on ne dira jamais assez que c’est précisément “l’islam des caves” qui a favorisé toutes les dérives islamistes voire le terrorisme.

Mais cela ne saurait en rien suffire. Ce sont toutes les conditions de vie qui doivent être revues. Logement, éducation et enseignement, travail. On ne saurait attendre des jeunes – ni des adultes – d’origine étran-gère un quelconque respect de la France ni encore moins la fierté d’être Français tant que l’on maltraitera et ostracisera les habitants des banlieues.

Nicolas Sarkozy est capable de trouver des milliards pour son “grand emprunt”… que n’en recueille-t-il autant pour un véritable “plan banlieue” ? Nous aurions en effet besoin d’une sorte de “new deal” ambitieux et généreux afin de transformer de fond en comble ces multiples quartiers en autant de lieux où il ferait bon vivre et travailler et où l’on réussirait à faire cohabiter toutes les classes sociales et des habitants d’horizons et de cultures différents.

«Hommes de tous les pays unissez-vous» a-t-il encore un sens ? Vous aurez sans doute compris depuis fort longtemps que mémé Kamizole, toute réaliste qu’elle fût, reste une incorrigible rêveuse. Mais je me préfère comme cela quand bien même un commentateur insane mépriserait-il mes «bons sentiments»… Je les préfère de loin aux vents «mauvais» de l’histoire !


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