Magazine Journal intime

Boues

Par Eric Mccomber
Je squatte chez des saints
des couettés, des fantastiques
des humains… des vrais…
Quelle fortune j'ai
sans cesse trouver sur ma route
de ces âmes qui sauvent tout
donnent envie au monde
d'être monde encore longtemps
cinq du mat, je sors nu
dehors pisser
nu pied
nu cul
nu tout
il fait bon
un fois le liquide bien largué
je respire encore
quelques minutes
le gros chien bâtard
vient me voir
me lèche la jambe
puis pose ses pattes
sur mon ventre
ses grosses pattes
mouillées
boueuses
il pleut
je pense à ta chevelure
Mathilde
une branche déverse sur mon dos
une rivière de confettis
kaléidoscopiques
ça me tire de ma rêverie
pat pat pat
je tapote la tête
du clébard
pat pat pat
je retourne
au pajot
à l'antre parfumé
de la reine des lieux
sous la fourrure
pat pat pat
je tapote sa croupe
elle fait uhmmm
pat pat pat
uhmmm
je vide le ballon de rouge
qui traîne
uhmmm
longtemps je regarde le ciel
par le carré bleu de la fenêtre
longtemps
je songe à tout
je n'ai plus trop de sens
ni de raison
je n'ai plus trop rien
encore une fois
l'horizon se barre
je respire
je tâte mes côtes
de plus en plus étrangères
dégarnies
sèches
je tâte mes jambes
trop dures
la boue séchée du chien
se défait
j'époussette du revers de la main
ça tombe sur le plancher
avec un son si ténu
si doux
crrplscl
pat pat pat
il n'y a plus rien© Éric McComber

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