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Béatitude écologique en milieu tempéré

Publié le 24 décembre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Un unanimisme béat frappe la planète. La production du consensus mou tourne à plein régime. Il n’est pas un parti, une organisation, une personnalité en vue qui ne pratique pas le “greenwashing”. Ce spectaculaire exercice de funambulisme consistant en dépit du bon sens, des réalités et surtout de ses propres pratiques à arborer une posture écologique. Les intérêts économiques ont colonisé l’espace environnemental pour en faire une machine émotionnelle. Le summum du “politicaly okay”.

Béatitude écologique en milieu tempéré
La politique comme activité sérieuse de gestion de la Cité dans le sens du progrès impose un minimum de cohérence. Une denrée rare en cette période de bouillie idéologique. L’administration en charge de la France est capable en un court laps de temps de prétendre une chose (la réforme), son contraire, et l’impossibilité de changer quoi que soit. En l’occurrence, J. L. Borloo, VRP froissé de l’écologie, ministre phare du casting de N. Sarkozy, évoquait l’impossibilité d’exploiter infiniment une planète finie. Des propos pleins d’emphase dans la bouche d’un homme de droite qui présage d’une prise de conscience salutaire. Dans la foulée, les ministres en charge des affaires économiques et sociales, C. Lagarde, L. Wauquiez, guettent, saisis d’une angoisse non feinte, des chiffres positifs relatifs à la croissance économique. La fameuse croissance fondée sur la consommation et le gaspillage, son tropisme connexe. Enfin C. Jouanno secrétaire d’État chargée de l’écologie, déclare à C. Duflot lors d’un débat “le monde n’est régi de manière contraignante que par une seule règle, la liberté du commerce et de la concurrence”, en introduisant la tirade par sa rétivité à légiférer, préférant l’incitation. Dans la kyrielle de déclarations issues d’un organe unique, le gouvernement, il est intéressant de faire la synthèse sur le sujet. Et en tirer une conclusion spécifique : l’adaptation du discours au contexte et à l’auditoire. En l’occurrence, surfer sur la vague verte. Et en tirer une conclusion générale : la totale ineptie du propos général et de la vision politique. L’impossibilité d’agir sérieusement sur l’environnement. En effet qui pourra démontrer que dans un univers ligoté par la concurrence, le libre échange donc le profit infini comme seul horizon, la planète finie puisse être sauvegardée grâce à des mesures incitatives ? Ce même gouvernement qui n’a pas réussi à inciter les restaurateurs à modérer leurs tarifs après un cadeau fiscal. Un écueil domestique retentissant qui peut préfigurer l’inefficacité à l’échelle planétaire. Un schéma que l’on retrouve aussi au niveau international avec le FMI (la croissance), les sommets écologiques (bla-bla), et les bilderberg (la concurrence comme seul horizon).

La sauvegarde du globe a aussi ses croquemitaines. Figures repoussoirs, mais “sérieuses”, qui tendent plus à discréditer un discours dissonant qu’à apporter de la matière au débat. L’idiot utile en l’espèce, C. Allègre, Jospinien à ses heures, mais surtout traître patenté joue exactement la partition entendue. Rien de ce qu’il pourra dire ne sera jamais plus pris au sérieux. Ses sorties confinent au grotesque, et ne font plus de lui un partenaire crédible. La stérilisation de la pensée critique s’illustre dans le flop du climatgate. L’adhésion instinctive d’une population qui ne doute plus. Pourtant, l’affaire aurait dû faire du bruit. Dévoiler la fraude statistique à grande échelle sur l’inexactitude du réchauffement climatique ne soulève plus de questions. L’assentiment est intégral. L’abêtissement aussi. On aurait dû se déchirer sur ce sujet si important. Fouiller jusqu’à l’épuisement pour faire sortir la vérité. Cela n’a pas été le cas tant le matraquage a ramolli les cervelles.

Du côté des grandes sociétés polluantes, il ne reste plus que des réminiscences de résistance à la vague verte. Quelques-unes se sont essayées à la promotion des émissions de CO2, prenant la photosynthèse en exemple, “Le CO2 n’est pas polluant”. Tellement ridicule et insignifiant que cela en est troublant. Voire suspect.

Derniers soubresauts des gargantuesques industries pétrolières face à l’urgence climatique ? À ce niveau d’intérêts économiques, on ne baisse pas pavillon. On ne laisse pas non plus des inexactitudes statistiques dans la nature. On colonise les esprits, on accompagne, on enveloppe le mouvement. Ces dernières années les dépenses ont été faramineuses chez les industriels pour mettre en place une communication efficace et verte.

N. Chomsky le fait justement remarquer dans “comprendre le pouvoir”* en prenant l’exemple de l’apartheid en Afrique du Sud, de la guerre du Viet Nam ou des mouvements civiques aux USA. Le capital sait se retourner pour prendre le vent. Tant que cela sert le business. Et dans chacun de ces cas les bonnes causes suivent les dividendes et les projets industriels.

Toutes les sociétés participent au greenwashing en investissant sur l’image de la marque. Total, par exemple fait la promotion de l’écologie et de comportements sociétalement et environnementalement responsables, s’inscrivant dans un pacte mondial (voir site). Un mélange d’écologisme et de “droits de l’hommisme” à la guimauve que personne de sérieux ne peut croire. Car le nerf de la guerre, la focalisation de toutes les énergies, c’est le cash et le cours de bourse. Le reste, pour la galerie. Ornée de vert.

Les pantins télévisuels que l’on finance à coup de millions d’euros les y aident parfaitement. Show puéril pour public gavé de TV. Le spectateur en redemande et certains partis politiques aussi.

Mais en réalité, les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais été aussi élevées et ne cessent de croitre (+3% entre 2005-2006, +30% entre 1990 et 2006). Paroxysme schizophrène, les experts se félicitent de l’augmentation de ventes d’automobiles. Le signe de la bonne santé économique. L’indice de consommation et son corollaire, la prolifération d’emballages et de déchets renseignent sur le “moral” des ménages. Des contradictions insurmontables au mode de gestion actuel. Le cycle infernal. Le grand écart entre communication et réalité.

A Copenhague, selon les commentateurs les manifestants ne grognent pas, ne râlent pas, ne nuisent pas au bon déroulement de la vie quotidienne des résidents consommateurs. Enfin si. Quand la police un peu zélée aligne les jeunes turbulents en rang d’oignons, on prend l’air offusqué. Les médias intègrent le discours culpabilisant sur le climat. Ils dépeignent ces démonstrations comme pacifistes, “bon enfant”, une “marée bleue” entend-on. Pas un E. Zemmour ou un Y. Thréard pour fustiger ces archaïques crasseux qui encombrent les rues. Avant le vingt heures c’est une ribambelle de réclames pour produits écologiques, pendant ce sont les images brutes de calottes glaciaires qui s’effondrent, des fumées bistres d’une quelconque usine dans un quelconque pays. Aucune explication, aucune causalité directe, ni de remise en cause de l’ordre économique et social. Car ce serait parler de la domination d’une oligarchie planétaire néolibérale. Une domination à la source du désastre. Mieux vaut fusionner comme un bienheureux dans la pensée molle et mitigée de l’écologie du moindre effort. Dont le leitmotiv pour participer au happening pourrait être : “Arrêtez le robinet d’eau lors du brossage dentaire”.

*N.Chomsky p. 168 “Comprendre le pouvoir” – Ed. Aden

Vogelsong – 14 décembre 2009 – Paris



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