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Manoeuvrette

Publié le 06 janvier 2010 par Malesherbes

J’avais entendu, à propos de la censure par le Conseil constitutionnel de la loi instituant la taxe carbone, cette dénonciation infamante : « le Conseil constitutionnel a pris une décision politique » mais je ne suis pas parvenu à la situer. Je me proposais de réagir sur ce mot honteux de politique. Chacun sait, sauf ceux qui, timides ou menteurs, se déclarent apolitiques, que ce mot a été construit sur la racine de polis, la cité dans la Grèce antique, pays qui a imaginé la démocratie, en un temps où la cité avait toutes les caractéristiques d’une nation. La politique est ce qui concerne la collectivité, par opposition aux affaires privées. Dire, comme le font certains, « moi, je ne fais pas de politique », me semble parfaitement imbécile : dès que l’on se prononce sur un thème qui concerne un ensemble de citoyens, on fait de la politique.

Il est vrai que, parfois, on veuille désigner ainsi toutes ces luttes destinées à s’assurer ou conserver un certain pouvoir. Les détenteurs de ce pouvoir assurent n’avoir en vue que le bien de leurs administrés et font le sacrifice de leur personne à la cause commune, exerçant une noble mission politique. Ils n’ont que mépris pour leurs adversaires qui, eux, se perdent en de stériles batailles politiciennes.

Yves Jégo, député UMP de Seine-et-Marne, vient de nous fournir un incroyable exemple de ce genre d’attitude. Il a récemment déclaré : «l'annulation de la taxe carbone à la demande du parti socialiste est une mauvaise nouvelle pour l'environnement […] Cette manoeuvrette d'un parti socialiste à la recherche d'un coup politique à court terme le disqualifie durablement en matière environnementale ».

Comment donc un ministre de la République peut-il tenir pareil propos et demeurer ministre ? Notre vie politique est régie par une Constitution, aux termes de laquelle certains peuvent saisir un Conseil constitutionnel pour obtenir son avis sur la conformité d’une loi donnée avec cette Constitution. Exercer ce droit n’est donc, ni une manœuvre, ni une manœuvrette, néologisme bien imprudent quand on constate les conséquences de cette décision. Selon M. Jégo, les socialistes ont demandé au Conseil de rejeter cette loi. Pour sa gouverne, ce ne sont pas les socialistes, mais plutôt des socialistes, en l’occurrence des parlementaires socialistes, élus par le peuple, qui ont tout autant le droit de s’exprimer que le piètre sieur Jégo. En dehors de MM. Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing, membres de droit du Conseil, ses neuf autres membres ont, à l’exception de Pierre Joxe, choisi en 2001 par Raymond Forni, été nommés par diverses personnalités de droite. Il faut donc un culot sans égal pour accuser le Conseil constitutionnel d’être tellement inféodé à l’opposition qu’il ne peut qu’exécuter aveuglément ses ordres.

Ces factieux se croient si fermement propriétaires du pays qu’ils se permettent d’insulter, non seulement leurs adversaires, mais des gens de leur bord. Malheur à eux s’ils osent encore profaner le nom de République !


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