Magazine Humeur

Le Service de l'Autorité et l'Obéissance 1

Publié le 21 décembre 2009 par Walterman
INTRODUCTION

« Que ton visage s'éclaire, et nous serons sauvés »
(Ps 79,4)

La vie consacrée témoin de la recherche de Dieu

1. « Faciem tuam, Domine, requiram » : c'est ta face, Seigneur, que je cherche (Ps 26,8). Pèlerin à la recherche du sens de la vie, enveloppé du grand mystère qui l'entoure, l'homme recherche en réalité, même si souvent inconsciemment, le visage du Seigneur. « Seigneur, enseigne- moi tes voies, fais-moi connaître ta route » (Ps 24,4) : nul ne pourra jamais ôter du cœur de la personne humaine la recherche de Celui dont la Bible dit « Il est le Tout » (Si 43,27) et des chemins pour y parvenir.

La vie consacrée, appelée à rendre visibles dans l'Eglise et dans le monde les traits caractéristiques de Jésus, chaste, pauvre et obéissant,1 fleurit sur le terrain de cette recherche du visage du Seigneur et du chemin qui mène à Lui (cf. Jn2 – et qui constitue la peine de chaque jour, parce que Dieu est Dieu, et que ses chemins et ses pensées ne sont pas toujours nos chemins ni nos pensées (cf. Is 55,8). La personne consacrée témoigne donc de l'engagement, joyeux et en même temps difficile, de la recherche assidue de la volonté divine, et pour cela elle choisit d'utiliser tous les moyens disponibles qui l'aident à la connaître et la soutiennent pour y parvenir. 14 ,4-6). Une recherche qui conduit à faire l'expérience de la paix – « dans sa volonté est notre paix »

C'est là que trouve aussi son sens la communauté religieuse, communion de personnes consacrées qui font profession de chercher et d'accomplir ensemble la volonté de Dieu : communauté de frères ou de sœurs aux rôles divers, mais partageant le même objectif et la même passion. C'est pourquoi, tandis que dans la communauté tous sont appelés à chercher ce qui plaît à Dieu et à lui obéir, quelques uns sont appelés à exercer, généralement de manière temporaire, la tâche particulière d'être signe d'unité et guide dans la recherche unanime et l'accomplissement personnel et communautaire de la volonté de Dieu. C'est là le service de l'autorité.

Un chemin de libération

2. La culture des sociétés occidentales, fortement centrée sur l'individu, a contribué à diffuser la valeur du respect pour la dignité de la personne humaine, en en favorisant de façon positive le libre développement et l'autonomie.

Une telle reconnaissance constitue un des traits les plus significatifs de la modernité et est un fait providentiel qui nécessite de nouvelles modalités dans la manière de concevoir l'autorité et d'avoir des rapports avec elle. Il ne faut pas oublier d'autre part, que lorsque la liberté tend à se transformer en arbitraire et l'autonomie de la personne en indépendance par rapport au Créateur et à la relation avec autrui, nous nous trouvons confrontés à des formes d'idolâtrie qui ne donnent pas davantage de liberté mais rendent esclaves.

Dans ces cas, les personnes croyant dans le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, dans le Dieu de Jésus Christ, ne peuvent pas ne pas entreprendre un chemin qui libère la personne de toute ombre de culte idolâtre. C'est un parcours qui peut trouver un exemple stimulant dans l'expérience de l'Exode : chemin de libération qui, de sa reconnaissance à un mode répandu de penser, conduit à la liberté d'adhésion au Seigneur, et qui, du nivellement sur des critères d'évaluation unilatéraux, porte à la recherche de chemins qui mettent en communion avec le Dieu vivant et vrai.

Le voyage de l'Exode est conduit par la nuée, lumineuse et obscure, de l'Esprit de Dieu et même si, parfois, il semble se perdre dans des voies dépourvues de sens, il a pour fin l'intimité béatifique du cœur de Dieu : « Je vous ai portés comme sur les ailes d'un aigle pour vous amener jusqu'à moi » (Ex 19,4). Un groupe d'esclaves se trouve libéré pour devenir peuple saint, qui connaît la joie de servir Dieu librement. Les événements de l'Exode sont un paradigme qui accompagne toute l'histoire biblique et se présente comme l'anticipation prophétique de la vie terrestre de Jésus elle-même, lui qui à son tour libère de l'esclavage à travers l'obéissance à la volonté prévoyante du Père.

Destinataires, objectif et limites du document

3. La Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, au cours de sa dernière Assemblée plénière, qui a eu lieu du 28 au 30 septembre 2005, a concentré son attention sur le thème de l'exercice de l'autorité et de l'obéissance dans la vie consacrée. Il a été reconnu que ce thème exige un effort particulier de réflexion surtout en raison des changements survenus ces dernières années au sein des Instituts et des communautés et aussi à la lumière des propositions contenues dans les plus récents documents magistériels sur le renouveau de la vie consacrée.

La présente Instruction, fruit de ce qui est ressorti de cette Assemblée plénière et de la réflexion ultérieure du Dicastère, est adressée aux membres des Instituts de vie consacrée qui pratiquent la vie fraternelle en communauté, c'est-à-dire à tous ceux, hommes et femmes, qui appartiennent aux Instituts religieux auxquels s'apparentent les membres des Sociétés de vie apostolique. Cependant, même les autres personnes consacrées, du fait de leur genre de vie, peuvent en tirer d'utiles indications. À tous ceux-là, appelés à témoigner du primat de Dieu à travers la libre obéissance à sa sainte volonté, le présent document entend offrir une aide et un encouragement à vivre avec joie leur oui au Seigneur.

En abordant le thème de cette Instruction, nous sommes bien conscients que ses implications sont nombreuses et que, dans le vaste monde de la vie consacrée, il existe aujourd'hui non seulement une grande variété de projets liés au charisme et d'engagements missionnaires, mais aussi une certaine diversité des modèles de gouvernement et des pratiques de l'obéissance, diversité souvent influencée par divers contextes culturels.3 De plus, il faudrait tenir compte des différences qui caractérisent, aussi sous l'angle psychologique, les communautés féminines et les communautés masculines. Il faudrait aussi prendre en considération les nouvelles problématiques que les nombreuses formes de collaboration missionnaire, en particulier avec les laïcs, posent à l'exercice de l'autorité. De même, le poids différent attribué à l'autorité locale ou à l'autorité centrale, dans les divers Instituts religieux, détermine des modalités qui ne sont pas uniformes dans la façon de pratiquer autorité et obéissance. Enfin, on ne doit pas oublier que la tradition de la vie consacrée voit communément dans la figure “synodale” du Chapitre général (ou de réunions analogues) l'autorité suprême de l'Institut,4 à laquelle tous les membres, à commencer par les supérieurs, doivent faire référence .

À tout cela, s'ajoute la constatation que, durant ces années, la façon de percevoir et de vivre l'autorité et l'obéissance a changé, que ce soit dans l'Église ou dans la société. Cela est dû, entre autres : à la prise de conscience de la valeur de chaque personne, avec sa vocation et ses dons intellectuels, affectifs et spirituels, avec sa liberté et sa capacité relationnelle ; à la place centrale de la spiritualité de communion,5 avec la mise en valeur des instruments qui aident à la vivre ; à une façon différente et moins individualiste de concevoir la mission, dans le partage avec tous les membres du peuple de Dieu, avec les formes qui s'ensuivent de collaboration concrète.

Si l'on considère, cependant, certains éléments de l'influence culturelle actuelle, il faut se souvenir que le désir de la réalisation de soi peut parfois entrer en conflit avec les projets communautaires ; la recherche du bien-être personnel, tant spirituel que matériel, peut rendre difficile le dévouement total au service de la mission commune ; les visions trop subjectives du charisme et du service apostolique peuvent affaiblir la collaboration et le partage fraternel.

Mais il ne faut pas exclure que, dans certains milieux, prévalent des problèmes inverses, découlant d'une vision déséquilibrée des rapports, qui penche vers la collectivité et une excessive uniformité, avec le risque de faire obstacle à la croissance et à la responsabilité de chacun. Ce n'est pas un équilibre facile que celui qui existe entre personne et communauté et aussi, en conséquence, entre autorité et obéissance.

La présente Instruction n'a pas pour objectif de traiter toutes les problématiques soulevées par les éléments variés et les diverses sensibilités que nous venons de rappeler. Celles-la demeurent, pour ainsi dire, à l'arrière-plan des réflexions et des indications proposées ici. L'objectif principal de cette Instruction est de réaffirmer qu'obéissance et autorité, quand bien même pratiquées de multiples façons, ont toujours une relation particulière avec le Seigneur Jésus, Serviteur obéissant. En outre, nous nous proposons d'aider l'autorité dans son triple service : aux personnes appelées à vivre leur consécration (première partie) ; à construire des communautés fraternelles (deuxième partie) ; à participer à la mission commune (troisième partie).

Les considérations et indications qui suivent sont dans la continuité de celles qui sont contenues dans les documents qui ont accompagné le chemin de la vie consacrée au cours des années difficiles, surtout les Instructions Potissimum institutioni 6 de 1990, La vie fraternelle en communauté 7 de 1994, l'exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata 8 de 1996, et l'Instruction Repartir du Christ 9 de 2002.


1 Cf. Jean Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 1.

2 Dante Alighieri, La Divine Comédie, Le Paradis, III, 85.

3 Cf. Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction La vie fraternelle en communauté (2 février 1994), n. 5 ; Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, Instruction Éléments essentiels de l'enseignement de l'Église sur la vie religieuse (31 mai 1983), n. 41.

4 Cf. Code de Droit canonique, can. 631,§1. Vita consecrata, n. 42.

5 Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), nn. 43-45 ; Vita consecrata, n. 46, 50.

6 Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Potissimum institutioni (2 février 1990), en particulier les nn. 15, 24-25, 30-32.

7 En particulier les nn. 47-52.

8 En particulier les nn. 42-43, 91-92.

9 Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Repartir du Christ (19 mai 2002), en particulier les nn. 7 et 14.

 



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