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Belgique : le sénateur libéral Destexhe fustige les « progressistes qui flirtent avc l’islam réac », par Éric Timmermans

Publié le 19 novembre 2009 par Roman Bernard
Le sénateur libéral Alain Destexhe (1) et Claude Demelenne, journaliste de gauche et rédacteur en chef du Journal du Mardi, ont publié récemment aux éditions du Cerisier, un ouvrage d’une centaine de pages, intitulé « Lettre aux progressistes qui flirtent avec l’islam réac » (2), dans lequel ils dénoncent notamment la complaisance dont d’importantes franges des mouvements écologistes, démocrates-chrétiens et socialistes de Belgique francophone feraient preuve à l’égard de l’islam radical.

Sont notamment mis sur la sellette le parti écolo et le PS bruxellois, auxquels il est reproché par les auteurs de vouloir s’engager, avec un certain islam radical, dans une politique d’ « accomodement raisonnable » (3) qui pourrait éventuellement se retrouver au centre des conclusions des « Assises de l’interculturalité » (sic) voulue par, je cite, « la vice-première ministre, ministre de l’Emploi et de l’Égalité des chances, chargée de la Politique de migration et d’Asile » et, bien plus qu’accessoirement, présidente du cdH (4), Joëlle Milquet. Nous devons d’ailleurs à son parti, rappelons-le, la première admission d’une femme portant le voile, dans un hémicycle parlementaire européen (5).

Dans le viseur des deux auteurs, l’on trouve également le MRAX (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, présidé par Radouane Bouhlal ; équivalent, en Belgique francophone (Bruxelles et Wallonie), du MRAP de Mouloud Aounit, en France). Bien que les problèmes intérieurs de ce mouvement ne nous intéressent en rien de prime abord, signalons toutefois qu’il a connu, à plus d’une reprise, quelques soubresauts résultant d’un certain nombre de « dysfonctionnements internes ». Ainsi, a-t-on vu le personnel du MRAX se mettre en grève (une heure, à partir de 11 heures) le vendredi 23 octobre, afin de protester contre lesdits dysfonctionnements et, plus précisément, contre une « détérioration des conditions de vie des travailleurs », contre un « harcèlement moral généralisé » et, last but not least, contre l’omniprésence et l’omnipotence du président, à savoir le susmentionné Radouane Bouhlal.

Dans ce climat déjà passablement troublé, le MRAX se voit accuser par MM. Destexhe et Demelenne d’être devenu, dixit Claude Demelenne, « le syndicat de l’islam conservateur et rigoriste, une véritable machine à accuser les gens d’islamophobie », « un concept qui n’existe pas, qui a été inventé par les mollahs iraniens lors de la révolution », souligne Alain Destexhe, qui poursuit en proclamant, « toute religion est critiquable, le racisme, c’est s’en prendre aux Arabes et aux Juifs ».

Mais la fronde du tandem Destexhe-Demelenne ne s’arrête pas là, et ce au grand étonnement de ceux qui, comme moi, sont, en règle générale, bien peu enclins à faire preuve de complaisance et de confiance à l’égard des représentants d’un régime dit « démocratique » qui, au fil des ans et des dernières décennies, les ont si souvent déçus. Voilà qu’Alain Destexhe accuse également le MRAX d’être une association « communautariste » dont le président s’entoure, en outre, de personnalités faisant « l’apologie du Hamas » et qui se laisse aller à des déclarations stigmatisant les « visages pâles », s’en prenant au « privilège blanc », de même qu’à une « clique d’universitaires blancs », et le sénateur Destexhe d’accuser finalement, en toute clarté, le président du MRAX, Radouane Bouhlal, de racisme anti-blanc.

Monsieur Destexhe épingle aussi, par ailleurs, l’entourage de Radouane Bouhlal, notamment l’ex-secrétaire générale du PTB (6) Nadine Rosa-Rosso, le professeur de l’UCL (7) Jean Bricmont, le cercle des étudiants arabo-européens de l’ULB (8) et surtout, Nordine Saïd - que le sénateur Destexhe accuse ouvertement d’être un militant de l’islam radical -, membre du mouvement politique Égalité (celui-ci compterait en son sein d’anciens militants du PTB de même que des partisans de l’islam radical), qui s’est présenté aux élections régionales bruxelloises du 7 juin 2009 (9) et qui a affirmé « comprendre » (10) les attentats commis en Israël, de même qu’aux États-Unis, le 11 septembre 2001, tout en refusant de les condamner. Il s’est, en outre, affiché avec l‘« humoriste » Dieudonné. Le 8 octobre 2009, le Conseil d’administration du MRAX avait demandé audit Nordine Saïdi de retirer de son blog des textes « glissant vers l’antisémitisme et le négationnisme ». Devant son refus, le conseil d’administration se vit dans l’obligation, le lundi 9 novembre, de l’exclure du bureau du MRAX.

Le vendredi 13 novembre, le personnel du MRAX organisait une nouvelle grève symbolique (une heure à partir de 11 heures), au moment de la visite de l’inspection de la Communauté française (11), afin de dénoncer les pressions exercées par le conseil d’administration du MRAX sur certains travailleurs et exprimer son désarroi à la suite du licenciement « pour faute grave » du directeur du MRAX, Didier de Laveleye, qui avait soutenu le précédent arrêt de travail du 23 octobre. Ce qui semble accréditer la thèse du personnel qui dénonce une « gestion abusive des ressources humaines ». L’ASBL (12) tiendra une assemblée générale le 1er décembre pour éventuellement décider de nouvelles actions.

Assimilant le MRAX à un « club d’autodéfense des musulmans », à un mouvement clairement communautariste donc, le sénateur Destexhe a tiré la très logique conclusion qu’il fallait mettre un terme – ou, à tout le moins, suspendre - à la subsidiation de cette association par les deniers publics. Sur ce, la ministre Fadila Laanan (13) a demandé à l’administration de la Communauté française d’enquêter sur les « dysfonctionnements » au sein de l’ASBL. Insuffisant, s’est écrié Alain Destexhe, qui se dit en outre « choqué » par la « minimisation » par la ministre de la nature du discours tenu par un dirigeant du MRAX. Propos « mensongers », a riposté Fadila Laanan, qui va aujourd’hui jusqu’à envisager des suites judiciaires.

Lui emboîtant le pas, Radouane Bouhlal a également indiqué qu’il avait chargé son avocat d’examiner « plus en profondeur » les propos du sénateur Destexhe et qu’une plainte serait « probablement » déposée au pénal, stigmatisant, je cite, « l’intégration du lexique de l’extrême-droite française dans le vocabulaire politique » et reconnaissant aussi au passage ne pas nier « que les citoyens belgo-belges, blancs, ou je ne sais comment les appeler » (on croit rêver…) puissent faire l’objet de racisme. Le MR (14), selon Radouane Bouhlal, serait en train de « régresser et de revenir aux pires années du libéralisme, celles de l’ère Gol (15) et ses lois contre les étrangers », les dirigeants de ce mouvement étant aujourd’hui dépassés, toujours selon le sieur Bouhlal, par des « nouveaux réactionnaires de droite ».

Pour notre part, nous saluons l’initiative de MM. Destexhe et Demelenne qui, par leur ouvrage, ont permis de jeter un pavé dans la mare d’un certain antiracisme autoproclamé. Elle aura également permis de soulever la question des subventions publiques accordées à une multitude de ligues, d’associations et de mouvements, motivées par une reconnaissance, non moins fâcheuse qu’officielle, de ces mouvements et groupes de pression comme étant d’ « utilité publique » et comme constituant autant d’« autorités morales incontestables ». Or, ces mouvements et groupes de pression doivent être pris pour ce qu’ils sont, à savoir des mouvements d’opinion privés, non mandatés par l’électeur et n’ayant, de ce fait, pas à bénéficier des subventions publiques dont ils usent pour imposer, notamment par voie judiciaire, leurs vues idéologiques et leur approche de la société.

Pourquoi le contribuable se voit-il aujourd’hui dans l’obligation de financer de ses deniers des organisations dont il ne partage pas forcément l’idéologie et qu’en tant qu’électeur il n’a, de surcroît, nullement mandaté ? En outre, en ces temps de crise économique, n’est-on pas supposé réduire drastiquement les dépenses publiques ? Une occasion à saisir.

Éric Timmermans, Bruxelles

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(1) Alain Destexhe, médecin de formation et ancien secrétaire général de MSF (1991-1995), est un homme politique libéral, de tendance laïque, membre du MR (Mouvement réformateur), un parti démocratique. Il a été élu sénateur, une première fois, en 1995 et a été réélu en 2003, pour le collège électoral francophone dans lequel il a réalisé l’un des meilleurs scores personnels. Pour en savoir plus sur Alain Destexhe, on peut consulter son blog.

(2) Lettre aux progressistes qui flirtent avec l’islam réac, Claude Demelenne et Alain Destexhe, Éditions du Cerisier, 8,5 euros, 124 pages.

(3) Ces termes désignent précisément un système d’ « assouplissement des règles » au profit « des communautés intéressées », dans ce cas, au profit de l’islam radical. Né au Québec, ce système serait, l’on s’en n’étonnera guère, en train d’y faire faillite.

(4) Le Centre démocrate humaniste (cdH) est l’ancien Parti social-chrétien (PSC). Le « c », symbole de l’identité originellement chrétienne du mouvement, fit longtemps débat dans cette dernière formation qui comptait jadis une mouvance de droite (Cepic), une mouvance centriste et une mouvance de gauche (démocratie chrétienne). Cette dernière a fini par l’emporter et a finalement métamorphosé l’ancien PSC en cdH, un parti de centre-gauche dirigé par Joëlle Milquet. Ajoutons que la Belgique constituant une « particratie », les partis politiques y jouent un rôle déterminant dans la constitution des gouvernements. Être président de parti c’est donc détenir un pouvoir essentiel.

(5) Lors des élections régionales bruxelloises du 7 juin 2009, Mahinur Özdemir, une femme politique bruxelloise d’origine turque, s’est présentée sur la liste du cdH. Le 23 juin, elle a été investie au Parlement régional bruxellois. Particularité : elle a prêté serment la tête voilée. En Turquie, par contre, cette tenue est interdite dans l’hémicycle du Parlement, les parlementaires s’étant présentées voilées ayant, par ailleurs, été expulsées dudit hémicycle. On appréciera le paradoxe. La manœuvre du cdH est donc évidente : après avoir supprimé le « c » du Parti social-chrétien et l’avoir mué en « parti humaniste », le cdH de Joëlle Milquet court à présent derrière l’électorat musulman de Bruxelles.

(6) Parti du travail de Belgique, extrême-gauche maoïste.

(7) Université catholique de Louvain.

(8) Université libre de Bruxelles.

(9) Le parti Égalité est l’un des nombreux micro-partis qui se sont présentés à l’électeur à l’occasion des élections régionales bruxelloises du 7 juin 2009. Dans le programme de ce parti multiculturaliste, on trouve notamment l’idée d’une carte « anti-discrimination » pour les jeunes à la recherche d’emploi, l’appel à l’avènement d’une société « jeunes admis », l’arrêt de la « spirale de la prison », la demande d’un enseignement « sans discrimination » et, last but not least, le jumelage de la région de Bruxelles-Capitale avec Gaza. Sans commentaire.

(10) « Je comprends les attentats suicides ou terroristes sans nécessairement les justifier. En tout cas, je m’interdis de condamner des faits sans parler des causes. Oui, je refuse de condamner des attentats terroristes ! Pour éviter ces attentats, il est nécessaire de dialoguer avec toutes les parties. Si on veut éviter les attentats, il faudra un moment accepter de discuter même avec Ben Laden », a ainsi déclaré Nordine Saïdi. ( www.7sur7.be , Belga/mb, 25/10/09, 16h12).

(11) On connaît l’anecdote selon laquelle, en son temps, François Mitterrand crut ou feignit de croire que le terme de « Communauté française de Belgique » désignait la communauté des Français vivant sur le territoire belge. En fait, la Communauté française de Belgique, que pour éviter la méprise susmentionnée, on désigne aussi parfois par les termes « Communauté Wallonie-Bruxelles », rassemble tous les citoyens belges de langue française vivant en région bruxelloise et en région wallonne, soit environ 4,2 millions de personnes. Elle ne comprend toutefois pas la minorité francophone de Flandre habitant, pour l’essentiel, dans la périphérie de Bruxelles.

(12) Association sans but lucratif. En France, on peut comparer l’ASBL de Belgique à la l’Association loi 1901.

(13) Fadila Laanan est ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances pour la Communauté française de Belgique. Le lecteur attentif aura noté qu’une autre personne, à savoir Joëlle Milquet, est en charge de la fameuse « égalité des chances ». Que le lecteur français ne s’étonne guère : la Belgique est un État fédéral constitué de trois régions (Bruxelles-Capitale, Flandre et Wallonie) et de trois communautés (Communauté française, Communauté flamande et Communauté germanophone). Ces sept niveaux de pouvoir (un fédéral, trois régionaux et trois communautaires) sont dotés d’administrations et de gouvernements (un seul pour la région et la communauté flamande qui ont fusionné). En matière d’ « égalité des chances », Fadila Laanan assume simplement, à l’échelle de la Communauté française, le rôle que Joëlle Milquet assume au niveau fédéral.

(14) Mouvement Réformateur. Formation politique de Belgique francophone actuellement dirigée par Didier Reynders et qui est née de l’association de trois formations politiques démocratiques : le PRL (Parti réformateur libéral), le FDF (Front démocratique francophone, parti bruxellois de défense des intérêts francophones ; il tente aujourd’hui de s’implanter en Wallonie) et le MCC (Mouvement des citoyens pour le changement, parti créé par l’ancien président du PSC, Gérard Deprez, et qui a su recruter, notamment, quelques déçus du cdH).

(15) Jean Gol (1942-1995) fut le premier président du Parti réformateur libéral (PRL) créé en 1979. Il le resta jusqu’en 1981, année durant laquelle Jean Gol accéda aux postes de ministre de la Justice et de vice-premier ministre. Les deux gouvernements Martens-Gol successifs développèrent notamment une politique d’assainissement des finances publiques. Deux lois portent le nom de Gol, l’une facilitant l’accès à la nationalité belge et la rendant automatique par filiation maternelle, l’autre autorisant, sous condition d’être votée par les deux tiers du conseil communal (municipal), certaines communes (municipalités) à refuser l’inscription de nouveaux étrangers sur son territoire. Jean Gol revint à la présidence du PRL en 1992 et fut, en 1993, avec Antoinette Spaak, à l’origine de la création d’une Fédération PRL-FDF. Victime d’une hémorragie cérébrale, Jean Gol s’éteignit le 17 septembre 1995, à l’âge de 53 ans.

Sources :

www.lalibre.be :

- Destexhe accuse le MRAX de « racisme anti-blanc » (Belga, 13/11/09).

- Nordine Saïdi exclu du Mrax (Belga, 13/11/09).

- Mrax : nouvel arrêt de travail et visite de l’inspection de la Communauté française (Belga, 13/11/09).

www.7sur7.be :

- « Lettre aux progressistes qui flirtent avec l’islam réac » (Belga, 20/10/09, 14h56).

- « Le MRAX est devenu la chose du président Bouhlal » (Belga/th, 22/10/09, 16h32).

- Destexhe réclame la fin des subsides du MRAX (Belga/mb, 25/10/09, 16h12).

- « J’accuse le président du MRAX de racisme » (Belga, 13/11/09, 12h14).

- Laanan menace Destexhe de suites judiciaires (Belga, 13/11.09, 16h36).

- Le MRAX s’apprête à déposer plainte contre Alain Destexhe (Belga/th, 13/11/09, 18h33).


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