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L'économie sociale, une réponse à la crise ? Michel Rocard, ancien Premier ministre, et Thierry Jeantet, directeur général d'Euresa.

Par Levidepoches

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Le cumul des crises alimentaire, sanitaire, climatique ou énergétique a précédé une crise financière sans précédent, produisant des effets récessifs pour l'économie et des conséquences sociales 
dramatiques. L'économie sociale rassemble, sur tous les continents, des entreprises et organisations fonctionnant sur des principes innovants et particulièrement pertinents dans le contexte actuel.

Il y a fort à parier que les correctifs apportés au système capitaliste dominant ne suffisent pas pour répondre aux attentes profondes d'humanisation de la mondialisation. Il convient donc de s'interroger sur les choix à opérer sur le mode d'organisation des activités économiques à travers le monde. Plus personne ne voudra désormais d'un système unique.

La mondialisation de demain devra être plurielle, bâtie sur d'autres socles permettant d'instaurer des modes de croissance partageables, donc soutenables par les citoyens et les entreprises, profitables à l'environnement, respectueux de la démocratie. Il va falloir emprunter des chemins nouveaux pour répondre à ces défis et ne pas céder à la tentation de s'enfermer dans le vieux dilemme binaire : capitalisme ou marxisme. Ni à l'écologisme trop centré sur les remèdes à apporter à la crise climatique.

C'est en prenant conscience de cette situation qu'il faut se tourner vers l'économie sociale. Elle rassemble, sur tous les continents, des entreprises et organisations fonctionnant sur des principes innovants et particulièrement pertinents dans le contexte actuel : la démocratie (et donc la participation des partenaires), la propriété durable (matérialisée par des fonds propres impartageables), la répartition juste des excédents, décidée très en amont entre les parties prenantes (salariés, usagers, etc...) et la solidarité.

Les coopératives, mutuelles, associations et fondations sont présentes dans l'ensemble des secteurs d'activités, du primaire (agriculture, pêche) au quaternaire (nouvelles technologies), en passant par l'industrie, la banque, l'assurance, les services à la personne, ou encore la santé. Elles occupent souvent des positions clés, dans les pays développés, émergents ou en développement : on dénombre, dans le monde, plus de 800 millions de membres de coopératives, environ 300 millions d'adhérents à des mutuelles de santé, près de 200 millions de sociétaires de mutuelles d'assurance.

Cette forme d'économie inscrite dans le marché, à dimension éthique et solidaire, sera d'autant plus performante qu'elle restera fidèle à elle-même, c'est-à-dire citoyenne et créative. Y compris en cherchant à inventer dès aujourd'hui des véhicules financiers spécifiques mais adaptés à l'internationalisation des échanges.

Pour se renforcer l'économie sociale doit sortir de son incroyable timidité et s'afficher pour faire connaître, au plus grand nombre, ses valeurs ajoutées pour les citoyens, les Etats, les collectivités territoriales, mais aussi les entreprises, privées ou publiques. Sa discrétion n'est plus de mise : en Europe, elle détient l'essentiel des parts de marché dans des secteurs d'activités majeurs : agriculture, services financiers ou santé. Dans le même temps, en Amérique du Sud ou en Afrique (par exemple), des gouvernements se tournent vers les solutions qu'elle porte.

Comment peut-elle jouer un rôle plus déterminant et changer d'échelle pour mettre l'humain au cœur des projets, ce à quoi elle s'attache philosophiquement et statutairement ? L'économie sociale doit imprimer sa vision plurielle de la croissance au service d'objectifs sociaux, civiques, environnementaux, économiques ou financiers pour prouver qu'elle n'est pas condamnée à n'être qu'une forme d'entreprise différente. Elle seule peut insuffler une culture démocratique de l'économie par un projet d'extension du champ d'action des coopératives, mutuelles, associations ou fondations (et entreprises ou organisations assimilables).

Elle seule peut créer des pôles de stabilité pour assumer la continuité et l'innovation économique et sociale dans une période de réduction du rôle des Etats et de volatilité des entreprises actionnariales, en s'appuyant sur son système durable de propriété collective choisie qui repose sur un noyau dur de fonds propres indivisibles. Celui-ci, notamment via la notion de libre partage des produits ou services créés (logiciels libres, par exemple) impliquera une approche originale des questions de productivité et de propriété.

L'économie sociale doit faire partager son expérience et sa vision de l'ensemble des échanges pour contribuer à la nécessaire régulation des marchés, selon ses principes et critères, en donnant toute leur place aux échanges non commerciaux et non monétarisables. Elle doit aussi valoriser et mieux appliquer ses ambitions : favoriser de plus justes partages des richesses grâce à la juxtaposition d'une gouvernance démocratique et d'un système de propriété durable ; établir de nouvelles relations d'équité entre les acteurs y compris dans les sphères marchandes ; susciter de nouvelles relations de coopération entre les Etats, du sud au nord.

Pour passer du laisser-faire au faire ensemble, de la mondialisation subie à la mondialisation civilisée, il est urgent de faire comprendre l'économie sociale et de l'inscrire au cœur des solutions. Aux politiques, aux syndicalistes et aux entrepreneurs d'en faire, dès maintenant, leur partenaire.

Michel Rocard, ancien Premier ministre, et Thierry Jeantet, directeur général d'Euresa

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