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L'entreprise ultra-moderne

Publié le 11 janvier 2010 par Jbplantin

C'est à l'occasion que la conférence donnée par Jean-Louis Bischoff à l'OEDB sur le thème "Tribus musicales, faits religieux et spiritualité"  que j'ai découvert le concept d'ultra-modernité.

L'ultra-modernisme apparaît pour la première fois sous la plume d'Anthony Giddens - sociologue anglais, concepteur de la "troisième voie" de Tony Blair. L'idée maîtresse (je vais forcément schématiser car je retranscris avec mes mots et ma compréhension toute limitée) est une évolution de la rationalité qui ne repose plus seulement sur le "cogito" mais sur l'altérité (l'autre). Cela passe par une rationalité du coeur (imagination, désir, affect, religieux - au sens de croyance en quelque chose de virtuel). Cela implique une prime au Présent par opposition à une projection permanente sur l'avenir. Sur le plan politique, cela signifie que l'on fait évoluer le concept reposant sur l'étymologie "politis" (la cité - la politique en ce sens est l'art d'organiser la cité) à l'étymologie "polemos" (la notion de polemos renvoie ainsi au combat originaire dans lequel s’affrontent être et non-être dans le déploiement d’un monde). L'impact sur le plan politique est bien évidemment une recherche de ce qui nous fait vivre ensemble.

D'où ces mouvements, ces mouvances, ces communautés (et leurs dérives communautaristes)... Cette recherche du lien à l'Autre. Autant dire que cette aspiration, croisée aux évolutions technologiques apportées par Internet ont créé cette situation qui fait que l'on entend parfois parler dans les discussions de changement de modèle de civilisation sans forcément arriver à le qualifier.

Evidemment, je n'ai pu m'empêcher de penser à cette particularité sociale qu'est l'entreprise. Je n'ai pu m'empêcher de penser à tous ces réseaux qui se créent et se développent au travers d'Internet. De ces services qui se créent parce que des milliers de gens participent ensemble à une action commune. Ils interagissent, et par là-même agissent. On perçoit intuitivement (certains plus que d'autres) depuis quelques années que les collaborateurs, surtout les plus jeunes, ne se projettent pas forcément dans l'avenir, mais cherchent à exister au quotidien. On remarque que les entreprises qui marchent, qui se développent, qui construisent (Google, Facebook, Amazo, Zappos...) sont des structures qui fonctionnent grâce à des tribus qui pratiquent leurs rites d'échanges sans forcément avoir de plan pré-défini. Individuellement et collectivement ils pratiquent ce "défi" qui visent à transformer le monde, à le rendre meilleur. Ils fonctionnent selon des modes de fonctionnement qui ne sont plus seulement hiérarchiques par le statut social au sein de l'entreprise. Le directeur peut être simple membre d'une communauté animée par un collaborateur spécialisé sur un sujet.

Bien entendu, cette nouvelle rationalité qui ne permet plus la distanciation pose le problème de la vision. Cela renvoie bien évidemment à ces problèmes que connaissent les managers dont on attend qu'ils deviennent des leaders. Ce qui est loin d'être la même chose et de faire appel aux mêmes compétences.

Cette activité au Présent, cette recherche permanente de son existence dans la relation à l'autre pose par ailleurs le problème de l'éthique individuelle et collective. Les fondateurs de Google, de Facebook ou de Twitter n'ont certainement pas écrit noir sur blanc un plan de développement à 3 ou 5 ans à la création. Ils font et s'adaptent aux stimuli qu'ils reçoivent de leur(s) tribu(s). L'avenir nous dira si c'est pour le bonheur ou le malheur du monde... A tout le moins, on peut comprendre que rien ne sera prémédité.


Alors, reste l'Education. C'est probablement par une attache encore plus forte au socle initial des valeurs humanistes que l'évolution pourra être positive, et non catastrophique. En ce sens l'Education doit être solide. Un groupe de jazz qui pratique l'improvisation collective ne produira rien de bon si chaque joueur ne maîtrise pas parfaitement ses bases de solfège et autres arpèges.

Si l'ultra-modernisme est ce qui régit et définit le nouveau contrat social au sein de nos sociétés, il serait bon que nos entreprises comprennent ce concept qui ne manque pas de les impacter dans leur organisation propre. Nombreux sont les consultants ou acteurs de la sphère de la communication et de l'organisation des entreprises qui s'interrogent sur cette difficulté des entreprises à intégrer la logique participative des réseaux sociaux (je parlais récemment de fossé numérique). Le Web2.0, et sa tentative de corollaire d'Entreprise 2.0, dont on entend si souvent parler, ne serait en ce sens que le bras armé, le moyen, permettant à cette ultra-modernité de prendre corps.

Je pense que l'ultra-modernisme peut constituer une explication rationnelle (selon l'ancien système de pensée) pour comprendre que la nouvelle donne sociologique ne peut que remettre en cause l'organisation et le mode de fonctionnement des entreprises. Encore faut-il en comprendre les clés... 


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