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Un roman sur Twitter ? La vie rêvée (2)

Publié le 28 décembre 2009 par Perce-Neige
Un roman sur Twitter ? La vie rêvée (2)
Bon, j'étais bien au courant. Nous l'étions tous. Et Paul le premier qui s'est jeté sur cette histoire pour étoffer un peu son roman... / Au point de me proposer de filer à Pékin sans tarder. Et de l'accompagner. De l'introduire. De l'alimenter d'anecdotes. Savoureuses. Drôles. / Sauf que je ne voulais pas m'en mêler. J'avais trop à faire. L'héritage. La maison sur la côte vendéenne. Le rapport qu'ils attendaient... / Tous les jours ou presque, les types du Ministère me harcelaient. S'inquiétaient des délais que je leur annonçais. Pestaient. Grognaient. / Ils avaient le Cabinet sur le dos. Et Kouchner lui-même en embuscade. Je n'invente rien : je devais me grouiller. Accélérer le mouvement. / Chaque minute était de trop et je devais comprendre, bordel, que ce foutu rapport était d'une importance ca-pi-ta-le ! Ce n'était pas rien. / Comment leur dire que leurs préoccupations n'étaient pas les miennes. Car je moquais comme de l'an quarante de leurs stratégies à la noix. / Le Ministre pouvait boire la tasse, vous pouvez me croire, je m'en moquais éperdument. En revanche je détestais que Jade me réprimande. / Et nous n'étions d'accord sur presque rien. Je voulais me débarrasser au plus tôt de la villa sous les pins. Elle en refusait le principe. / Me rappelant les étés que nous y avions passés, à courir dans les allées, à nous précipiter à la plage, à nous cacher dans les buissons. / A épier les hirondelles, nous goinfrer de chocolat, nous rouler dans les herbes, affrontant des armées de fourmis, j'en passe. / Exactement les arguments que j'avançais pour ne plus vouloir en entendre parler. Trop de bonheurs m'attachaient à tout ça. M'obnubilaient. / Mais elle était intraitable. Me menaçant de procédures dont j'ignorais tout. Haussant le ton. S'en référant à Jacques. A la loi. Aux textes. / J'en perdais le sommeil. Et mélangeais tout. La situation sanitaire au Rwanda. Les camps de réfugiés. La malnutrition. Les infections. / Les difficultés d'approvisionnement. Les contrefaçons de médicaments. La tuberculose qu'on ne contrôle plus. La pénurie d'antalgiques. / Les enfants qui meurent sans rien pour soulager leurs souffrances. Les moribonds à même le sol dans des hôpitaux sans eau ni électricité. / J'y reviendrai... Et puis les exigences de Jade. Les coups de fil à toute heure du jour. Jacques, son ami, avocat, m'exhortant. / M'expliquant. Me reprenant. M'embobinant (Julien, s'il te plait, il est tard !). Me conseillant, mine de rien, de me montrer conciliant. / Montrant ses canines. Soudain. Eclatant d'un rire bref (Je ne voulais pas dire ça, tu penses). Feignant de s'intéresser à mon travail. / Un roman, cette fois ? Un truc un peu fou, complètement bidon ? Des personnages hallucinés. Comme si j'avais besoin d'inventer ces horreurs. / Finissant par me proposer une trêve (Ta sœur est épuisée, tu sais). Par réaliser l'heure tardive (Deux heures du mat ! Non, je rêve). / Avant de revenir à l'assaut dès patron minet. Mêlant ses escarmouches à celles des types du ministère. Qui profitaient de mes faiblesses. / Guettaient la moindre défaillance pour marquer des points. Et m'arracher des promesses. Un délai supplémentaire contre une certitude. / Je les rassurais comme je pouvais. Parvenant même à plaisanter (Mes hommages à Bernard !). Révélant de ci de là un truc à les faire saliver. / Histoire qu'ils baissent d'un ton leurs engueulades (Dans la famille Mitterrand, j'ai le fils, si vous voyez ce que je veux dire). / Paul, depuis Pékin, ne cessait d'en rajouter. Il s'inquiétait de mon silence et s'étonnait de plus recevoir de moi le moindre mail. / Exultait. Me racontait qu'il avait découvert de drôles de choses. Des combinaisons improbables. Que mes contacts lui semblaient fiables. / Et lui avaient permis d'approcher les responsables du trafic. Pourris jusqu'à la moelle. Cyniques au possible. Bien placés dans l'appareil. / Tutoyant les dieux et s'en mettant plein les poches au passage. Jargonnant le marxisme léniniste à chaque phrase. Inattaquables. Ou presque. / Il m'arrivait d'avoir envie de le rejoindre. Tout laisser tomber. Envoyer Jade et ses mièvreries sur les roses. Aurais-je un jour ce courage / Les jours passants je m'approchais du précipice, sentais le sol se dérober sous mes pieds. Paul avait fini par se décourager, sans doute. / Ne me donnait plus aucune nouvelle. Je l'imaginais ailleurs qu'à Pékin. En Serbie, peut-être, ou en Irak. Sur d'autres traces. Les miennes ? / J'étais à peu près sûr qu'il croyait comprendre. Et commençait à construire un scénario impeccable. Cherchant à confirmer l'évidence. / Et je n'avais ni l'envie ni l'énergie de l'en dissuader. Le temps seul était mon allié. Quant à mes honorables correspondants du ministère ? / Ils avaient un peu réalisé que mon rapport une fois publié serait difficile à commenter. Car j'entendais bien charger à mort les militaires. / Si bien qu'ils temporisaient. Tout cela n'était pas si urgent, au fond. Mieux valait prolonger mon expertise. Le Cabinet comptait sur moi. / Me proposait même un nouveau voyage d'études. Envisageait sérieusement de me confier une nouvelle mission. Ils en avaient parlé à Kouchner ! / La suite était inévitable, si l'on veut bien comprendre mon état d'esprit d'alors. La suite ? Je veux parler de ma rencontre avec Delphine. / J'étais parti de Paris vers 3 heures du matin. Direction Saint-Jean. En ligne de mire, un rendez-vous avec un obscur notaire. Et Jade... / Je crois que je n'avais pas dormi depuis cinq jours (j'exagère à peine). Je roulais vite. A limite du raisonnable. Sans savoir pourquoi. / Plusieurs fois, cette nuit-là, j'ai failli y laisser ma peau. Les phares des camions qui m'éblouissaient brusquement. Des bourrasques. / La pluie qui redoublait d'intensité. Des engins de chantier, garés un peu trop près de la chaussée, un peu avant Poitiers. Un autobus... / Parfois je me dis que j'aurais dû accélérer à mort. Foncer sans réfléchir. J'aurais été débarrassé de moi-même, projeté quelque part. Où ? / Cela importe peu, au fond. Quelque part dans un de ces univers parallèles que nous côtoyons sans les voir. Ailleurs, simplement. / Mais j'ai freiné au dernier moment. Un brusque mouvement du volant, peut-être. Je ne sais plus, et je ne saurai jamais. Je me suis accroché. / J'ai tenu bon. Fermé les yeux sans doute. Un terrible vertige. Un boucan infernal. C'est ce dont je me souviens. Un vacarme épouvantable. / Une dernière pensée ? L'envie fulgurante de retourner très loin en arrière ? Le sentiment de toucher au but ? Rien de tout cela... / Le silence, tout simplement. Un étrange silence nuageux. Le reste s'impose progressivement. Et vous n'y pouvez plus rien. / Ce long gémissement vous emporte. Ce sang qui coule est le vôtre et vous n'y croyez pas. Tout n'est que souffrance dans ce monde. Torture ! / On peut se réveiller d'un rêve. Jamais d'un cauchemar. Au loin, retentissent comme des sirènes d'ambulance. Un tourbillon dérisoire. / Chaque seconde est une deuxième naissance. Cette douleur infinie vous submerge. Et vous ramène à ce temps qu'il vous semblait avoir oublié. / Chaque seconde est une couleur différente. Une harmonie. Une symphonie que personne d'autre que vous n'est en mesure d'écouter. / Chaque seconde prend le visage d'un monde que vous avez perdu. Vous n'en pouvez plus de convoquer le sourire de celle que vous espérez. / Peut-être finissez vous par tout mélanger ? Sur le brancard inconfortable, bordel, les yeux que vous apercevez n'appartiennent à personne. / Vous ne pouvez, rigoureusement, rien lui répondre. Juste l'envie de le faire. Il vous semble vous diriger à toutes pompes vers le soleil. / Un peu de chaleur, je ne sais quoi, coule dans vos veines et trahissent un secret. Les yeux se penchent, et vous caressent la main. / Vous n'en avez plus pour bien longtemps. Mais tout cela, étrangement, vous suffit. Votre langue vous étouffe. Savez-vous le printemps ? / Il avait l'air pas mal amoché. Le bassin en compote ou presque. Des fractures un peu partout. Pas joli, joli à voir. A peine tiré d'affaire. / Rien de vraiment catastrophique, non plus. Le docteur Delphine Mignon en avait vu d'autres. Elle se contenta d'insister auprès de Georges. / Car elle avait tout de même besoin de deux poches de sang. Il ne fallait pas trainer. Or, dans les étages, ils prenaient tout leur temps. / Et pouvaient tout à fait se pointer, deux heures plus tard, la bouche de travers et balancer le matériel sur la paillasse en rigolant. / 
Madame est servie ! Vous faut-il autre chose ? Un double mojito ? Une caisse de Dom Pérignon ? A moins que vous ne pensiez à autre chose ? / 
Sauf que votre client, à quelques mètres de là, était à cent lieues de pouvoir en placer une. Vu que sa systolique était en chute libre. / Et que sa diastolique commençait salement à décrocher. Et que vous n'aviez plus une minute à perdre avec de telles sottises. / Fussent-elles proférées par l'infirmier de loin le plus sexy des kilomètres à la ronde. Non, Georges, s'il te plait, pas aujourd'hui... / Ni non plus demain. Ni après demain, mon pote, avait pensé Delphine Mignon en se souvenant de ce qu'Audrey lui avait raconté, la veille. / Ce qui ne faisait jamais, d'ailleurs, que confirmer ce que tout le monde savait depuis des lustres. Si bien qu'Audrey avait pas mal pleuré. / Et que Delphine Mignon avait été d'une humeur de dogue toute la soirée. Et que tous, à l'internat, l'avait un peu chambrée. Même Eric. / 
Surtout lui, d'ailleurs. Comment expliquer cela ? Fallait-il comprendre qu'il serait toujours là, quoiqu'elle fasse, bienveillant, oui. / Fallait-il comprendre qu'Eric serait bien le seul type un peu sérieux capable de l'écouter, de l'accepter, de lui pardonner ses frasques ? / Le seul à qui Delphine Mignon savait pertinemment que l'on pouvait se confier. Sans risquer les coups bas. Les glissades incontrôlées. / Le seul être au monde peut-être, après Audrey, à qui Delphine Mignon disait la vérité. Ou du moins une part de vérité. Tu sais quoi, Eric ? / Je crois que je suis amoureuse... Non, ne ris pas. Cette fois, c'est la bonne. J'ignore ce qui me fait dire ça, mais je le sens. / Mais je n'aimerais pas me tromper, vois-tu, Eric ? Je détesterais ça. Car à force, on se pose des questions, c'est normal, non ? Même toi... / 
Non, tu ne le connais pas... Enfin... Tu ne peux pas savoir ! Je t'offre un deuxième verre ? C'était drôle ce visage qu'il prenait, soudain. / Elle était cruelle, au fond, voilà ce qu'elle devinait. Terriblement cruelle. Elle retourna sur ses pas, hésita un peu, puis s'agenouilla. / Posa sa tête sur les genoux d'Eric. Sans rien dire. Comme s'ils avaient encore quinze ans, et qu'il lui lisait Rilke, Rimbaud ou Verlaine. / Et qu'ils étaient près de la rivière. De l'autre côté de l'étang. Et personne pour penser ce qu'ils n'auraient jamais imaginé se dire. / Mais je ne peux rien te cacher, n'est-ce pas ? Je le voudrais, que ce serait au dessus de mes forces. Il faut juste me promettre le silence. / Ne pas t'offusquer. Ne pas juger. Ne pas croire que je puisse devenir folle. Même si c'est le cas. Ne pas rire, non plus. Ni sourire. / Aucune moquerie de ta part. Ce serait l'horreur absolue. Aucune ébauche de mouvement sur tes lèvres. Aucun froncement de sourcil. Aucun. / Rien qui trahisse en toi la moindre désapprobation. Je n'attends pas non plus, de ta bouche, un quelconque encouragement. Juste ta présence. / Le genre de discours qu'elle regretterait amèrement. Une erreur catastrophique si l'on pense. Delphine aurait beau dire, tout venait de là. / Car Eric ne se priverait pas, plus tard, pour l'envoyer sur les roses en lui rappelant, sèchement, ce qu'il s'était efforcé de supporter. / Il avait tout de suite vu, lui, que ce type était complètement fêlé. Pervers au possible. Et manipulateur. A vous flanquer le vertige. / A l'écouter parler, c'était couru d'avance. Delphine devait im-pé-ra-ti-ve-ment rompre les amarres. Et le laisser dans son jus. Geindre. / 
Grogner. Se plaindre sans arrêt. Car, depuis son accident, Julien Savouré s'en donnait à cœur joie. Surtout quand Delphine se pointait... / Oh, il se dressait sur son lit, se tortillait, râlait du mieux qu'il pouvait, pestait, brûlait ses calories à gigoter dans les draps. / Souffrait. oui, Bon Dieu, oui, qu'il souffrait. Sa jambe gauche endurait un calvaire. Et sa mâchoire, je vous dis pas. Quant à son dos, bordel... / Son malheureux dos, la moitié du temps en bouillie. Et l'autre moitié, mieux valait ne pas en parler. Alors, comprenez qu'avec Delphine...

Pour qui en aurait manqué le début - on ne sait jamais ! -, voici donc, et dans le bon ordre, s’il vous plait, les 182 premiers fragments de ce qui n’est pas encore un roman (n’exagérons rien…) mais nous entraine, tout de même, sur des chemins inattendus. Car c’est un "work in progress", auquel – et c’est un exercice cruel - je me fais un devoir, à ce stade, de ne pas toucher (à l’exception de quelques fautes d’orthographes, tout de même, qu’il m’est difficile de ne pas corriger).


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