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Climat et transport: de Montréal à Nouméa, la bagnole en parade

Publié le 10 janvier 2010 par Servefa

Il est amusant de constater à quel point les mêmes arguments, sur les mêmes sujets, reviennent parfois dans des contextes que tout oppose. Le développement des modes actifs, pour un urbanisme de meilleure qualité, en est ainsi une illustration des plus troublante. En effet, alors qu'à Nouméa les alternatives actives à l'automobile sont repoussées d'un revers de main par les autorités (trop chaud, trop de relief qu'ils nous disent), il n'est pas rare de constater que les discours à Montréal jouent du même rejet pour la douceur des modes actifs, mais cette fois-ci à cause du climat trop froid, et de la topographie sans relief qui encourage un "développement" sans contraite et plus étalé. Quoi donc ? On ne marche plus nulle part ? On ne fait plus de vélo ? Y-a-t-il un climat idéal, à mi-chemin entre les hivers continentaux et les chaleurs tropicales ? La Méditerranée le Bosphore, la Nouvelle Galles du Sud ? Convenons-en, le climat a en fait bien peu à voir là-dedans, tout en plus est-il un chiffon de mauvaise foi. Car l'automobile s'est imposée dans les villes au nom de la sacrosainte modernité, jeune fille fleurie superbement coiffée du progrès, et les décideurs, enthousiastes, lui ont sacrifié le coeur de l'urbanité. Hier aveuglés par la beauté de l'ondine moderne, ils ne savaient pas exactement ce qu'ils faisaient. Mais aujourd'hui...aujourd'hui que la lumière du temps éclaire le tableau alors peint et y dévoile l'étendu de la laideur, l'ombre bituminée en cicactrice sur les quartiers, les égratignures du vent de la vitesse qui repoussent les limites du cadre, salissant les paysages de Bruegel, souillant les terres agraires de Millet, cristallisant la grégarité des individus dans d'affreuses rivières de tôles congestionnées. Aujourd'hui, donc, que font nos élites dirigeantes ? Elles entretiennent le système, jouent le statu quo, miment la métamorphose pour mieux se complaire dans la spirale de l'inertie dépendante du chemin.

Car les choix fait par les autorités entretiennent un système. Regardez, à Montréal, la photo ci-dessous. Qu'y voyons-nous ? Une rue large, caractéristique des tissus détendus d'Amérique du Nord, avec une très large place accordée à la circulation automobile, et des voies automobiles parfaitement déneigées, quand la bande cyclable (délimitée par des plots verts et jaunes) et les trottoirs sont rendus glissants par la neige (et encore, j'ai pris une photo soft, parfois, en tant que piéton, ce sont des stages d'alpinisme qu'il faut faire). Ainsi, on consent à déneiger la route, mais pas les cheminements des modes actifs.

Autre photo, prise à l'université de Montréal, où les modes actifs devraient être encouragés, avec un parc à vélo bien difficile à utiliser:

L'utilisation des modes actifs apparait bien donc peu encouragée l'hiver alors que les automobiles polluent autrement plus à cette période qu'en été (jusqu'à trois fois plus au démarrage, cf. cette étude ).

Pourtant, le deneigement des voies routières est très couteux (1,4 milliards de francs CFP par tempête de neige, soit 11 milliards de francs par an...autrement dit, un médipôle tous les 5 ans ! ), et l'utilisation de la voiture pas toujours aisée (accidents de la route, allumage moteur difficile à cause du froid, sans parler de la galère du déneigement comme le montrent les deux photos ci-dessous).

 

Et dans le Grand Nouméa ? Remarquons tout d'abord qu'il n'y est pas rare d'utiliser sa voiture sur des trajets de moins de 2km (malheureusement, il n'existe pas de données permettant de donner un poids chiffré à cette assertion mais on sait que la rue Foch, au niveau du conservatoire de Musique, près du lycée Lapérouse, est une des principales artères du grand Nouméa avec plus de 30 000 véhicules/jour alors qu'elle ne dessert que les quartiers sud). Mais combien sont-ils ceux qui vont de la Vallée du Tir au centre-ville en voiture, ou bien du Quartier Latin aux quais, ou de Port Plaisance à Port Moselle ? Sûrement ne sont-il pas étranger au dimensionnement des infrastructures routières qui rendent la vie moins agréable, avec ses larges voies et ses stationnements bouffeurs d'espaces (et d'opportunité d'aménagement), et moins sûrs, avec des accidents toujours plus nombreux.

Ah bien sûr, dans la capitale calédonienne il fait bien trop chaud et le marcheur, ou le cycliste, arriverait au travail ruisselant d'une sueur odorante du plus mauvais effet d'autant que le relief, plus chahuté que la pensée d'un politicien, ne manque pas de se poser comme un obstacle infranchissable. Evidemement, nous sommes là en milieu tropical et le thermomètre a le goût des valeurs hautes, alors que font les autorités ? Elles tapissent la ville d'un voile de mélange bitumineux du plus beau noir pour créer des ilôts de chaleur et afin qu'ils fassent encore plus chaud... Mettez un parc sur les stationnements de la Moselle et vous verrez qu'il y fera plus frais. Car pour lutter contre le soleil, rien de ne vaut les arbres et leurs ombres bienfaisantes. Mais que fait-on à Nouméa lorsqu'on aménage une promenade, comme celle de l'Orphelinat ? On évite d'y planter trop d'arbres pour que les gentils automobilistes puissent voir la mer ! Et après on vient se plaindre que la promenade est peu utilisée si ce n'est par quelques clochards amateurs de piquette. Il y aurait là une véritable réflexion à apporter par les paysagistes pour créer des cheminenement ombragés et agréables afin de favoriser la marche ou le vélo. D'autant que les arbres ont le bon goût de protéger non seulement du soleil mais aussi de la pluie. Evidemment, j'en entends hurler sur les frais d'entretien. Qu'ils s'interrogent alors sur les frais générés par l'entretien des routes, les stationnements, les fuites du capital dans l'importation de pétrole, etc.

(Source photo: http://noumea.yuggoth-world.com/baie-orphelinat.php )

Je ne m'étendrai pas ici sur le relief car j'ai déjà parlé des Vélo à Assistance Electrique, dont l'acquisition pourrait être subventionnée. La petite vidéo ci-dessous offre une illustration du confort qu'ils offrent. Mais il est vrai que ce sont là des équipements coûteux (mais toujours moins qu'une voiture). Aussi, plutôt que d'obliger les comerces et les entreprises à prévoir des places de stationnements sur leurs parcelles, pourquoi ne pas les encourager à construire des abris à vélo sécurisés ?

L'utilisation de l'automobile génère ainsi de nombreux coûts en milieu urbain alors que des aménagements cyclables, ou piétons, de qualité pourraient constituer une piste des plus sérieuses face à l'inflation de la congestion et aux coûts engendrés par la construction de nouvelles infrastructures (qui ne manqueront pas, elles aussi, de saturer rapidement). Il appartient donc aux élus de montrer l'exemple dès aujourd'hui pour insufler les changements de comportements et instituer de nouvelles cultures de la mobilité. Afin de ne pas gâcher l'immense potentiel de l'agglomération en matière de qualité urbaine. Pourquoi ne pas convier le maire de Nouméa à se rendre à la mairie, chaque jour, à pied afin de comprendre l'ampleur du désastre pour les piétons (j'ai compté 1100m entre son domicile et la mairie pour un exercice quotidien qui ne sera que profitable à sa santé et à la clarté de ses idées) ? Un élu de l'opposition serait-il prêt à en faire la demande en conseil municipal ? Après cela, il sera temps de demander aux maires de Dumbéa ou du Mont-Dore de venir à l'Hôtel de Province en Vélo à Assistance Electrique...

François


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