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Philippe Séguin : retour sur la légende

Publié le 12 janvier 2010 par Cajj

(repères)

C'est amusant de voir les bêtises écrites au sujet d'un homme dont la mort rassemble et qu'on voudrait que la vie soit consensuelle. S'il était un homme de conviction, aux idées tranchées, c'était lui. Et c'est ça qui est exceptionnel. Tout le monde salue son parcours alors qu'il aura été l'adversaire résolu de beaucoup. Mais il était exemplaire, exemplaire dans ses convictions comme dans son comportement.

On a beaucoup cité la République à son endroit, et on a raison. Seule l'extrême gauche s'exclut de cet unanimisme ; effectivement, la gauche de Besancenot et Laguiller, ce n'est pas la République.

Seguin
Sarkozy Séguin : une vraie proximité

Oui Sarkozy et Séguin ce n'est pas la même chose. Il n'empêche, il y a une vraie proximité entre eux deux.

D'abord, tous les deux sont issus du RPR. Ils sont néo-gaullistes, c'est-à-dire qu'ils sont issus du parti qui a rassemblé la mouvance gaulliste après la mort de De Gaulle et Pompidou.

Ensuite, Sarkozy s'est entouré de deux disciples de Philippe Séguin, François Fillon, son Premier Ministre et pire encore Henri Guaino sa plume. C'est dire si l'on retrouve dans la parole et dans l'action de Sarkozy une empreinte séguiniste. Je n'ai pas dit que Sarkozy est séguiniste, je dis seulement que sa conviction s'en nourrit et que le sarkozysme est séguino-compatible.

Historiquement, après la lutte fratricide Chirac-Balladur qui reste une lutte de deux frères, le nouveau Président du Rpr, Philippe Séguin est allé chercher Nicolas Sarkozy pour construire un duo. Les deux se sont très bien entendu ; ce qui les unit est bien plus important que ce qui pourrait les séparer.

Ce qui les unit c'est leur héritage gaulliste ; certes, Sarkozy n'est pas un disciple du gaullisme, mais il en est un héritier et assume cet héritage.

Gaulliste social : pléonasme

C'est plus simple de dire gaulliste social. Mais c'est un pléonasme. La pensée et l'action gaullistes ont toujours été profondément sociales. "En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme. C'est l'homme qu'il s'agit de sauver, de faire vivre et de développer." L'homme occupe la place centrale de la pensée gaulliste.

Le gaullisme c'est croire en l'exception française (notre singularité issue de la Révolution et de notre histoire), en l'Etat, en la Nation, en la République. C'est être anti-marxiste donc adversaire résolu des socialistes, communistes et autres gauchistes (Laguiller-Besancenot) ; c'est être capitaliste, attaché à l'économie de marché mais éloigné du libéralisme et donc convaincu du rôle de l'Etat ; c'est être de droite car l'ordre est une valeur respectable ; c'est être de gauche (mais non marxiste) car de forte sensibilité sociale.

La République c'est le pouvoir pour le peuple (la démocratie c'est le pouvoir par le peuple). Etre républicain, c'est placer l'intérêt général au-dessus de ce qui sépare les partis. 

"On aimait son incapacité à parvenir au pouvoir suprême"

Séguin était un surdoué de la politique. Il était le meilleur tribun de ces 20 dernières années. Ecouter Séguin est un grand moment de littérature.

Les parcours de de Gaulle, Mitterrand, Chirac sont jonchés de grandes et nombreuses défaites.

Ce qui explique son non-succès ultime, est tout simplement qu'il était dans l'ombre porté de Chirac. Chirac en raison de son âge et de son accès tardif à l'Elysée a pris toute la place. La génération qui suivait n'a eu que les miettes ; seul Sarkozy a émergé parce qu'il était de deux générations d'écart (plus de 20 ans les séparent).

Séguin aurait pu tuer le père, c'est-à-dire tuer Chirac. Mais il pensait que sa carrière avait moins d'importance que ses idées et que la fin ne justifiait pas les moyens. "S'il y a un référendum sur le quinquennat, je ne me mêlerai pas de la campagne pour ne pas gêner le président de la République", voilà c'est Séguin. Au fond, il s'est retiré pour ne pas être en conflit avec Jacques Chirac ; il ne pensait pas que son conflit personnel avec le président de la République soit une bonne chose pour la France, alors il est parti à la cour des comptes, servir l'Etat et derrière elle la France sans doute plus efficacement que n'importe quel ministre.

Ça c'est sûr, on cherche encore l'élu capable de sacrifier sa petite phrase à l'intérêt commun.

Pour l'anecdote, rappelons qu'il s'est présenté à la Mairie de Paris avec l'idée que Tibéri (maire de droite sortant) prendrait sa retraite (volontaire, contrainte ou forcée) ; et malgré cette terrible et douloureuse épine dans le pied, il a gagné les élections en nombre de voix ; ses listes ont fait plus de voix que celles de Delanoé ; mais il a gagné moins d'arrondissements en raison de l'inégale répartition de ses électeurs ; et à Paris, plus que les voix, ce sont les arrondissements qui comptent.

L'histoire est subtile. C'est comme la pensée de Philippe Séguin. Il y a une subtilité loin d'un droit d'inventaire fondé sur une caricature que voudrait nous imposer beaucoup. Il y a un Philippe Séguin qui n'est pas la légende Séguin. Mais la légende Séguin a aussi son noble rôle à jouer, aujourd'hui rassembler toute la France.

Voilà c'est fini, il va sombrer dans l'oubli et c'est très dommage.

cajj

Posté par cajj6878 à 08:05 - REPERES - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
Tags : gaullisme social, Séguin


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