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140ème semaine: les voeux répétitif d'un Sarkozy sans idée

Publié le 09 janvier 2010 par Juan
140ème semaine: les voeux répétitif d'un Sarkozy sans idée
Philippe Séguin s'est dramatiquement introduit dans l'agenda bien rôdé du président français. Jeudi matin, vers 8h, la nouvelle de son décès dans la nuit a bousculé tous les agendas. Sarkozy y est allé de son hommage. Le bal des hypocrites pouvait commencer.
Séguin, icône tardive
Jeudi, les quelques mots de Nicolas Sarkozy au sujet du décès du président de la Cour des Comptes furent troublants : "Philippe Séguin avait ses défauts, ses faiblesses, ses emportements. Mais rien, absolument rien de ce qu'il disait, rien de ce qu'il entreprenait n'était médiocre." Sarkozy use et abuse des formules négatives dans ses discours. Philippe Séguin n'avait pas la critique médiocre quand il dénonça les dérapages des frais de l'Elysée, les sondages manipulés, le coût exhorbitant des débordements monarchiques de la présidence française de l'union européenne. Seul François Fillon s'est affiché sincère, larmes aux yeux, droit devant son pupitre, pour louer son ancien mentor. Séguin, été trahi par tous, fut adulé par tous, souvent les mêmes, ce jeudi 7 janvier 2010.
Nicolas Sarkozy a entamé sa tournée des vœux « aux forces vives » de la Nation : acteurs économiques (mardi), culture (jeudi), armée (vendredi). Petit loupé symbolique, ses premiers vœux de la semaine furent … pour l’UMP, dès lundi. L’an dernier, sa tournée s’était mal passée. Des contestataires l’attendaient dans les rues, comme à Saint Lô ; le président français était paru agacé et nerveux. Pourtant, à l’époque, il distribuait à chaque discours quelques dizaines de millions d’euros du plan de relance voté dans les derniers jours de 2008. Cette fois-ci, la mise en scène a changé. Sarkozy est filmé systématiquement seul, sur un fond parfois adapté aux « couleurs » de l’assistance, comme cette ridicule teinture verte imprimée aux couleurs camouflage pour les vœux aux forces armées.
Sarkozy parle nation
A chaque fois, le discours est archi-rôdé. Sarkozy verse dans l’autosatisfaction de son action passée, et enfonce des portes ouvertes. Lionel Jospin, de retour pour un livre et un documentaire sur son parcours, appelle cela de la « désinvolture ». Sarkozy appelle à davantage de régulation financière et monétaire (contre l’euro fort notamment) ; s’insurge contre le piratage des œuvres, appelle à la lutte contre le réchauffement climatique. Aucune proposition novatrice, aucune vision stratégique, aucun charisme. Le Monarque semble usé et se réfugie dans la répétition de ses propres maximes. Tout au plus a-t-il rebondi sur le débat sur l’identité nationale. En novembre dernier, Eric Besson l’avait volontairement placé sur deux thèmes, l’un trivial (« être Français »), l’autre explosif («  apport de l’immigration à l’identité nationale »). Le questionnaire qu’il avait ensuite adressé aux préfets et sous-préfets comportait de larges interrogations douteuses sur la place à réserver à l’immigration. Depuis, le débat a dérapé, le Front National s’en réjouit, la droite s’en inquiète. Depuis 15 jours, Sarkozy et Besson recadrent. Ils parlent « Nation » (un concept plus politiquement correct) qu’identité française à tendance agricole et catholique ; Besson loue l’Islam de France, pour oublier la polémique sur les minarets et la Burqa. Le ministre se déplace en banlieue à l’improviste – pour éviter la contestation. Lundi, il versait lui aussi dans l'autosatisfaction, en dressant un bilan, enquête TNS Sofres à l'appui, de deux mois de débat: «un immense succès populaire». 50 000 contributions sur 63 millions de Français, de vraies révélations comme «La langue française, c'est important»... Incroyable !  A la dernière minute, il prend le prétexte d’un agenda trop chargé pour éviter d’assister à un débat sur l’identité nationale à Liévain dans le Pas-de-Calais, où Marine Le Pen s’était annoncée. Courageux Besson ! Et quand on lui demande ses résultats, il prend bien soin d’encadrer le chiffre des expusés (29 000 en 2009, soit 2 000 de plus que demandé par Sarkozy), par les nombres de naturalisations et de visas (respectivement 108 000 et 175 000 personnes). Quelqu'un pourrait-il lui rappeler le coût de chaque expulsion ? 27 000 euros par éloignement ! Qui dit mieux ?
Ces jours-ci, la réforme de la carte judiciaire, conduite au forceps par Rachida Dati, entre aussi en vigueur. Un quart des tribunaux d'instance sont rayés de la carte. Pour nombre de Français, il faudra désormais parcourir des kilomètres pour trouver un relais judiciaire. La justice de proximité est une idée enterrée par Nicolas Sarkozy. Autre réforme, la carte militaire. Devant les militaires, jeudi, Sarkozy a dû réaffirmer le bien-fondé de la nouvelle carte militaire, avec son cortège de suppression de sites (83 au total, dont 11 bases aériennes et une base navale). A Vannes (Bretagne), devant des soldats du 3e RIMa, le président français s’est fendu d’un hommage aux soldats morts en Afghanistan, dont 5 l’an passé étaient issus de ce régiment. « Les conditions du retrait ne sont pas réunies ». Quand le seront-elles ? Quelle est la stratégie occidentale en Afghanistan ? «Nous devons continuer à aider les Afghans jusqu'à ce qu'ils soient en mesure d'assumer seuls leur sécurité et leur développement, dans le cadre d'un pays souverain, stable, en paix, acteur du dialogue international». Il faudra attendre la conférence internationale de Londres le 28 janvier prochain pour savoir si Sarkozy enverra de nouveaux renforts là-bas, comme Barack Obama lui a demandé. Pour l’instant, le Monarque reste prudent.
Sarko auto-satisfait
Systématiquemet, le bilan vire à l'autosatisfaction. Sarkozy est plus que content… de lui. « Notre pays va dans la bonne direction et recueillera bientôt le fruit de ses efforts » a-t-il expliqué à Cholet, mercredi, dans le Maine-et-Loire. Il s’est félicité, pêle-mêle, des exonérations fiscales sur les successions (« je crois au travail et je crois à la famille »), du sauvetage des banques (« Si nous avons évité le pire, c'est parce que nous avons décidé d'agir, et non pas d'attendre. »), du soutien à la compétitivité des entreprises françaises (quid de l’aggravation du commerce extérieur depuis 2007 ?) et à l’industrie automobile. La Tribune révèle que la future Clio IV serait fabriquée... en Turquie. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, s'inquiète que son patron de Président puisse ainsi pris en défaut. Un récent rapport remis au Ministre de l'Industrie Christian Estrosi souligne aussi «le recul de la position de l’industrie française en Europe.»
Evidemment, Sarkozy ne peut s’appuyer sur un quelconque bilan écologiste, après les doubles échecs du sommet de Copenhague et de la taxe carbone. En Ile-de-France, la candidate UMP Valérie Pécresse n'a rien d'autres à suggérer sur Twitter que les Verts sont favorables à la dépénalisation du cannabis. La contre-attaque de l'écologie «populaire» version Sarko fait choux blanc.
Sarkozy ne doute jamais, Sarkozy réussit toujours et partout, Sarkozy surmonte toutes les difficultés. Sarkozy est modeste.
Il aurait pu s’interroger sur l’impact de la défiscalisation des heures supplémentaires sur l’emploi : sur un an, ces dernières ont cru de 4% (avec une stabilisation en décembre), alors que l’emploi se dégradait fortement. La France, paraît-il, s’en sortirait mieux que ses voisins. Son taux de chômage est pourtant au même niveau que la moyenne de la zone euro, 10% de la population active en novembre 2009. Et si l’on ajoute la masse des salariés précarisés dans le temps partiel ou le chômage technique, la photographie devient terrible : +25% en un an. Et un million de chômeurs seraient en fin de droits d’ici la fin de l’année. Côté croissance, les économistes l’attendent plus modeste en France qu’en Allemagne qui, pourtant, n’a consommé qu’un quart du plan de relance français. Le moral des ménages a baissé en décembre, pour atteindre un plus bas historique. Inquiets pour leur emploi, les ménages comprennent sans doute que leur pouvoir d'achat va souffrir en 2010: les minima sociaux sont augmentés a minima, le coût de la santé s'aggrave (déremboursements et cotisations des mutuelles en hausse), les soutiens provisoires de la relance disparaissent, l'inflation revient. En Guadeloupe, le mouvement de protestion reprend. Le LKP d'Elie Domota s'agace, avec raison, des promesses non tenues. Où sont passés les 200 euros d'augmentation mensuelle des salaires ? Le 10 janvier, Martiniquais et Guadeloupéens devront se prononcer, non pas sur leur indépendance, mais sur le statut de leur territoire. Seule bonne «surprise», le déficit budgétaire en 2009 se révèle moins important que prévu, à 8% du PIB (contre 8,2% initialement annoncé), grâce à de meilleures rentrées fiscales.
Gouvernement immobile
On cherche encore les rares annonces, le semblant de vision, la trajectoire que Nicolas Sarkozy fixe au pays pour cette nouvelle année. Il y a peu. Il faut gratter. Jeudi soir, on a retenu une taxe contre le géant américain Google pour financer la culture (une démarche curieuse pour l'apôtre de la défiscalisation), une annonce qui cachait la suppression de la Direction du Livre de l'organigramme du ministère de la Culture par un décret de novembre dernier. La culture serait une «réponse à la crise». Le Monarque ne doute de rien. Taxer Google fait sourire à l'étranger. Même le Figaro s'en amuse. Mardi, on s'est enflammé sur la proposition de Luc Chatel d'imposer 30% d'élèves boursiers dans les grandes écoles. Le gouvernement veut jouer social. Richard Descoings, le patron de Sciences Po qui sélectionne ses candidats parmi quelques dizaines de lycées, applaudit.
En début de semaine, avant que la neige n'occupe l'essentiel des journaux télévisées, la grippe A s'est rappelée au bon souvenir de chacun. Par son absence. La ministre Roselyne Bachelot a surpris tout le monde en annonçat l'annulation de 50 millions de commandes de vaccins. Elle accuse, comme d'autres, l'OMS d'avoir surévalué les risques et les consignes. Il faut toujours un bouc-émissaire en Sarkofrance. On attend de connaître la facture définitive. Son collègue du Budget Eric Woerth promet une clémence fiscale sélective pour les exilés fiscaux. La cellule créée à cet effet en avril dernier n'a convaincu que quelques milliers de fraudeurs, pour 500 millions de recettes fiscales. En Italie, une amnistie a permis de rapatrier quelques 4 milliards de recettes et 100 milliards d'actifs.
A l'occasion des voeux du gouvernement à Nicolas Sarkozy, certains ministres et secrétaires d'Etat, habituellement inexistants, ont réapparu : Valérie Létard, transparente collègue de Chantal Jouanno à l'Ecologie; Nathalie Kociusko-Morizet, qui n'existe que sur Twitter ou sur le nouveau réseau «social» de l'UMP; Jean-Marie Bockel, placardisé par Michèle Alliot-Marie; Bernard Kouchner, mal à l'aise, qui attendait de partir au Rwanda le vendredi suivant. Le gouvernement, en ce début d'année, est immobile, aux aguets d'une prochaine polémique. A l'Elysée, on ne parle plus de cour mais de «guerre secrète» entre conseillers.
L’insécurité s’est invitée en fin de semaine dans l’actualité. Sarkozy avait prévenu, la semaine dernière avant la Saint Sylvestre, qu’il entendait faire la guerre aux bandes. Vendredi, un lycéen est mort poignardé pour une querelle de cour d’école. En Sarkofrance, les policiers s'énervent contre la religion du chiffre et la diminution de leurs moyens. On commence à comprendre, répéter et ressasser que Nicolas Sarkozy fut peut-être l'un des plus piètres ministre de l'intérieur que la France ait connu.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
(crédit photo Elysée. fr)

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