L'autorité des marchés
financiers a rendu son verdict sur les délits d'initiés à EADS. A la surprise générale, elle a blanchi tous les responsables de cette entreprise qui étaient soupçonnés de délits d'initiés
(les puristes parleront plutôt de manquemens d'initiés, cf. cet excellent article des
dernières nouvelles d'Alsace). L'affaire était plutôt simple : Une quinzaine de dirigeants d'EADS, parmi lesquels Noël Forgeard, étaient accusés d'avoir vendu des actions alors qu'ils
détenaient des informations non publiques sur les retards de l'A380, l'A350, et sur les difficultés financières d'EADS. Ils ont bien fait de vendre, parce que l'action a chuté quelques mois
après.
Le problème vient de la nature même de l'AMF. Elle a à la fois le rôle d'enquêteur et de juge. Ses enquêteurs avaient conclu à la réalité du manquement d'initiés(cf. article sur lepoint.fr), mais ses juges du comité des sanctions, nommés par
Bercy et dans les faits indépendants de l'AMF, ont décidé de ne pas sanctionner. Ils reprennent à leur compte l'argument de la défense selon lequel les retards sont fréquents dans cette industrie
: « Les difficultés du processus industriel n’apparaissaient pas, lors de ces réunions, d’une nature substantiellement différente de celles usuellement rencontrées en matière
aéronautique et susceptibles d’être surmontées par une amélioration du processus de production […]. Ces retards ou difficultés constituaient alors une préoccupation habituelle à ce stade de la
fabrication. ». Pourtant, le jour où les retards de l'A380 ont été publiés, l'action EADS a perdu 26 % en bourse.
L'AMF jouait sa crédibilité dans cette affaire. Ce dossier était probablement le plus sensible qu'elle ait eu à traiter, tant par le profil des personnes concernées que par le montant des
amendes envisagées (10 fois les gains abusifs). Et ça s'est révélé un fiasco. Elle a été incapable de prouver ce dont elle accusait les dirigeants d'EADS. L'AMF est forte avec les faibles, mais
faible avec les forts. Dans cette affaire, la défense était représentée par 50 cabinets d'avocats. L'AMF n'avait évidemment pas les moyens de les affronter !
Heureusement, si les protagonistes ont été innocentés du manquement d'initiés, il reste le délit d'initié qui fait l'objet d'une procédure pénale. La justice se prononcera sur la même
affaire. Il faut s'attendre à plusieurs années de procédure. Et ce n'est pas parce que l'AMF n'a pas infligé de sanctions que la justice sera aussi clémente. On a déjà vu à maintes reprises la
justice condamner ce que l'AMF n'avait pas sanctionné.