Magazine

Tatie Coco.

Publié le 10 janvier 2010 par Reenco

noel-2009-197.jpg
Avec ma Zoubzoub, nous étions persuadées, depuis nos treize ans, que nous ferions tout ensemble toute notre vie. Nous nous étions promis d'aller à la fac ensemble, de trouver du travail en même temps, de partir en vacances au même endroit, de prendre un appartement en colocation, de nous installer avec nos chéris mais dans des maisons proches, de nous marier la même année, de nous attendre pour avoir chacune notre premier enfant ...

C'était sans compter sur nos rêves respectifs.
La vie nous a séparées géographiquement il y a bientôt cinq ans.
Jusqu'à ce jour de juillet où j'ai pris le train pour partir vivre à 800 kilomètres, nous avons presque tout fait ensemble. Les cours, les repas du midi, du soir, les vacances, les dodos l'une chez l'autre, certains jobs, les sorties en boite, les soirées entre amis, les carnets secrets écrits à quatre mains, les cours donnés à des enfants, les baby-sittings géants, les plus gros fous rire, les consolations de chagrins, presque tout.
Zoubzoub, c'est ma troisième soeur. M'enfin, c'est facile de voir qu'on est pas vraiment des mêmes parents, elle étant relativement colorée puisque réunionnaise-malgache, moi étant blanche comme un linge puisque de métropole allergique aux UV A et B.
N'empêche que ça fait quinze ans qu'on s'aime comme si on sortait du même ventre. Même que ma famille la considère des nôtres, et que moi je suis pareil dans la sienne.
Je rêvais de cinéma, elle avait trop besoin de soleil pour pouvoir quitter le sud.
Alors on a appris à ne plus se voir chaque jour, à ne plus pouvoir se raconter la moindre broutille du quotidien, à condenser tous nos secrets et nos émotions dans des conversations téléphoniques hebdomadaires et des rares retrouvailles en chair et en os.
Il a fallu bien deux ans pour que nous arrivions à nous y faire. Puis nous avons vraiment pris l'habitude.
En 2007, elle m'a téléphoné alors que ce n'était pas prévu que nous dépensions deux heures de son forfait ce jour-là. J'ai été surprise, mais pas autant que quelques minutes plus tard. Ce jour-là, elle m'a annoncé qu'elle avait envie d'avoir un bébé, et qu'elle allait le faire.
Ben merde alors, et moi?
On avait dit qu'on les ferait en même temps !
J'ai vite oublié tout ça, parce qu'avoir un bébé, c'était son rêve à ma Zoubzoub. Et moi, j'en étais encore un, donc c'était pas pour de suite.
A 800 kilomètres, j'ai tout suivi. Les tests de grossesse, les échographies,  les photos du ventre qui s'arrondit chaque mois, les consultations chez la gynéco. C'était pas tout à fait comme on l'avait imaginé quand on était gamines (elle disait aussi qu'elle voulait 9 enfants, quand on était gamines. Et ça je suis pas sûre qu'elle le fasse non plus, hein.), mais elle ne m'a pas oubliée. Malgré les kilomètres, elle m'a tout fait vivre de sa grossesse. J'avais un peu le coeur lourd de ne pas être avec elle, de pouvoir faire les magasins pour flâner dans les rayons de naissance, de faire des plans sur la comète autour d'un Perrier en sortant des boutiques, de partager tout ça en direct avec elle.
Mais si loin, j'ai quand même vécu un truc qui était assez génial. Un soir, alors qu'elle était en congés maternité depuis deux semaines, elle est venue me parler sur MSN. Cela devait déjà faire quatre ou cinq heures qu'on papotait quand elle m'a demandé si je pouvais rester encore un peu. Je devais me lever tôt, mais tant pis. C'était trop bien de l'avoir autant de temps avec moi, même à travers un écran. Surtout, je trouvais bizarre qu'elle n'aille pas dormir alors qu'il était si tard. On a continué à parler jusqu'à 4 heures du matin, à se dire qu'on languissait que le bébé naisse, on l'imaginait, on était surexcitées.
Le lendemain, sur le coup de midi, j'ai reçu un appel de son chéri.
Il m'annonçait que la petite perle dorée qu'on attendait tant faisait enfin partie de nos vies !
Bon, j'ai pleuré et tout et tout, bien sûr, j'étais surexcitée, impossible de bosser, je regardais les billets de train beaucoup trop chers, c'était le plus beau jour de l'année.
Mais surtout, j'ai appris qu'à 5h30 du matin, ils avaient du filer à la clinique car elle avait perdu les eaux. Je suis sûre qu'inconsciemment, pendant la nuit, elle savait qu'il allait se passer quelque chose et c'est pour cette raison qu'elle voulait que je reste parler avec elle. Alors moi, ça peut paraitre idiot, mais je suis heureuse d'avoir partagé avec elle ses dernières heures innocentes, avant qu'elle ne devienne une vraie femme avec une vie qui ne serait plus jamais la même.
Cela fera bientôt deux ans que ce jour est arrivé.  Ce jour qui a changé nos vies. Oui, même la mienne. Et cette enfant est une merveille. Ces petites boucles, cette peau dorée, ce rire joyeux, cette voix à vous faire devenir gaga, ce sourire coquin, ces grands yeux noirs qui laissent présager un tempérament de feu ...
Lorsqu'elle était toute bébé, j'osais à peine la prendre dans mes bras, de peur de la casser. Avec elle, j'ai pris conscience de ce qu'était un enfant. Un trésor humain, un joyau. Aujourd'hui, je compte les jours lorsque je dois descendre dans le sud, jusqu'à ce que je la retrouve et que je puisse la contempler, jouer avec elle, la croquer des yeux pour l'emmener dans ma tête jusque dans le 77.
Et j'observe ma Zoubzoub avec une tendresse infinie, devenir une femme accomplie, heureuse aimée et aimante. Je l'admire tellement, d'avoir osé franchir le cap pour réaliser son rêve et devenir celle qu'elle rêvait d'être. Je suis surprise quand je l'entends lever la voix ou dire fermement "Non !". J'adore la voir partager sa part de gâteau avec sa fille sur ses genoux, qui s'en met partout et déclenche un fou rire général. Elle a tellement grandi en deux ans, ma Zoubzoub. Et j'ai bien l'impression qu'elle m'a fait grandir aussi.
Elle me raconte des tas de choses au téléphone, m'en apprend énormément, me fait me rendre compte de certaines de mes envies personnelles jusqu'ici enfouies je ne sais où.
Pendant les vacances de Noël, j'étais super excitée de retrouver la petite perle. Depuis ma dernière visite six mois auparavant, elle a appris des tas de choses. Au téléphone, quelques semaines avant, elle me chantait la chanson de la pub de Babybel ou fredonnait "C'est ma terre" de Christophe Mae. Alors que l'été dernier, elle ne parlait pas encore !
Le plus bizarre pour moi, c'est que lorsqu'elle me parlait au téléphone, elle ne savait pas bien qui j'étais. Elle ne me voit pas souvent, à peine trois fois par an, et était trop petite pour se souvenir de moi. Je le dis honnêtement, ça me faisait de la peine.
Jusqu'à ce Noël.
Où un soir, alors que je jouais à la dinette avec elle, je lui ai fait répéter "Coco" je ne sais combien de fois en m'auto désignant. Elle l'a volontiers dit une bonne vingtaine de fois, sans franchement comprendre ce qu'elle racontait. Mais rien que d'entendre ces deux syllabes dans sa bouche, avec son petit accent sudiste, m'a rendu heureuse.
Puis trois jours plus tard, alors qu'elle et ses parents nous rejoignaient tous pour une soirée chez un de nos amis, il parait que dans la voiture, elle n'a cessé de répéter "Coco". Zoubzoub m'a raconté qu'ils étaient très surpris, car ils ne lui avaient absolument pas dit qu'ils venaient me retrouver.
Et pendant cette soirée-là, nous avons joué ensemble des heures entières, sous le regard attendri -et je ne crois pas m'avancer en disant également heureux, de ma Zoubzoub. Je lui ai expliqué je ne sais combien de fois que j'étais Coco. Alors pendant plusieurs heures, elle a appelé tout le monde Coco ! Homme ou femme, chacun y a eu droit. Du coup, j'ai décidé de faire une séance photos avec elle, et en lui montrant nos têtes sur l'écran, elle a fini par intégrer.
On m'aurait donné dix mille euros que j'aurais pas été plus heureuse !
Mais ce qui me touche le plus, c'est que ses parents, quand ils lui parlent de moi, même en ma présence, m'appellent "Tatie Coco". Je veux dire, je suis la seule de leur entourage à ne pas être de leur sang qu'ils souhaitent voir avoir une place et un statut dans la vie familiale de leur fille ...
Et ça, c'est un cadeau merveilleux.
Je suis rentrée dans le 77 le coeur léger et heureux, grâce entre autres, à ce rayon de soleil de 22 mois, avec des Coco prononcés par une petite voix malicieuse qui résonnent sans cesse dans ma tête. Cette enfant, je l'aime infiniment, c'est dément.
Hier, j'ai envoyé un sms à  ma Zoubzoub en lui disant que la petite perle (ma nièèèèèèce huhu) me manquait ...
Elle m'a répondu "Et bien sache que depuis que tu es partie, elle n'arrête pas de répéter "Coco" tous les jours."
Elle ne m'a pas oubliée ...
Mon dieu, que ça apporte des bonheurs, l'amitié ! Même 5 ans et 800 kilomètres n'ont pas réussi à nous enlever ça, à ma Zoub et moi.
PS : la petite perle va devenir grande soeur en février, le soleil va doublement briller, donc. J'ai hâte !

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Reenco 16 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog