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Buren ou la discrète inflation des prix de l’art comptant pour rien

Publié le 10 janvier 2010 par H16

Ah, la Culture ! Finalement, à plus d’un titre, c’est comme la santé : quand elle est faible, on risque des ennuis, et à bien y réfléchir, la culture, comme la santé, cela n’a pas de prix. Mais cela a un coût, en tout cas. Et à lire certains articles, il apparaît maintenant clair que la bonne santé de leurs créations va assurer à certains artistes une très confortable rente.

Avant d’aller plus loin, rappelons rapidement ce que sont les Colonnes de Buren.

Il s’agit d’une de ces mâââgnifiques réalisations post-modernes commandées à grand frais par l’État (en l’espèce, le Ministère de la Culture) pendant les années 80, et qui s’inscrivaient dans la tendance de l’époque, pas ralentie depuis, qui consistait (et consiste toujours) à subventionner avec l’argent de tout le monde un ami des gens de pouvoir.

Le mécénat avec l’argent des autres, c’est toujours sympa. Mieux, c’est citoyen, et régulièrement assez festif.

Et quand on arrive à détourner légalement 1 million d’euros, on peut donc arriver à obtenir ceci :

Buren ou la discrète inflation des prix de l’art comptant pour rien

Comme on peut le constater, il s’agit de colonnes, de tailles différentes, avec des bandes noires et des bandes blanches, au milieu de la cour du Palais Royal.

D’une esthétique douteuse, le travail ââârtistique initial avait donc coûté 6 millions de francs de l’époque (1986). Ce qui fait un paquet de thunes pour des colonnes zébrées, on en conviendra. Moyennant quelques commentaires compliqués camouflant mal la vacuité de l’œuvre par un nuage de vocabulaire ampoulé, l’ensemble avait réussi à époustoufler le gogo (et le bobo).

À l’installation de ces colonnes, cela avait donc pas mal râlé, mais, au fil du temps, les gens (les contribuables notamment) s’étaient vite habitués. Il est vrai que la déferlante continue de cacas thermomoulés qui destroutourent l’intemporel a réussi, à la longue, à lasser ceux qui auraient certainement préféré des dépenses … plus terre-à-terre comme des crèches, des aménagements de sécurité routière ou l’enfouissement des lignes électriques (au hasard).

Bref.

Mais l’Art, surtout en plein air, et quand c’est moderne de chez moderne, ça résiste assez mal à l’outrage du temps. Il y a aussi, bêtement, une question de qualité générale de la réalisation, mais chut il ne faut pas le dire, ça fait mauvais genre de comparer ce qu’on fait fin XXème siècle et qui se bousille en 20 ans avec des réalisations moyen-âgeuses qui en tiennent péniblement 1000.

Bilan : il faut venir faire quelques retouches de ci et de là, et rafraîchir un peu ces jolies colonnes monochromes. Et pour cela, on va mettre 18 mois, et facturer les gogos qui payent… Mettons … Hum… Voyons voir… Oui, voilà, à peu près six fois la somme de la réalisation neuve (5.8 millions d’euros tout compris).

Vous avez bien lu : en entrée, un Authentique Truc Noir et Blanc, qu’on paye neuf un million. En sortie, un truc qui coûte 5.8 millions. Certes, 500.000 euros sont déboursés par Eiffage (ils sont gentils, ils rendent au contribuable une partie des sommes piquées sur les monstrueux chantiers publics que l’État n’a pas manqué de leur attribuer ces dernières années). Mais cela fait tout de même plus de 5 millions (5 MILLIONS) pour ce machin à payer de notre poche.

En plus, le timing est super bien choisi : l’Etat ne manque pas de fonds et la conjoncture est über-favorable, notamment pour les deux ou trois chômeurs qui restent à glandouiller dans le petit centre ANPE (l’unique restant, pour cause de plein emploi).

Pour donner une idée de ce que ça représente, il faut dire que 5.3 millions d’euros, c’est 200 smicards payés, charges patronales incluses, pendant un an. De quoi, par exemple, passer l’année 2010 au chaud, loin du RMI. Ou de quoi faire tourner une boîte de 20 employés pendant 10 ans, dit autrement. Certes, un salaire au SMIC, ce n’est pas top, mais pendant 10 ans, c’est toujours ça de pris, non ?

Mais non : finalement, les 200 smicards, ils pourront se brosser. Ils iront pointer, et se retrouver, comme des centaines de milliers d’autres, en fin de droit assez rapidement.

Parce que, voyez-vous, la Culture et les Colonnes de M. Buren, elles n’ont pas de prix.


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