Le Conseil constitutionnel a annulé mardi 29 décembre la taxe carbone qui devait entrer en vigueur le 1er janvier prochain, estimant que moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à cette taxe, et il a donc invalidé l’ensemble du dispositif.
Pour le parti socialiste, à l’origine de la saisine du conseil, cette annulation constitue « une lourde défaite pour le président qui s’était personnellement engagé« .
Pour les associations de défense de l’environnement, elle était prévisible car ce dispositif contenait trop d’exemptions et portait ainsi atteinte au principe d’égalité devant l’impôt.
Sans doute du plus mauvais effet pour N. Sarkozy qui doit s’exprimer, demain jeudi 31 décembre, devant les Français pour les traditionnels vœux de fin d’année, du fait que la taxe carbone, mesure phare de son programme électoral, impôt écologique inséré dans le projet de loi de finances 2010, avait été annoncé par le chef de l’Etat le 10 septembre dans l’Ain et devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010. Après le revers international de Copenhague, Nicolas Sarkozy voit cette fois sa stratégie nationale mise à mal.
Saisi par le Parti socialiste sur l’ensemble du budget, le Conseil constitutionnel, présidé par Jean Louis Debré a considéré que la contribution carbone était inefficace et inéquitable. Il a notamment fondé sa décision sur la Charte de l’environnement, qui a « valeur constitutionnelle ».
Pour les juges constitutionnels, la taxe carbone, un impôt qui pesait essentiellement sur les ménages, comportait trop d’exemptions, notamment à l’égard des entreprises les plus polluantes. Le texte prévoyait d’épargner les transports aérien et routier de voyageurs, ainsi qu’un millier des sites industriels les plus émetteurs de CO2, comme « les centrales thermiques, les raffineries, cimenteries, cokeries, verreries ». « 93 % des émissions de dioxyde de carbone d’origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone », précise la décision. Ces régimes d’exemption « sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».
Dévoilée en septembre dernier par Nicolas Sarkozy, la taxe carbone était une mesure fiscale écologique qui devait s’appliquer sur la consommation de pétrole, de gaz et de charbon, à raison de 17 euros la tonne de CO2. Une taxe applicable à tous, aux entreprises comme aux particuliers pour les encourager à économiser l’énergie.
Mais lorsqu’il a institué cette taxe, le gouvernement a décidé d’en exonérer certaines industries comme les centrales thermiques, alors que celles qui fonctionnent au charbon émettent beaucoup de CO2. Il a aussi exonéré les raffineries, les cimenteries, les transports aérien et routier, etc.
Michel Rocard, président de la conférence d’experts sur la taxe carbone, ainsi que les organisations écologistes, voulaient que la
consommation d’électricité soit intégrée au dispositif, mais le gouvernement a refusé au motif que les centrales nucléaires n’émettent pas de CO2. C’est ce principe d’égalité tronquée que le Conseil constitutionnel a refusé de valider, estimant que 93% des émissions d’origine industrielle, hors carburant, n’auraient ainsi pas été taxées. Et tout cela aurait créé une grave inégalité devant l’impôt.L’exécutif a tenté de minimiser l’impact de cette décision. Le premier ministre a indiqué dans un communiqué qu’un nouveau dispositif serait présenté par le gouvernement dès le 20 janvier en conseil des ministres.
Est-ce que ce retoquage aura des conséquences sur la communauté européenne qui, après le « désastre de Copenhague », relançait, il y a quelques jours, l’idée d’une taxe carbone aux frontières pour rassurer leurs industries et durcir leur position de négociation en 2010. Si l’Europe a perdu une bataille, elle ne comptait pas perdre la guerre de l’environnement.
« Si certains pays parmi les plus grands émetteurs au monde continuent de faire obstacle à l’adoption d’objectifs contraignants de réduction des émissions, l’Union européenne doit envisager, comme le permet le rapport de l’OMC du 26 juin, une taxe carbone sur les produits importés de ces pays qui font une concurrence déloyale à nos entreprises », a déclaré Paul Magnette, ministre belge chargé du climat. De son côté, un négociateurs français a confié à l’AFP qu’il fallait »décider quelle offre l’Union va mettre sur la table pour le 31 janvier, et ce que nous devons faire pour rassurer nos entreprises ».
Si cette idée de « taxe carbone » recueillait des soutiens de poids comme celui de Nicolas Sarkozy ou d’Angela Merkel, ses opposants montent au front. « On ne peux pas atteindre les objectifs par un dirigisme d’État », soutient le ministre allemand de l’Environnement Norbert Röttgen. « La taxe carbone n’est pas un sujet de discussion », assène un responsable de la Commission européenne, très réservée sur la question.