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Bataille de chiffres à Copenhague : la confusion française

Publié le 16 décembre 2009 par Juan

Bataille de chiffres à Copenhague : la confusion française
A Copenhague, samedi dernier, des casseurs ont confondu le sommet écologiste avec une rencontre du G20. Près de 400 personnes ont été interpelées. Des manifestations, réunissant près de 30 000 personnes, appelaient à la "justice climatique".
A Paris, Nicolas Sarkozy a confondu Copenhague avec une bataille de chiffres. On se serait cru dans une salle d'enchères. Mais ces dernières ne sont pas montées bien haut. Vendredi dernier, le conseil européen des 27 chefs d'Etat de l'Union réuni à Bruxelles a accouché d'une souris: 7,2 milliards d'euros d'aide financière pour les pays pauvres (le besoin est de 100 milliards), un engagement, "sous condition" d'être suivi par tous, de réduire de 30% d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre, et ... rien d'autres. Bref, un accord a minima qui était censé stimuler les négociations de Copenhague. Après l’annonce européenne, d'autres ont suivi, tout aussi modestes : 3 milliards de dollars par an pour le Japon, et 1,2 milliards de dollars par an pour les Etats Unis.
La seule France paiera 420 millions d'euros par an de l'aide décidée. Il restera à découvrir, plus tard, dans le secret des délibérations des examens du budget au Parlement, combien d'argent frais supplémentaire la France dépensera réellement. En 2010, la seule Aide au développement, soit environ 9 milliards d'euros par an, a été revue à la baisse. Des ONG s'en sont déjà émues.
Dimanche dernier, Jean-Louis Borloo n'a pas ménagé ses efforts pour vendre la décision européenne de vendredi. Il a évidemment accusé les Etats Unis de ne pas en faire assez. Barack Obama a finalement bien prévu de venir à la clôture des travaux en fin de semaine. "Il y a un problème de compréhension entre ceux qui ont une culture anglo-saxonne" qui pensent que le marché peut résoudre les problèmes, "et ceux qui, comme la France, pensent qu'il faut un financement public", a justifié le ministre français.
Pourtant, la véritable initiative se trouve ailleurs, du côté des pays pauvres et émergents, emmenés par la Chine. Le quotidien Le Monde a révélé, jeudi dernier, "l'accord dont rêvent les pays en développement." Ces pays entendent d'abord prolonger la validité du protocole de Kyoto au-delà de 2012 pour les pays riches, et même ceux, comme les Etats Unis, qui ne l'avaient signé. Dans leur texte, ils rappellent aussi que "le développement économique et l'éradication de la pauvreté sont la priorité indiscutable des pays en développement", mais que "l'augmentation de la température globale ne devrait pas excéder 2°C". Autrement dit, les pays du Sud s'affichaient d'accord pour réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre. Mais l'important vient ensuite : dans leur projet, les pays en développement demandent aux pays riches des engagements contraignants de réduction de 40% (et non 20% ou 30%) des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 par rapport à leur niveau de 1990, et, de surcroît, par des efforts domestiques chez eux, et non pas sous forme de négoce de droits à polluer. Il y a un an, l'Europe sous présidence sarkozyenne, s'était drapée sous des objectifs de réduction, pour mieux cacher que ses efforts pouvaient se limiter à un recours au marché du carbone. Lundi, Les négociations à Copenhague se sont bloquées : l'Afrique et le G77 ont suspendu leur participation aux groupes de travail.
Lundi, Barack Obama a fait savoir qu'il voulait un accord "contraignant." Le président américain a pris les Français Sarkozy et Borloo de court. Mardi, la Chine a annoncé qu'elle ne débattrait pas de ses objectifs, déjà annoncés, de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Un nouveau coup dur pour Nicolas Sarkozy qui, depuis son élection, chérit la Chine à toutes les occasions : Jeux Olympiques en 2008, signature d'un accord entre l'UMP et le PC Chinois en 2009, visites d'Etat (Sarkozy, Raffarin, etc)... Rien n'y fait.
Mardi, un projet franco-africain a été communiqué à Copenhague. Nicolas Sarkozy en a donné les grandes lignes. Le projet définit des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux pays développés et des aides aux pays en développement. Le président français a pris un ton sérieux pour déclamer des évidences: "Un tel enjeu pour la planète est tellement important qu'une alliance entre l'Afrique et l'Europe est absolument cruciale, c'est le discours que je vais tenir avec M. Obama". Et pour montrer qu'il était sur le pont, il a fait mettre en ligne, sur Elysée.fr, une video muette d'Angela Merkel, Barack Obama et Gordon Brown et lui en "vidéoconférence exceptionnelle sur Copenhague" !
Les points de la déclaration franco-africaine sont les suivants :
- un objectif de réduction de 50% des émissions globales de CO2 d’ici 2050 par rapport à 1990. L'Europe, dont la France, ne proposait que 30% jusqu'à 2020 il y a 4 jours... 2020, 2050... On joue sur les dates.
- "l’adoption d’un fonds «fast start » doté de 10 Mds$ par an pour les trois années 2010, 2011 et 2012", pour des "actions d’adaptation et d’atténuation, y compris la lutte contre la déforestation, dans les pays en développement". Et "40% de ce fonds sera consacré à l’adaptation en Afrique." Qui le finance ? On ne sait pas. L'Europe, dont la France, n'a promis que 2, 4 milliards d'euros par an sur cette période...
- "un engagement sérieux sur l’aide publique de long terme en faveur des pays en développement, fondé sur leurs besoins exprimés pour la période post-2012." Là encore, qui financera ? Et bien, les deux signataires de cet appel demandent "la création d’une taxe sur les transactions financières internationales et considèrent aussi d’autres sources, comme les taxes sur les transports maritimes et aériens".
A peine publié, déjà critiqué ... par les écologistes. La responsable climat de Greenpeace France a fusillé l'initiative: "Je crains plutôt qu'il rajoute à la confusion ambiante, et qu'il décrédibilise la voix de la France à ce sommet." Primo, l'annonce de Jean-Louis Borloo est incohérente avec celles d'Alain Joyandet. Ensuite, la France "n'existe pas" à Copenhague : c'est l'Europe qui doit parler d'une seule voix.
D'où vient donc ce besoin de communiquer une proposition autonome, quelques jours à peine après l'annonce minimaliste de l'Union Européenne de vendredi dernier ?


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