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L’internationalisation d’une guerre oubliée : le Yémen

Publié le 29 décembre 2009 par Sd (blog Pour Convaincre)
Publié simultanément sur AGS*La guerre oubliée du nord du Yémen fait toujours rage. L’opération « terre brûlée » a été déclenchée par le gouvernement yéménite, le 11 août 2009, contre les insurgés Houtis, des rebelles zaydites en lutte depuis 2004. Il y aurait d’ores et déjà plus de 175 000 réfugiés dans une guerre sans pitié : attaques d’hôpitaux et de villages, condamnation à mort de prisonniers, déplacement de populations, embuscades contre des officiers généraux yéménites, etc.L’internationalisation d’une guerre oubliée : le YémenCela ressemble déjà à un embryon de guerre régionale. Les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, peut-être l’Iran, seraient de plus en plus militairement impliqués dans ce conflit. Les quelques lignes suivantes sont élaborées à partir de sources ouvertes occidentales, iraniennes ou arabes et ont pour seule portée de mettre en perspective ces informations parfois contradictoires sur l’internationalisation du conflit.*L’Arabie SaouditeAprès avoir contribué à un blocus naval yéménite pour surveiller les importations illicites d’armement, l’Arabie saoudite aurait d’abord créé une zone tampon à la frontière yéménite. Puis, début novembre 2009, les forces armées saoudiennes ont débuté leur opération militaire interarmées contre les rebelles Houthis, en représailles à l’attaque d’un poste frontalier. Déjà, depuis le 19 octobre, les rebelles accusaient les Saoudiens d’appuyer l’offensive de l’armée yéménite.L’internationalisation d’une guerre oubliée : le YémenDepuis, les saoudiens ont mené de nombreuses opérations terrestres, maritimes et aériennes contre les rebelles. Des combats auraient lieu dans le port de Maydi, le long de la frontière saoudienne pour couper cet axe de ravitaillement logistique houthi. Des villages frontaliers auraient été bombardés et des combats terrestres auraient fait rage à plusieurs reprises dans la région des Monts Al-Dukhan, Al-Ramih et Al-Doud. Selon Amnesty international, des bombes au phosphore auraient été utilisées contre des combattants et des civils, sans que cette information ne soit confirmée.*Les Etats-UnisLes Etats-Unis ont avancé vers un nouvel accord militaire avec le Yémen. Le 10 novembre 2009, une délégation militaire américaine interarmées, menée par le général de brigade Jeffrey Smith, a conclu des pourparlers avec leurs homologues yéménites, dont le major général Ahmed al-Ashwal. Après des discussions qualifiées de franches et constructives, un accord a été signé pour renforcer la lutte contre les menaces affectant la population yéménite. Sous couvert de lutte contre Al-Qaïda et la piraterie, les américains auraient donc intensifié leur coopération militaire avec le gouvernement du Yémen.L’internationalisation d’une guerre oubliée : le YémenDes forces spéciales américaines auraient été envoyées au Yémen pour former des forces armées locales, incapables de défaire les Houthis et Al-Qaïda. En décembre 2009, les rebelles ont accusé les américains d’avoir mené des raids contre leurs positions, lors d’une trentaine de sorties. Les Etats-Unis ont démenti et ont admis fournir seulement une aide logistique et un appui renseignement dans la lutte contre Al-Qaïda. Rien d’illogique à cela car le président Obama avait prévenu, lors de son discours de West point du 1er décembre 2009 : « Là où Al-Qaïda et ses alliés tenteront d’établir une emprise, que ce soit en Somalie, au Yémen ou ailleurs, ils devront se heurter à une pression croissante et à de solides partenariats ». Cet appui sert, au moins indirectement, à appuyer l’armée yéménite contre son autre adversaire (non lié) : les Houthis.*L’IranL’Iran est toujours accusé de soutenir les Houthis, malgré les démentis réguliers de M. Mottaki, ministre iranien des affaires étrangères. Toutefois, le 10 novembre 2009, il a « conseillé fortement aux pays voisins et à ceux de la région de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures du Yémen et de chercher à restaurer la paix et la stabilité dans le pays ». La question de l’aide iranienne reste entière. Quelques informations accréditent cette thèse sans pour autant être réellement des preuves. Les zaydites sont chiites mais c’est un peu court comme explication. Depuis maintenant 4 mois de combats relativement intenses, les rebelles ne sont pas à court de munitions et de matériel. Il existe donc des flux logistiques clandestins. L’Iran a été pointé du doigt.L’internationalisation d’une guerre oubliée : le YémenLe port de Maydi pourrait être un point d’entrée logistique rebelle dans un Yémen dont la plupart des frontières sont relativement poreuses. La marine iranienne a renforcé fin novembre sa flotte au large du Yémen avec la présence de commandos à bord pour, officiellement, lutter contre la piraterie. Le 22 novembre, des pêcheurs yéménites se seraient plaints d’être harcelés par des militaires iraniens déployés sur des cargos de ce pays. Les troupes yéménites auraient aussi capturé 26 somaliens qui combattaient avec les Houthis. Des soupçons sur l’existence de camps d’entraînement Houthis en Somalie existent. Un bateau de pêche, certes modeste, aurait été saisi fin novembre avec des armes iraniennes. Des rumeurs persistantes dans la presse du Moyen-Orient indiquent des relations entre le Hezbollah libanais, parrainé par l’Iran, et les rebelles Houtis. Si l’appui du gouvernement iranien est loin d’être prouvé et démenti par celui-ci, l’appui financier et logistique de personnes privées iranienne n’est également pas à exclure.*Quelques commentairesLe Yémen est un pays tourmenté par la guerre et miné par la faiblesse de l’Etat, la pauvreté généralisée, la baisse de la production de pétrole, la baisse des réserves d’eau potable, la présence d’Al-Qaïda dans le sud, la rébellion zaydite dans le nord, le développement de la piraterie, le crime organisé et la délinquance. Cette situation fait penser à un mélange de la situation en Afghanistan au début des années 1990 et en Somalie actuellement, avec évidemment des paramètres purement locaux. Comparaison n’est pas raison mais cette situation pourrait rapidement devenir explosive sans aide internationale, notamment à l’Etat yéménite.Ce pays pauvre conserve une place stratégique pour le commerce international et son instabilité s’avère difficilement tolérable dans la durée. Le Yémen, comme la Somalie, est en effet stratégique pour l’économie mondiale car ces deux pays permettent de contrôler le golfe d’Aden et indirectement le détroit de Bab el-Mandeb et la route de Suez par laquelle passent environ 1 500 à 2 000 navires par mois. De plus, l’exploitation du Yemen liquefied natural gasproject (source de richesse potentielle), dont Total est partie prenante, nécessite de la sécurité et de la stabilité.L’internationalisation d’une guerre oubliée : le YémenLe risque de conflit entre l’Iran et les Etats-Unis est bien réel. Ils n’ont pas les moyens de le faire directement, mais un affrontement indirect reste envisageable. La situation au Yémen, la guerre du Liban de 2006, celle de Gaza en 2009, le conflit iraquien depuis 2003 posent la question de l’existence d’un conflit armé indirect entre l’Iran et les Etats-Unis, par l’intermédiaire d’organisations (Hezbollah, Hamas, Al-Houti, etc.) ou d’Etats alliés (Israël, Yémen, Egypte, Arabie Saoudite, etc.), liés ou non entre eux. Ce type de confrontation indirecte a été mis en œuvre durant la guerre froide entre américains et soviétiques, dans le tiers-monde (Viêt-Nam, Angola, Cuba, Afghanistan, Rhodésie, Nicaragua, etc.). Ce n’est donc pas une nouveauté mais un nouveau risque de dérapage entre les puissances américaines et iraniennes est réel.L’Etat yéménite existe toujours et son armée également. Même s’il n’est pas parfait, il peut encore agir mais il a besoin de soutien extérieur. Il serait sans doute nécessaire de l’aider militairement et économiquement, indirectement et directement, tant qu’il est encore temps, pour éviter à ce pays de sombrer dans le chaos. Certains pays s’y attèlent déjà, de manière partiale. Cela n’avait pas été fait à temps en Afghanistan et en Somalie, au début des années 90, pour de « bonnes » et de « mauvaises » raisons. Une question subsiste : pourra-t-on éviter, à terme, une intervention internationale, pour rétablir l’ordre dans cette zone stratégique ?*Crédits photos : presstv.ir

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