Magazine Humeur

Traditions franchouillardes, proverbes du terroir et cancoillotte

Publié le 01 janvier 2010 par Innommables

Cher lecteur,

En ce premier janvier de l'An de grasse de Grâce 2010, j'ai relativement peu de chances de me tromper si j'affirme que tu as déjà reçu une trentaine de SMS ("Kikou! Bon Ané, lol ! Plain de biz!"), quelques dizaines de coups de téléphone ("Allô mon poutounet? C'est tata Jacqueline! Une bonne année, hein, mon coquelet, et une bonne santé surtout, c'est l'essentiel, la santé, mon lapin!") voire deux ou trois cartes postales rivalisant dans le kitsch et le mauvais goût.

Soyons honnêtes et admettons-le, lecteur: le passage à la nouvelle année nous donne l'occasion de nous vautrer avec complaisance (et avec délice) dans le pouet-pouet des flonflons franchouillards ("Viens boire un p'tit coup à la maison"), la bêtise un rien surannée des dictons populaires ("Janvier sec et sage est un bon présage" ou "Jour de l'An beau, moi d'août très chaud!") et la vulgarité crasse du fêtard aviné.

Ayant moi-même cédé à la tradition de l'envoi des voeux (et non pas "de l'envoi des vieux", opération qui consisterait à briser les membres de nos vénérables aînés afin de les plier en douze et de les glisser dans des cartons pas plus grands que des livres de poche, avant de les envoyer par la poste à nos amis et cousins du Berry et de la Creuse, ce qui serait, reconnais-le, beaucoup moins barbant que les sempiternelles cartes de voeux couvertes de chiots, chatons et angelots pervers), ayant cédé, disais-je, à cette indigente coutume, je n'ai ensuite pu résister à la tentation de me rouler dans la fange nauséabonde de la bouffonnerie la plus consternante, en établissant une liste de "bonnes résolutions".

Liste non exhaustive mais finalement bien pauvre, puisqu'elle ne comporte qu'une unique ligne:
Passer le permis de conduire.

Ne ris pas, je te prie (essaie donc plutôt, si tu le peux, de respecter cette résolution 2010 que j'ai personnellement rayée de ma liste aussitôt après l'avoir écrite: je ne me livrerai plus au sarcasme gratuit et insultant envers autrui et je respecterai le Onzième Commandement qui stipule que "Tu ne te foutras point de la gueule de ton Prochain")

Passer le permis de conduire, donc.

Un jeu d'enfant pour tout jeune adulte venant de passer son Baccalauréat et écoutant régulièrement Tokio Hotel dans son Ipod, une mèche rebelle tombant en travers de ses yeux de cocker tandis qu'il marche fièrement en roulant des hanches dans son jean taille ultra-basse en toisant avec mépris les vieux cons réactionnaires de cette société consumériste, lâche et complètement has been.

Le Neuvième Cercle de l'Enfer pour tout trentenaire qui aurait dû le passer après son Baccalauréat (c'est-à-dire au siècle dernier) et qui écoute régulièrement Berurier Noir et Dire Straits dans son Ipod, tandis qu'il claudique péniblement (bientôt l'arthrose de hanche) en se souvenant de la catastrophe de Tchernobyl, de la chute du Mur de Berlin et de la guerre des Malouines.

Me voici donc, ami lecteur, régulièrement assise au fond près du radiateur dans une sorte de salle de classe aux tables entièrement taguées et lacérées ("Seb + Isa = Amour", "Franck = pédé", "I love Grégory Lemarchal", "Non aux OGM et à Sarkosy!"), entourée de boutonneux à peine pubères qui me regardent comme si je débarquais du dernier congrès des détenteurs de Carte Vermeil à Vichy, et cochant frénétiquement les réponses A, B, C ou D tandis qu'une chaudasse à la voix de velours pré-enregistrée sur un DVD estampillé Code Rousseau me demande si le panneau de gauche m'autorise à stationner, à m'arrêter ou à sortir mon calibre 44 pour procéder à un remake de Bowling for Columbine.

Sais-tu, lecteur?

J'ai un peu l'impression de retomber en enfance et de retrouver l'époque bénie où Sandrine, Franck ("Franck = pédé", comment ont-ils su?), Louis, Ali et moi-même faisions des tournois de tarot endiablés au fond de la classe pendant le cours de philo de monsieur Cavallès ("L'allégorie de la caverne, Line, ne signifie pas que Platon vous autorise à taper le carton dans la grotte symbolique que représente le dernier rang de cette salle de classe, aussi allez donc voir chez le Censeur si j'y suis").

D'ailleurs, je dois t'avouer que l'esprit potache de ces années bon enfant m'est revenu assez rapidement, puisque la dernière évaluation (portant sur la signalétique de stationnement, entre autres) que j'ai rendue à ma charmante monitrice ressemblait à peu près à ça:

code-de-la-route

Ma prochaine résolution, tu t'en doutes, consistera à me retrouver une auto-école dans les jours qui viennent.

Bonne année à toi, cher lecteur, et plus particulièrement à toi, fidèle entre les fidèles, frangin dégénéré ou virtuel et servile ami(e): Grand Corleone et Abi, Vieux Félin et sa marmaille, Carine et sa moitié d'orange, Serge et ses crayons, Fred, Groseille, Greenouille, Zoé, Macaron (et la bouteille à laquelle nous ferons un sort), No et son diplôme tout frais, Eurêka (que nous rebaptiserons Fiat Lux pour le plaisir), Sophie, Charles-Marie et ses tubes à essai, j'en oublie sans doute (qu'ils me pardonnent ou me poussent amicalement dans une piscine remplie de lames de rasoir).

Quant à la cancoillotte à laquelle le titre de ce billet semblait faire allusion, tu voudras bien m'excuser, mais elle n'a aucun rapport avec le sujet.


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