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VI, 2. Je suis beau, tu es belle

Publié le 26 décembre 2009 par Sansmoraline
« Je suis beau, tu es belle »; deux fois. Narcisse se mire et le reflet jure… Les limites du corps se distende sur l‘onde. Vite un autre cachet ! Rouge, bleu, de toutes les formes… Non, plutôt les grosses et blanches. Celles qui régulent le temps; court et long rassemblés dans la norme. Ranger l’armoire, faire son lit. Tenir propre. Sembler, et surtout paraître. Le blues fait claquer les doigts. Dois changer d‘humeur. Un, deux pas; carreaux, paire et passe… Rien dire de stupide. Je vais bien, tout va bien; sourire, mât. « Om mani padmé hûm » en huit inversé. Une nuit en simulacre. Ainsi soit la vie…
J’ai toujours pris soin de moi. L’apparence physique est primordiale. Le culte a existé dans toutes les époques, des body builders sur les plages de Miami, en passant par les divines proportions Grecque. Le corps est un objet pour arriver à ses fins. Une étude très sérieuse du CNRS a démontré qu’un individu atteint plus facilement des fonctions élevés dans l’entreprise s’il est de physique harmonieux, grand et mince; nonobstant un manque de qualifications… A bien y réfléchir, cela tombe sous le sens aux regards des fonctions de représentations pour une marque déposé.
Avant qu’un médicament soit commercialisé, il doit passer des tests en trois phases, jusqu’à l’AMM ( Autorisation de Mise sur le Marché ). Le bénéfice doit être supérieur aux risques… Sur les notices, il y a une longue liste d’effets indésirables susceptibles d’apparaître. J’ai pu expérimenter l’un des plus surprenants lorsque j’étais avec une fille du nom de Nadia, une pile alcaline maigre comme mon petit doigt. Sa mère et sa sœur avaient comme elle une maladie désignée : psychose maniacodépressive. En ce temps là, elle préparait une thèse en neuropsychiatrie, utilisant sciemment l’effet « High » de sa pathologie pour abattre un travail conséquent… Toujours est-il qu’elle se résigna à suivre son traitement sous Depakote pour lisser ses troubles bipolaire; et qu’un jour, alors que nous faisions l’amour, l’envie me prit de lui sucer les seins… Je crus retourner en enfance quand du lait perla de ses tétons ! Le goût ne ressemblait pas du tout à une brique UHT.
L’histoire ne dura pas, la normo-thymie n’était pas ma tasse de thé.
L’assistante sociale de l’hôpital m’a finalement trouvé un appartement dans une ZUP. Je jouais le jeu de la réhabilitation. Le psychiatre m’a dit que j’étais mûre pour une « sortie d’essaie » sous contrainte. J’allais devoir survivre dehors avec cinquante euros par semaine, mon tuteur était un bâtard…
J’appris lors de mon enfermement au 15a, la disparition de mes parents. Je savais que mon père était fragilisé depuis longtemps par son travail harassant de chef cuisinier. Il portait depuis longtemps un masque à oxygène la nuit, car ses apnées du sommeil étouffait son cerveau. Finalement, ce sont ses plaques d‘athéromes qui l‘emportèrent. Je lui avait bien dit de se méfier du mauvais cholestérol… Ma mère le rejoignit de tristesse. Ils avaient réussit à conserver leur couple jusqu’à la fin… Quant à mon petit-frère ingénieur, il était au Gabon, construisant des trucs pour le compte de Bouygues. Il ne souhaitait plus me voir, et de toute manière l’on ne se connaissait pas… Grand bien lui fasse.
J’étais ainsi nu comme un vers, riche des enseignements d’une vie de trentenaire pour seuls bagages. Le but n’est en rien comparable au voyage… Par où étaient donc sortis toutes les personnes rencontré ? Elles n’existaient plus que dans ma mémoire… J’aimerais tant de nouveau serrer contre moi un corps chaud et réel. Et comment c’était déjà ?
L’énergie cinétique de mon passé me hantait. De mon placenta sortait les cadavres démembrés de mes orgies sans conscience. Ils me répétaient à l’envie, qu’il était trop tard pour freiner, mais je n’avait plus faim…
Dans le lieu où je vivais à présent, tout était petit, même le lit. Allongé sur mes draps j’observais d’un œil dissocié le corps. Puzzle difforme de pièces rapportées. La transformation physique était complète. Des côtes de mon esprit j’étais devenu l’archétype de l’humanité. Une hydre pluricellulaire à l’onanisme dérangé, l’œuvre d’une vie enfin révélé.
Pour contenter le grand dragon j’ai brulé les derniers tomes de mon existence. Sur les berges du fleuve entre le périphérique autoroutier et la cité, j’ai vendu mon cul pour une dose d’héroïne. Les pieds dans l’eau, mon fix dans les veines, les blocs de béton au loin s’allumaient. Dans chaque case une famille préparait le dîné…

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