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Effacement spéculaire dans la civilisation

Publié le 05 janvier 2010 par Tanjaawi

Être un marginal assumé, c’est avoir l’instinct de conservation de la denrée rarissime d’humanité dans un monde phagocytant et assimilateur qui refuse les hommes et n’admet que les choses animées organiques…

Les choix de société sont le miroir des peuples faisant l’histoire par action ou par omission derrière leurs dirigeants. Dans un monde où l’action est menée selon les establishments par les politiciens élus du peuple qu’ils utilisent pour se faire une légitimité formelle quoique factice dans les faits, la seule image dudit peuple au miroir de la politique, cette histoire en train de se faire, est celle du misérable instrument sans âme ni humanité que quelques-uns utilisent avec mépris.

En revoyant les horreurs de l’histoire contemporaine, cette suite de saletés politiques qui caractérisent notre temps par les choix de société de nos « élites », je ne peux qu’inventer un nouveau concept : L’effondrement spéculaire. Nous savons que pour l’homme, l’image de soi se construit au long de l’action et des valeurs qu’il y attache. Nous sommes à l’heure de l’illusion régnante, et les peuples, dans leur songe, appuient l’imposture de la fiction démocratique sans se soucier de combattre leurs cossus bourreaux maîtres de l’ordre économique et social. La politique est l’argument et l’arme des vrais patrons du monde pour régner en laissant croire à monsieur tout le monde qu’il a quelque chose à dire par le vote cyclique et à travers les décisions d’un État totalement inféodé aux intérêts des puissants riches. La politique est l’effondrement de notre image spéculaire de société, où, au lieu du reflet des nations, se profile, au miroir des actes politiques des larbins politiciens de la ploutocratie, le spectre diabolique des vrais décideurs et le néant criant des peuples qu’ils utilisent et qui les laissent faire.

La société des psychopathes et des criminels

En vérité, dans la société d’aujourd’hui, les individus sont tous astreints à un équilibre de funambule sur la corde raide « du normal idéologique » où le moindre faux pas le précipite dans les deux grands abîmes de la Modernité : la maladie mentale ou le crime... Et la belle société civilisée et ultramoderne, dans ses roulis et tangages à naufrages divers pour les individus, fait osciller tous entre ses vraies et suprêmes effigies que sont l’hôpital et la prison.

En effet, Prison et Hôpital, Crime et Maladie, voilà le double revers sans avers de la médaille de Répression qu’est la rection sociale de chacun par les lois garantissant l’ordre pathologique d’injustice et de rationalité exterminatrice des quelques riches maîtres des vies et des biens.

Claustration et répression sont les seules faces de la civilisation post-humaine de l’automation où nous vivons. Que faut-il pour devenir criminel dans nos sociétés de maladie et de procédure ? Crise et exagération, les recommandations sur la santé elle-même pue le déséquilibre existentiel de la société. Et, franchement, En lisant toute la panoplie de choses qui tuent et qu’il faille éviter pour vivre en "santé", je me demande quel peut être la qualité de la vie d’un homme qui obtempérerait à toutes les bonnes recommandations ? Il ne lui resterait qu’à ruminer un peu de feuilles crues et des fruits qu’il peut trouver, à boire de l’eau fraîche et du lait avec modération... Bref, pas plus que ce que le veau nouveau-né peut se permettre sur l’herbe ! « Vivre tue » comme ironisait un acteur ! Je dirai pour ma part : évitons de vivre pour être en santé !

Et si toute cette exagération sur nos fragilités était pour éviter d’accuser l’État du mal qui nous gouverne au nom de la société du mensonge et de l’horreur. Car qui rend fragile notre psychisme ? Qui rend le peuple somatiquement dépendant par la médicalisation excessive ? Qui bombarde le psychisme de médicaments, d’anxiolytiques à rendre dépressifs quasiment tous ? Qui entretient la pire des tares responsables de la maladie mentale, à savoir l’extraversion totale des individus ne vivant que pour la consommation avec ses exigences de travail surmenant, de complexe d’infériorité des uns par rapport aux autres et de performance neurasthénisante ? Qui, reproduit le corps comme objet au point de provoquer la dysmorphobie pour vendre des médicaments amincissants et des produits de beauté ? Qui inocule des poisons en guise de vaccins ? Qui fait ingurgiter des tonnes de pesticides et de monoxydes de carbone en transformant les peuples en réceptacles vivants de déchets toxiques ???

Au-delà du ridicule assommant et bêtement alarmiste, la figure de la société des médias avec leurs spécialistes, semble davantage destinée à entretenir la peur, l’angoisse et la dépression chez l’individu de peur que celui-ci se mette à interroger par lui-même son milieu social et à communiquer ses réflexions libres non préfabriquées par le système avec ses semblables. Et l’ordre du marché et le monde auquel il préside, ont désormais la tronche livide et amorphe de leur crise multiple, un cruel effacement spéculaire où la bête vorace de l’hégémonie ne connaît plus que l’accumulation et la violence meurtrière avec toutes les formes de misères imposées, quand ce n’est la pulsion criminelle des guerres d’intervention en image déshumanisante de la civilisation.

Quand on ne peut plus vivre de valeurs dignes, on se mêle de faire peser la terreur dans la logique macabre du plus fort. La valeur, cette face de l’humanité, une fois perdue, la société contemporaine n’est plus qu’un jeu d’horreur et d’élimination souriante de l’homme. Et, quand les chacals ploutocrates se complaisent dans leur miasme, leur halitose idéologique et existentielle justifiant leurs pires saletés, la civilisation se retrouvant sans image, effacée à force d’impostures contraires à la nature humaine, se crée des postiches imbéciles dans la performance au nom de la consommation qui aliène les hommes et la société tout en détruisant littéralement la planète et l’environnement !

Comme je l’ai écrit ailleurs, le narcissisme, quoiqu’excentrique et haïssable, garde encore, à l’instar de la fleur Narcisse, la floraison de l’homme par l’auto-contemplation, mais la crise actuelle est celle d’un monde qui ment à tous et se ment à lui-même, incapable de trouver en lui-même, dans sa salissure, aucune image des splendeurs de la vocation humaine.

J’ai souvent considéré l’incapacité de Satan à être absolu dans le mal qu’il chérit tant et dont il est l’instigateur suprême. Dans l’apocalypse, le six cent soixante six (666), marque de la Bête, nous évoque un être fatalement plongé dans l’incomplétude de son pouvoir d’abomination. Le trois fois six 3x6 qui n’atteint point le sept (7) de la perfection, est à raison considéré par certains théologiens comme l’échec du Diable dans sa quête maladive de perfection dans le Mal. Car la perfection dans le Mal conférerait au Mauvais le pouvoir divin où Dieu abandonnerait l’humanité à elle-même et où l’humanité serait soumise contre son gré.

Or, s’il est quelque chose de suprême après Dieu dans le monde, heureusement, c’est la volonté. De sorte que nul n’est esclave ou serf s’il ne collabore consciemment ou inconsciemment avec son bourreau à son propre asservissement. Ce que j’appelle entraliénation vu que l’aliénation à sens unique n’existe pas. Car l’aliénation vient du corrupteur esclavagiste et du corrompu esclavagisé, acceptant l’emprise maléfique du corrupteur jusqu’à s’identifier à lui et à vouloir le servir. Alors que le monde prône la hiérarchisation essentialiste par les préjugés sociaux, où des descendants de grands criminels jouissent de la gloire sale du social par le droit de succession et de propriété, c’est aux hommes encore restés humains, de juger - comme le dit le Christ, le Sauveur - selon la justice.

À changer de masques pour ne pas changer de visage, la société du mensonge de l’économisme et du financiarisme d’aujourd’hui n’est plus qu’un minotaure idéologique déshumanisant, un monstre dénaturant de tout, où l’humanité, errant sans les valeurs et idéals où elle se reconnaissait projet d’ascension, est mise à quia et s’éteint loin d’elle-même, loin de sa vérité…

Et la soumission jusqu’à l’idolâtrie facilite la réification

Pour revenir à l’exergue de ce texte, je dis que la page, c’est-à-dire le système social, est vilaine et inhumaine, l’image même de l’effacement. La marge, quant à elle, offre l’avantage de refuser les singeries d’une pseudo intégration au moment même où, tel un organisme phagocytant, la société du mensonge et de l’économisme - société de l’obsession de l’argent pour l’argent - dans son métabolisme diabolique, digère et assimile imparablement tous ceux qui croient bêtement s’y intégrer. Le marginal, ce révolté du refus assumé, en vérité, reste le seul distancié assumé dans sa distance vis-à-vis du monde, et qui provoque la relativisation du système mangeur d’homme, qui sans lui, eût été absolu sur terre. Le marginal, en attendant l’évolution probable des consciences (si jamais cette évolution a lieu) au niveau de la liberté, est l’esprit indigeste et non assimilable qui met l’ordre des monstres en face de ses limites et de son impossible catholicité ou absoluité.

Jadis, le livre de Daniel nous le dit, des hommes, spirituels, âmes d’élite, refusaient d’adorer la statue hétéroclite de Nabuchodonosor. Aujourd’hui, comme des choses de rien, presque tous se prostituent l’esprit et le corps en se donnant aux faux dieux systémiques. L’idolâtrie ravage et déshumanise la race humaine. Seuls quelques rejetés pour non assimilation évoquent encore la nature humaine et sa dignité refusante en cette nécropole de squelette poudreux, rappellent la lointaine splendeur de l’homme-image-de-Dieu. Souverain indomptable contre les servitudes de la Bête systémique.

Et au cœur de ce règne immonde de behaviorisme social, dans cette nécropole gouvernée par les stercoraires de l’économie, cette déchetterie à ciel ouvert qu’est la terre sous l’impulsion de quelques rois scélérats de la finance et du grand commerce, la liberté par la force et sans loi - celle du gigantisme d’Héraclès brisant les chaînes de Prométhée condamné par ses propres mésusages du feu de la pensée-action constituant le pouvoir inhérent à la nature humaine - donne l’illusion de grandeur à ceux dont la seule expression est celle d’un Prométhée déchu dont le feu ne fait qu’incinérer les valeurs où encore on pouvait reconnaître l’Humanité.

Si l’organisation sociale, étatico-nationale et internationale, avec son mode de vie, est essence même de la culture - cette assumation bonne ou mauvaise de notre nature, ce miroir de notre essence, notre humanité - je dis que notre miroir se brise par nos civilisations « iconocides » parce que tuant nos reflets pour ne laisser, dans les tessons de la glace émiettée de notre vocation immanente et transcendante d’Humanité, que la trace livide du vide, l’engramme desséchant de l’effacement…

Camille Loty Malebranche / 5 janvier 2010 / Altermonde-levillage


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