Chers lecteurs, permettez-moi, en préambule à ce billet, de vous présenter tous mes vœux pour cette nouvelle année.
Ce 1° janvier, j’ai entendu plusieurs fois le terme anglais embedded pour qualifier les deux journalistes de France 3 capturés en Afghanistan par des hommes armés. Je suis toujours navré de voir la méconnaissance profonde de notre langue dont font preuve ceux qui, étant donné leur audience, devraient s’appliquer à l’utiliser correctement. Lorsque se présente un vocable étranger inconnu, il semble que ces paresseux l’accueillent comme un terme neuf surgi du vide intersidéral, mais fortement teinté d’américain, sans aucun équivalent dans notre langue, et que l’on est contraint d’accepter tel quel. En somme, ils ne comprennent pas ce que cela veut dire et nous convient à propager leur ignorance.
Pourquoi donc n’ont-ils pas le réflexe de se reporter à l’outil le plus banal qui soit pour maîtriser un vocabulaire, un simple dictionnaire ? S’il y a encore quelques années, il pouvait faire défaut, désormais par la magie de l’Internet, de nombreux ouvrages de ce genre sont accessibles en quelques clics de souris.
Il me semble que ce mot d’embedded est apparu lors de l’offensive américaine en Irak, où l’armée a proposé à des journalistes d’être intégrés dans des unités combattantes. Une recherche de quelques minutes aurait permis à nos talentueux gens de presse de découvrir quelques mots français susceptibles de remplacer ce barbare embedded. Je viens tout naturellement d’employer intégré qui me semble correspondre assez exactement à la condition de ces journalistes, qui se trouvent faire partie d’un ensemble, à l’opposé de ceux qui en seraient détachés. Cette référence à l’intégration, mot assez prisé ces temps-ci par des Besson, Hortefeux, Morano, Raoult et consorts, traduit bien l’ambiguïté de la situation de ces journalistes : intégrés aux troupes, ils bénéficient de leur protection mais courent les mêmes risques que les soldats, ne peuvent s’aventurer où bon leur semble, peuvent être considérés par l’adversaire à l’égal des combattants et, partageant leur vie, risquent de ne plus conserver un regard neutre.
On pourrait préférer le terme d’inséré, qui désigne un élément extérieur introduit à l’intérieur, voire même incrusté, si les militaires qui l’entourent en viennent à considérer que ce civil est décidément bien pesant. Une autre possibilité est offerte avec inclus, qui désigne ce qui est mis dedans, et oppose ces journalistes privilégiés à ceux qui seraient exclus d’une telle possibilité. Et pourquoi ne pas retenir embarqué, qui s’applique à celui qui se trouve entraîné dans une affaire difficile, puisque journalistes et soldats sont ainsi dans le même bateau ?
Je ne pense pas être trop sévère vis-à-vis de la presse, quand nos apôtres de l’identité nationale veulent exiger des candidats à la nationalité française une bonne connaissance de notre langue. A contrario, il est vrai qu’elle peut être assurée de l’indulgence de notre souverain, lui qui massacre le français avec une constance terrifiante !