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V, 2. En fractale, je pouvais me dissoudre

Publié le 26 décembre 2009 par Sansmoraline

La danse a toujours été pour moi le meilleur moyen d‘extériorisation. Amener la musique dans son corps en y dirigeant chaque vibrations est d’une volupté sans égale. Je comprends fort bien les derviches tourneurs…
Aux sonorités de la musique techno, je convulsais, communiais, et mettais en résonnance chaque atomes. L’impression de faire partie de quelque chose de plus grand que soi, libère dans une forme de jouissance cathartique. En fractale, je pouvais me dissoudre dans le creux des battements d’un organisme, plus grand que la somme des parties…
Il ne faudrait jamais s’arrêter de danser au risque d’y perdre le rythme. Alors elle rentrait dans ma ronde. Nous étions dans le centre. Le D.J. disséminait ses « bits », le totem vibrait. Elle ondulait autour de moi, en phase… Concentrique, les lignes courbes de centaines de bras anonymes saisissaient le vide. Elle me souriait.
Sur les promontoires, des centaines de filles cherchaient leurs pitances. Les clients achetaient leurs consommations en gros, sur des bum-bum tachycarde électro. Les bouteilles trônaient sur les tables. Les serveuses standardisées en chemises blanches et cravates noires slalomaient entre les demandes. « I want a bottttle, not a glassss ! » essayait de se faire comprendre l’un de mes « amis » frenchy. La plus part des habitués du « Club66 » s‘était donnés rendez-vous dans l’endroit de perdition le plus couru du moment. Laurent avait fermé plutôt. Ce tenant à une table d’à côté, il discutait avec un type de ma connaissance. Il s’appelait José et travaillait dans la plasturgie, son entreprise l’ayant mit en chômage, il grillait ses Assedic ici... « Hé Siegfried ! Comment va la vie ? », dit-il, me reconnaissant.
« Elle se maintien, merci ».
- Ont t-a vu danser avec cette bombe atomique ! T’as vraiment du style !
« Je vois que tu es aussi en bonne compagnie ». Une poupée Thai siliconée tanguait à son bras…
- Ouais, elle est ici en vacances, tu le crois ? En fait elle vient d’Allemagne. Je ne comprends pas grand-chose à ce qu’elle me raconte. Tu parles teuton ?
Laurent coupa, mâchoires fermées « Tu ne devrais pas rester avec Katsumi, je regrette de te l’avoir présenté. C‘est une véritable harpie… »
- Au contraire, nous sommes très bien assorti. Dis-je, en me servant une rasade de leur vodka. « J’ai du mal, lorsque l’on me dicte mes choix… On dirait ma mère… Relax, je gère ! ».
« D’ailleurs où est-elle passée ? »
- Elle va revenir avec un « cadeaux ». Ai-je relevé, les sourcils en V…
« Ich möchte a dick » hoquetait la Berlinoise.
José nous regarda étonné, puis lui envoya deux « Ferme ta gueule ! ferme ta gueule ! », bien senti. « Vous voyez ? Elle capte rien ! », il rigolait…
La musique augmentait de volume, les corps gesticulaient en cadences accélérées.
« Je vais lui remonter les cheveux aux chiottes. J’reviens ! ». Hurla-t-il, en disparaissant derrière deux jeunes suédois qui se « seringuaient » avec du bailaise.
- Plus elles sont vieilles et vulgaires, plus il trip celui-là… La boisson demandait d’allumer une cigarette pour atténuer la brulure de l’alcool.
- Quel est-ton fantasme Laurent ?
« Je les ai tous assouvis » me répondit-il en claquant sa langue sur son palais.
- Arrête ! Tu veux me dire que tu as déjà baisé avec des lady-boy ?
« Moi, j’aime quand sa dure longtemps. Et plus c’est fort, mieux c’est. Je ramone dure. Il me faut beaucoup de temps pour jouir. Quelle femme peut tenir la route avec autant d’endurance ? »
- C’est vrai que certains sont tellement bien façonnés par le scalpel, qu’ils peuvent être désirables... Avec un effort d’imagination !
« Oui, mais attention, ca sue comme un mec, ca sent le mec… »
- Tu l’as fait plusieurs fois ?
Il opina de la tête « Que veux-tu que je te dise ! J’aime défoncer des culs. Peut-être qu’en même temps… je me faisais du mal…
L’on se rapprochait dans notre histoire, lui aussi voulait fouler du pieds son autre vie. Celle d’un homme bien sous tous rapports. Il détruisait tous les concepts romanesque du prince charmant, pour revenir à l‘état de nature. La bête gagnait et ravageait jusqu’à l’estime de soi…
« This is just a question of time », crus-je entendre dire derrière moi. Katsumi me faisait face, elle était accompagnée de deux charmantes créatures. Les avançant vers moi, elle me dit : « Tient ! voici tes cadeaux. Le patron nous les prête, je suis actionnaire de la boîte… Rassure toi, elles sont saines, il les contrôle mensuellement… »
Quelque chose avait dû m’échapper, et je lui fit remarquer que j’étais avec elle, et personne d’autre…
« Tu as l’instinct de propriété mon cher ? Crois-tu me posséder ? », siffla-t-elle.
- Et je suis censé en faire quoi ?
Laurent, dans l’oreille, me glissa que je l’avais bien trouvé… Trouvé quoi ? Je pouvais me voir dans ses yeux vitreux…
« Montre moi combien tu m’adores ! »
Dans le lit à baldaquin de sa propriété, deux nymphes dansaient pour moi au son de « personal Jésus ». Katsumi m’encourageait dans chaque geste d’intimité, alors qu’elle se faisait mouiller à distance sur son sofa. Ma virilité à l’épreuve du feu était aidé par la ligne de coke que nous avions snifé dans sa limousine. Je bandais comme lors de mes poussés de puberté…
Dans un état second, entre les jambes de l’une d’elle, je me remémorais l’instant d’extase où en Marie je me fondis. Je crus connaître le moment exacte de la fécondation… Chaude et humide, haletante, elle me tenait fort en elle. Les peaux comme une seule enveloppe. Sur mes cuisses, le liquide brulant de la passion…
L’odeur de miel des deux corps, me donnais une véritable appétence. La lumière orangée des candélabres dansaient en harmonie avec les gestes de Katsumi, qui s’était mise à onduler devant la représentation d’une scène du Râmâyana. Immense et fantasmagorique, le chef d’œuvre s’animait… J‘exultais, mon Univers était en expansion, sans fin. Un état que l’on aurait voulu reproductible, et qui comble du désespoir se résorba… Mon édifice mentale s’effondrait à nouveau, en airant de mémoire en mémoire, dépossédant de la jouissance de l‘instant. Le poids de la fille insistait contre moi, c‘est-ce qui me rappela à la fange terrestre comme une pesanteur… J’eus à nouveau l’effrois de n’être qu’une coquille vide, concept morbide qui prenait prise dans des occasions particulières de « petite mort ». Paradoxalement, ce qui me donnait du plaisir contribuait également à me déconstruire. Je voulu redonner rapidement des bornes définit à mon contenant, sinon je pouvais me perdre à jamais dans l‘indifférencié…
La chaire allait être mon salut. Alors comme un boulimique insatiable, je me remplit le ventre pour combler l‘anxiété. A pleine dents, je mordis la gorge chaude tendu là, à ma disposition. Déchiquetant et rompant les carotides de ma bête sacrificiel. Le sang jaillissait, à nouveau je redessinais mes traits… Au même moment, Katsumi rattrapa sa cavalière et lui brisa le cou, stoppant net ses velléités hérétiques de schisme. Les personnages Védique ne bougeaient plus, ils regardaient un autre mythe fondateur ce créer… Yeux révulsés, ma partenaire esquissait un sourire désarticulé. Je l’embrassa goulument et Katsumi, déjà ouverte au plaisir, me rejoignit au banquet. Nous nous sommes ainsi restaurés des cadavres dont je ne pu me rappeler les noms, mais quelle importance, puisque nous les avions assimilé bouchée après bouchée ?
« No money, no honey… My sweet love Siegfried, sert moi dans tes bras ! », me dit-elle carnassière. Couchés et enlacés, dans le reflet d’une glace fixé au-dessus de la couche, je me représentais le caducée… « mieux vaut cru que cuit, Katsumi… », ai-je répondu comme conseil gastronomique.

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