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Je ne vous souhaite pas une bonne année, Monsieur le Président

Publié le 31 décembre 2009 par Juan

Le 1er janvier, on se souhaite la bonne année. Hier soir, Nicolas Sarkozy n'a pas dérogé à l'exercice des voeux du 31 décembre. A peine revenu d'une petite semaine au Maroc,
On se souvient de ses premiers voeux présidentiels. Il fallait oublier qu'il s'attachait, à l'époque, à détruire un à un tous les filets sociaux qui protégeaient encore la majorité des citoyens du pays: heures supplémentaires défiscalisées et déplafonnement des heures supplémentaires pour assouplir le code du travail, (faux) service minimum dans les transports et l'éducation nationale, offre raisonnable d'emploi pour sanctionner les chômeurs "récalcitrants", suppression de la dispense de recherche d'emploi pour les plus de 58 ans à compter de 2009 (suspendue ensuite pour cause de crise), nouvelles franchises médicales et déremboursements supplémentaires de médicaments, réduction des allocations familiales pour les foyers avec adolescents, fermeture des petits établissements judiciaires et de santé, suppression du critère du handicap pour l'attribution de bourses universitaires, réduction du nombre d'enseignants et de policiers, réduction des RASED. A l'aube du retournement économique, le gouvernement persévérait dans son entreprise de dérégulation sociale, avec le désengagement de la Sécurité sociale des remboursements d'optique, la suppression, avortée, de la carte famille nombreuse ou le licenciement des fonctionnaires "inaptes".
Pour ses seconds voeux présidentiels, le 31 décembre 2008, Nicolas Sarkozy s'était transformé en gauchiste de circonstance. Il avait faussement échangé les pauvres, les chômeurs et les jeunes contre les banquiers et les "patrons-voyous". En juillet, il pouvait brandir son unique mesure sociale, le RSA, qui consistait à encourager les RMistes à prendre des jobs de caissières ou de manutentionnaires à temps partiel. La crise et la grogne sociale aidant, son gouvernement a dû se résoudre à maintenir certains filets sociaux, comme augmenter le nombre de contrats aidés, renoncer à la fin des pré-retraites, distribuer des chèques-emplois services à certains foyers modestes, distribuer des subventions tous azimuts sous couvert de plan de relance. La rage des précaires menaçait.
Pour ses troisièmes voeux, Nicolas Sarkozy clot l'année 2009 avec difficulté. Alors qu'il avait aisément franchi le cap des élections européennes de juin, sa stratégie de reconquête de l'opinion a complètement échoué. Il s'est transformé en écologiste opportuniste, et a multiplié les discours gauchisants sur toutes les scènes internationales à sa disposition. Depuis septembre, le Monarque élyséen ne parvient plus à maîtriser l'agenda politique. Ses annonces sont raillées, ses manipulations de l'opinion à coups de sondages pré-fabriqués et de visites de terrain ultra-castées sont dévoilées. Le mois de décembre fut sans doute le plus terrible, avec l'échec du sommet de Copenhague, et, cadeau tardif de Noël, l'annulation de la taxe carbone.
Pour 2010, il lui faudra manipuler les résultats des élections régionales (les dernières un tant soit peu démocratique avant le passage au scrutin uninominal à un tour et la fusion des conseillers territoriaux), faire le dos rond contre les critiques à l'égard de sa politique fiscale.
Hier soir, pour ses voeux, Nicolas Sarkozy a été contraint de parler taxe carbone. L'annulation de la dite taxe a contrarié son exercice habituel d'autosatisfaction. Jeudi soir, même le sommet de Copenhague a été présenté comme un succès qui ouvre " une porte sur l'avenir"...

"je ne suis pas un homme qui renonce à la première difficulté, et la fiscalité écologique qui permet de taxer la pollution et d'exonérer le travail est un enjeu majeur. Dès le 20 janvier, le gouvernement présentera un nouveau dispositif afin que les consommateurs soient incités à consommer mieux et les producteurs à produire propre".
Le président français a réécrit l'histoire de l'année écoulée: "notre pays a été moins éprouvé que beaucoup d'autres. Nous le devons à notre modèle social qui a amorti le choc, aux mesures énergiques qui ont été prises". La France aborde la vraie crise, sociale cette fois-ci, sans les marges budgétaires de ses voisins. L'investissement, pourtant soutenu par le plan de relance, reste à la peine. La France résiste grâce à son modèle social, que Sarkozy a affaibli, et son épargne privée.
Tout juste a-t-il reconnu, pour la première fois depuis des mois, que bonus et paradis fiscaux sont toujours des problèmes à résoudre. On croyait qu'ils avaient été éradiqués, comme l'expliquait Sarkozy si régulièrement.

"des problèmes qui soulevaient depuis bien longtemps une grande émotion et qui paraissaient insolubles, comme les bonus extravagants ou les paradis fiscaux, sont en voie d'être résolus"
Sans rire, Sarkozy pense que la voix de la France porte à l'étranger, et il réclame un devoir d'exemplarité: "l'"unité qui nous a permis de prendre l'initiative, d'entraîner les autres. Les idées que la France défend vont pouvoir s'imposer dans la recherche d'un nouvel ordre mondial : plus d'équilibre, plus de régulation, davantage de justice et de paix. Ces idées nous imposent un devoir d'exemplarité". A Copenhague, la France et l'Europe ont été marginalisées dans les dernières heures du sommet. La diplomatie française est raillée pour sa partialité, tantôt donneuse de leçon, tantôt complice silencieuse de ses dictatures-partenaires commerciaux. Pour 2010, Sarkozy fixe quelques objectifs, tantôt imposés par les circonstances ("faire reculer le chômage et l'exclusion, réduire nos dépenses courantes", "consolider notre système de retraites"), tantôt projets personnels du monarque élyséen (justice, dépendance).
"Je souhaite que 2010 soit l'année où nous redonnerons un sens au beau mot de fraternité qui est inscrit dans notre devise républicaine."Ainsi clot-il sa courte allocution. Une conclusion schizophrénique e la part de celui qui n'a cessé de cliver la société, jusqu'au récent débat sur l'identité nationale.
Je ne vous souhaite pas une bonne année, Monsieur le Président.

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