En 1914, monsieur Alfred Sarreméjean (1879 - 1936), instituteur à Villelongue, a publié un ouvrage sur les répercussions de la Révolution Française dans la « Haute Vallée d'Argelès ». Merci Marc, ce livre est un vrai trésor.
Le 25 mars 1789, (trois mois seulement avant un fameux 14 juillet) les habitants de Villelongue compris au rôle des impositions, appelés par la cloche de l'échelle, se réunirent dans la Cour de la Boerie pour établir le cahier de doléances demandé par les ordonnances royales du 8 août 1788 (8 mois plus tôt!). Auparavant, au prône, le vieux curé du village, Jacques Vignau-Faure, avait expliqué que le bon Roi Louis XVI voulait savoir tout ce que souhaitait le pauvre peuple, et qu'on pouvait le lui signaler en pleine confiance et espérance.
Des hommes de loi et des politiciens bigourdans avaient répandu dans le pays du Lavedan des formules générales que les paysans vont transcrire directement dans leurs cahiers. Ci-dessous, le Cahier de doléances de la commune de Villelongue:
Vœux;
Changement de la Constitution actuelle des Etats de Bigorre, de manière que le clergé et la noblesse ne fassent qu'un corps; que les représentants du tiers soient en égal nombre que ceux du clergé et de la noblesse réunis; que ces deux derniers ne fassent qu'une voix, que le tiers en aura une autre, et qu'au cas de partage, il sera vuidé par les commissaires nommés par les Etats.
Vœu pour que la communauté soit à même d'avoir un bain aux eaux de Barèges, vu leur utilité et comme se trouvant de réparation de routes étant le plus voisines. (c'est les thermes du pays Toy devraient être déclarés d'utilité publique!)
Suppression de la direction actuelle des haras.
Cassation du concordat passé entre le Sénéchal de Bigorre et les sept vallées de Lavedan, qui oblige celles-ci à faire les poursuites des criminels à leurs frais et dépens dans tous les cas, à moins qu'il n'y ait une partie civile qui le fasse à ses dépens.
Vœu pour que la dite poursuite soit faite ainsi que dans les pays de droit écrit.
Vœu pour la réduction des honoraires des huissiers.
Anéantissement du fisc.
Réduction des frais de justice.
Vœu pour que cette justice, soit plus loyale, plus prompte, plus rapprochée, moins ruineuse. (certains diront que la révolution n'a finalement pas changé grand-chose ;-)
Que le Couvent de Saint Orens où il y avait naguère cinq places occupés par cinq prêtres de l'ordre de Cluny, et qui aujourd'hui a été détruit et dont les revenus ont tourné au profit du seul abbé soit rétabli dans son ancien état, ou que le dizième et revenus qui étaient donnés par les fidèles pour l'entretien de la maison qui alors étaient utiles dès qu'elle n'existe plus, soit supprimés.
Une copie de ce cahier sera déposé aux archives de la Communauté, l'autre remise aux sieurs députés qui seront élus pour se rendre à Tarbes.
Ont signé, les autres ont dit ne savoir : Menjelle, Justis, Cazanave, Paine, Sarniguet, Forcade, Clavanté, Crampette, Vergez, Condau, Baze, Domec, Laffont, Boyrie député, Latapie député, Latapie fils Secrétaire.
En lisant cette liste de doléances, rien ne laisse présager l'explosion révolutionnaire des mois suivants, ni les répercussions locales des décisions parisiennes des années 90. On remarque une certaine colère en ce qui concerne Saint Orens, mais pas de revendications pour changer du tout au tout. Je laisse aux plus malins le soin de tirer des parallèles avec la gestion actuelle des privilèges.
La suite dans un prochain épisode.