Voici un sujet qui m'a été suggéré à l'insu de son plein gré par mon honorable correspondant bruxellois Stéphane De Becker, spécialiste en Orval, zwanze et Pléiade. Il m'apprend que la Libre a repris un texte de Libé. Je ne remue pas plus un sourcil que cela, mais je me penche sur l'article et je découvre alors ceci :
Des bières trappistes, la Belgique en a pourtant à revendre. On connaît la Chimay à étiquette bleue, blanche ou rouge ou l’Orval ou les Rochefort 6, 8 ou 12 que l’on trouve dans les bons supermarchés. Seules six abbayes belges et hollandaises ont autorité dans la fabrication de ces élixirs.
Hop là ! comme dirait Papa Talon. Mon sang belgophile (on est Belges jusqu'aux bords de la Seine et jusqu'au Rhin, César dixit) ne fait qu'un bond. Comment ? Six abbayes trappistes belges dont au moins une néerlandaise ? Je compte. Westmalle, Westvleteren, Achel (côté flamand), Chimay, Orval, Rochefort (côté wallon), cela fait bien six. Toutes en Belgique. Où est le problème ?
Il est du côté de l'abbaye trappiste située dans le Brabant néerlandais. La marque La Trappe de l'abbaye d'Onze-Lieve-Vrouw van Koningshoeve qui a été longtemps le sujet de disputes judiciaires. Elle peut se targuer à nouveau d'être une authentique bière trappiste, mais les autres moines trappistes en Belgique ne parlent que des six abbayes, toutes belges. La septième est le canard boîteux de la bande. Donc, oui les bières trappistes se font aussi aux Pays-Bas, mais non il n'y a que six abbayes trappistes pour faire de la bière. Ces Belges me semblent un peu Normands sur les bords.
Ben voyons ! Il faut pouvoir à la fois se garantir d'une origine plus flamande (on avance le fait qu'il y aurait une trappiste néerlandaise), puis on se réfugie dans sa belgitude (il n'y a que six abbayes trappistes, toutes belges), et bizarrement les noms des trois bières que l'on retrouve dans tous les supermarchés sont seulement les noms des trois bières issues d'abbayes wallonnes et pas ceux d'abbayes flamandes. Comme s'il y avait un discours flamingant derrière. Or ce discours ne dit pas ce qu'est la fameuse septième bière trappiste : une production industrielle qui a le droit d'étiqueter authentiquement trappiste sur ses bouteilles, mais qui n'est pas reconnue comme telle par les autres trappistes qui ne se comptent que par six. Et le brave grand reporter de Libé avale tout cela parce qu'il est venu sur les lieux de la meilleure bière du monde. Mais pas du meilleur baratin publicitaire à connotation ethnique.