Magazine Politique

Jean-Michel Aphatie Et Les "Pisse-Vinaigre"

Publié le 16 décembre 2009 par Sagephilippe @philippesage

012C000000765166-photo-jean-michel-aphatie-journaliste-sur-rtl.jpgIl est étonnant, non, ce Jean-Michel Aphatie ? Truculent, même. Oui, voilà, truculent. Mais pas que. Comment dire ? Il est, en tant que journaliste – parce que oui, il faut le préciser, c’est important : Jean-Michel Aphatie est journaliste – en tant que journaliste, disais-je, il est atypique. Ah, voilà un terme qu’on aime à employer, n’est-ce pas ? Atypique ! Ce qui, aujourd’hui, veut à la fois, tout dire et son contraire. Bref, atypique, présentement, on ne sait plus vraiment ce que ça veut dire. C’est une étiquette que l’on collerait presque à n’importe qui à partir du moment où il dit, produit, exécute quelque chose, eh bien … d’atypique. Comprendre que ça ne va pas dans le sens de la marche. Ou d’une pensée unique. C’est une voix, comme ça, qui s’élève, qui surprend, et ensuite, se tait, la plupart du temps. C’est de l’"atypisme" ponctuel. Notez que l’on parle également d’iconoclaste. Tiens, Marie-Ségolène Royal, par exemple, elle fut, lors de la campagne présidentielle 2007, traitée d’iconoclaste ! Sa candidature était iconoclaste. Son attitude était iconoclaste. Puis, elle toute entière, l’était, iconoclaste. Mieux, par la plume "barbichue" de Laurent Joffrin, elle devint - tiens-toi bien ! - immarcescible. Aujourd’hui, boum-patatras, c’est un handicap, Marie-Ségolène. Pour ne pas dire, un boulet. Pour qui ? Devinez ..
Mais revenons à notre atypique du jour, l’iconoclaste Jean-Michel Aphatie et cet accent qui le caractérise, qui fait aussi son charme, un charme que, sans barguigner, je qualifie d’immarcescible.
Mardi 15 décembre sur le plateau du Grand Journal de Canal+, monsieur Aphatie, histoire de "remettre un peu les choses en ordre", nous expliqua "comment ça marche, les médias". Et pourquoi se crut-il obligé de le faire, me direz-vous ? Eh bien parce que l’imperturbable et tout aussi immarcescible Michel Denisot l’avait lancé sur un sujet ô combien passionnant : la couverture médiatique d’un évènement, en l’occurrence celui de l’hospitalisation de Johnny Hallyday, une couverture que “certains journalistes” et “certaines célébrités” critiquaient, en clair, il était reproché aux "médias" d’en avoir "trop fait".
Comme à son habitude, Jean-Michel Aphatie fut tout bonnement extraordinaire d’extravagances, montant dans les aigus, moulinant des bras, s’indignant pour de faux, un vrai numéro, un spectacle vivant. Et chaque fois, je me dis : Jean-Michel, à quand un one-man-show au Théâtre des Deux-Ânes ? Ce serait pur régal.
Bref.
Plus sérieusement, que retenir des propos de Jean-Michel Aphatie ?
D’abord, reprocher aux "médias" d’en "faire trop", c’est, dixit Aphatie, "un classique" :
Y’a toujours des pisse-vinaigre qui disent : oh, ils en ont trop fait !” Glissa-t-il.
Mais qui sont donc ces pisse-vinaigre ? Des journalistes ? Des célébrités ? Du tout ! Non, ce sont des syndicalistes ! Ici, le SNJ-CGT dont Aphatie nous montra le communiqué s’affichant à l’écran, communiqué dénonçant “les dérives d’une information-spectacle à propos de la couverture médiatique de la maladie de Johnny (…) et tant pis pour le sommet climatique de Copenhague et le sort des SDF”. Et que pense-t-il de ce communiqué Aphatie, ou plutôt de cette position ? Eh bien, il pense que c’est "une vieille position marxiste". Et il la décrypte ainsi :
On (les médias) parle(rait) de quelque chose d’anodin pour cacher les vrais problèmes aux gens, comme si les gens, nous dit Aphatie, n’avaient pas conscience des vrais problèmes !”.
Alors là - mais comme dirait Aphatie : “on peut être d’un avis différent” - je me demande si “les gens” ne seraient pas, sans s’en douter, des cochons de marxistes, Jean-Michel, car voyez-vous, mais peut-être ne fréquentez-vous pas “les gens” comme moi, c’est (malheureusement) ce que, souvent, ils pensent, et même disent : que oui, les "médias" parlent abondamment d’un sujet (tiens, la grippe A) pour nous cacher l’essentiel, ou plutôt, pour ne point l’aborder en profondeur : comme le chômage allant croissant, le surendettement galopant, le pouvoir d’achat s’effondrant. Vous n’avez jamais entendu ce refrain, monsieur Aphatie ? Je veux dire : chez “les gens” ? Oh je sais, oui je sais ce que vous allez me rétorquer, Jean-Michel Aphatie, accent aigu, bras moulinant : s’ils disent cela ou même le pensent, c’est la faute des "médias" ! De “certains médias”, pardonnez-moi ! C’est eux qui leur mettent ces choses-là dans la tête ! On n’en sort pas ! Mais quel serpent se mordant la queue, n’est-ce pas ? Comme le chantonnait feu Desproges : "Cela ne changera-ce donc jamais, oh-là-là, oh-là-là !" ...
... Mais fort heureusement, vous êtes là, Jean-Michel Aphatie, pour séparer le bon grain de l’ivraie.
Ainsi, vous vous offusquâtes gentiment, d'un questionnement "non distancié" de votre confrère Nicolas Demorand (évoquant un possible décès de l’idole des jeunes "espéré" par les "médias") sur France 5, du terme employé par le maire de (tous les) Meaux, Jean-François Copé, celui d'"indignité” (inhérent au monde des "médias", selon Copé), ou ironisâtes sur votre consœur TF1 qui aurait propulsé (d’après vous) au rang de journalistes Nikos Aliagas et Line Renaud. Mais tout ça, dites-vous, c’est parce qu’un "média" c’est "mécanique et donc bête". Et parfois, "ridicule". On ne couvre pas un tel évènement comme "la maladie de Johnny", sans excès. Il faut le comprendre. Et que voilà, parfois, je vous cite :
ça amène le journalisme là où il n’est pas !” …
Alors ça, c’est intéressant, Jean-Michel Aphatie, cette histoire de journalisme qui se radine là il ne devrait pas aller ! Parce que, voyez-vous, vous en êtes la parfaite incarnation. Eh si, Jean-Michel Aphatie ! Mais où êtes-vous donc quand vous nous faites cet exposé, ce cours de "médias" appliqués ? Ne seriez-vous pas, par hasard, dans une émission de ... divertissement ? Un machin foutrement pipolisant ! Où l’on se gausse, via Yann Barthès et consorts (le “oui/non” affligeant d’Ariane Massenet) du monde politique, et le verbe (gausser) est bien faible : on le ridiculise plutôt, ce monde politique, et pas qu’un peu ! Avec la truelle, mon cher (même si je l’avoue, je ris parfois et de bon cœur). Mais bien sûr que si ! Vous êtes pile dans l’endroit où vous estimez que le journalisme n’a rien à y faire ! Celui de la dérision, de la gaudriole, de la vulgarisation à outrance(s), de l’excès, de la politique-spectacle, où quand il s’exprime, le politique n’a que, montre en main, 4 à 5 minutes (et encore, je suis large). Vous me direz, c’est de sa faute. N’a qu’à pas pas venir sur ce plateau, le politique. Je prends ! Mais vous : que foutez-vous là ? C’est de l’"atypisme", je présume ? Ah, je m’en doutais ! En même temps, je vous le concède, critiquer les "médias" (au passage, après vous avoir écouté, on ne sait toujours pas ce que c’est, ou : qui est le bon, le mauvais, le saligaud, le “de référence” ..) et même les journalistes, quand on est soi-même partie intégrante de ce "média" (ici très people) et journaliste de surcroît, ça demande, outre une bonne dose de mauvaise foi, voire de cynisme vaguement amical, des talents proches de l’acrobatie de compétition, et peut-être aussi, de la clownerie (alors ce one-man-show, Jean-Michel, c’est pour quand ?).
Là, je sais, vous allez me traiter de pisse-vinaigre. Ah, je l’attendais ! Mais, quitte à l’être, je vais l’être jusqu’au bout.
Voyez-vous, Jean-Michel Aphatie, dans votre cours moulinant, il manquait un élément. Oh, ça ne va pas vous plaire, mais il manquait bel et bien. Bien que, je l’ai noté, vous l’avez – là encore – survolé.
De quoi s’agit-il ?
Mais du chirurgien, monsieur Aphatie !
Comment l’avez-vous habillé, c’lui-ci, déjà ? .. Ah oui ! ... Gaudriole oblige, vous avez dit :
“(...) Vous découvrez un médecin qui ressemble à George Clooney et qui opère à peu près comme lui !” ..
Le public, bien entendu, a pouffé. Brave public. Mais comme je fus déçu que vous en restiez là ! Car, rappelons-le, il s’agissait bien d’analyser (?) la couverture médiatique de "la maladie de Johnny". Qui ne s’est pas arrêtée au seul Johnny, Jean-Michel ! Le chirurgien, Stéphane Delajoux, l’a eu son lot de couverture, itou. J’eus aimé, apprécié, que vous en parlâtes. C’est qu’on l’a bien soigné, le lascar ! Tiens, il n’était même plus chirurgien, mais le “sulfureux” chirurgien. Même, pour "certains médias", c’était un "escroc". C’est peut-être vrai, notez, mais tout de même, vous ne trouvez pas que, là aussi, il y a eu comme des excès ! Ça ne vous a pas dérangé ? Apparemment pas, puisque vous l’avez tu. Mais bon sang, vous êtes tout de même au courant que ce Delajoux, vendu comme un "escroc", un "massacreur", par "certains médias" (via, c’est vrai, Jean-Claude Camus) fut victime d’une agression dans la nuit de vendredi à samedi dernier ? Et là, vous ne dites rien, donc ? Vous ne vous demandez pas, si, quelque part, je ne sais pas, les "médias" n’auraient pas comme une (légère mais réelle) responsabilité indirecte dans cette agression, ne serait-ce que par le portrait assassin qu’ils ont fait de cet homme ? Non, bien sûr ... Je sais, les "médias", même ceux que vous tancez, n’ont rien à voir là-dedans. Ils sont "mécaniques, donc bêtes", mais pas là. Et puis, oh, ils ne sont pas responsables des cons, car vous êtes bien d’accord sur ce point : agresser un homme, fut-il “sulfureux”, c’est un acte qui ne peut être l’œuvre que de cons certifiés !
Mais quand bien même - et pardonnez-moi d’y revenir - cette présentation accusatrice du docteur Delajoux par “certains médias”, eh bien moi, qui ne suis pas journaliste, voyez-vous, ça m’a bien plus dérangé que de voir Nikos Aliagas ou Line Renaud intronisés journalistes. Et je me suis demandé si là, on avait pas désigné au peuple, le chien à latter, d’une certaine façon. Sans doute, est-ce dû à un relent de marxisme me tiraillant, allez savoir ! Qui ne date pas d’hier, ceci étant, car je me souviens qu’en 2002, je me demandais, aussi, si les "médias", ma foi, n’avaient pas poussé le bouchon un peu loin en matière de reportages bien appuyés sur le thème de la sécurité avec les conséquences que l’on n'a pas oubliées. Je sais, ils ont nié, en bloc. Ils n’ont fait que leur métier, vos confrères. Point barre. Affaire classée. Enfin, pas vraiment. Mais passons ..
Le fait est que cette agression du “sulfureux” Delajoux, fut bien peu couverte médiatiquement. Et quand elle le fut, on avait comme un drôle de sentiment, Jean-Michel : du genre, si ça se trouve, c’est du flan ! Il s’est agressé lui-même. Il s'est "victimisé", comme on dit désormais. A desseins. C’est du moins, ce qu’on comprenait, parfois. Mon côté pisse-vinaigre, sans doute, doit me jouer des tours, hein ?
Quoi qu’il en soit, Jean-Michel Aphatie, il est pour le moins étonnant, que vous n’ayez point abordé ce sujet, fâcheux. Mais, comme je l'écrivais en ouverture de ce billet :
Il est étonnant, non, ce Jean-Michel Aphatie ?
Oui.
A ce point, que sa truculence et son "atypisme" ont des limites. Celles que lui imposent les "médias" que, gentiment, il fustige, et sur un plateau de pur divertissement, là où précisément, le journalisme n’est pas. Et ne sera jamais. Ceci expliquant cela. Pisse-vinaigre, ou pas.


Retour à La Une de Logo Paperblog