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« Le discours managérial est de plus en plus perçu comme artificiel»

Publié le 04 janvier 2010 par Délis

Suite à notre analyse sur le stress au travail1 , Délits d’Opinion a interrogé Philippe Askenazy.

Délits d’Opinion : En mai 2009, plus de trois Français sur quatre estimaient que le travail contribuait à la dégradation de leur santé. Comment en est-on arrivé là ?

Philippe Askenazy : Il s’agit de la somme de deux facteurs : l’un structurel, l’autre conjoncturel. Le second est un contrecoup du « travailler plus pour gagner plus » : la crise a fait disparaître cet espoir au profit d’un recentrage des salariés sur la problématique de leurs conditions de travail. Le premier correspond à une montée largement documentée par les travaux en économie, psychologie ou épidémiologie, d’une intensification du travail.

Délits d’Opinion : Le management est régulièrement mis en cause, notamment dans les entreprises anglo-saxonnes : existe-t-il une nouvelle méthode de management particulièrement douloureuse pour les employés ? Si oui, en quoi se différencie-t-elle de l’ « ancienne»  ?

Philippe Askenazy : Oui et non. Les nouvelles organisations du travail cherchent à optimiser l’usage de l’humain dans ses dimensions psychologique et physique. Au lieu de se substituer, les contraintes psychologiques et physiques se cumulent et donc génèrent de nouveaux risques d’atteintes sourdes ou visibles à la santé des salariés et de fait une intensification du travail.

Néanmoins, les nouvelles organisations et technologies peuvent être également porteuses d’opportunités pour marier productivité et santé/sécurité au travail ; par exemple, les technologies de l’information peuvent être utilisées pour réduire l’isolement des salariés plutôt que de l’accentuer. C’est au management de mobiliser ces opportunités.

Délits d’Opinion : Près de sept Français sur 10 estiment que leur entreprise agit peu ou pas du tout pour réduire le stress de leurs salariés. Parallèlement plusieurs enquêtes mettent en évidence que le lien affectif à l’entreprise s’est progressivement érodé et que les sentiments négatifs vis-à-vis de son entreprise l’emportent. Existe t-il un risque réel de rupture entre les salariés et leurs entreprises ?

Philippe Askenazy : Certainement. Le discours managérial est de plus en plus –à juste titre- perçu comme artificiel. La montée de l’absentéisme, les plaintes autour de harcèlement moral sont les signes d’une rupture latente avec des conséquences potentiellement lourdes en terme de productivité ; plus que le stress direct, c’est ce risque de démotivation qui menace les performances de l’entreprise.

Délits d’Opinion : Avez-vous le sentiment que les entreprises ne mettent effectivement pas tout en œuvre afin de réduite le stress de leurs employés ?

Philippe Askenazy : Bien sûr. De fait, réduire « le stress » du moins les risques psychosociaux est une politique coûteuse. Les entreprises font donc un calcul économique qui n’aboutit pas nécessaire à conclure qu’il faut construire une prévention.

Le cas de l’Allemagne est intéressant : les entreprises développent une politique de rétention de la main d’œuvre et de prise en compte de la dimension durabilité du travail, parce qu’elles font face déjà à un retournement démographique rapide qui les obligent à revoir leur politique de ressources humaines globale.

Propos recueillis par Olivier.


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