C'est un euphémisme d'écrire que j'attendais avec impatience cette saison 4 de Big Love. En 2009, ce drama, avec sa magistrale saison 3, constitua probablement ma série préférée de l'année. Par conséquent, j'étais curieuse/enthousiaste/excitée (avec le risque de la déception inhérent à cette forte attente) de retrouver les polygames de HBO pour de nouveaux ennuis à affronter. Une reprise qui s'est avérée très correcte, dans la continuité de la saison précédente, mais qui a commencé sur un bémol : un changement de générique à l'opportunité très discutable.
La force, mais aussi parfois la faiblesse de Big Love, réside dans la richesse de sa vaste galerie de personnages auxquels elle ne peut pas toujours consacrer le temps d'antenne qu'ils mériteraient pour développer leurs storylines. Chaque épisode est toujours particulièrement intense, mêlant une multitude d'histoires qui ne se rejoignent pas toujours immédiatement. Si bien que le téléspectateur a généralement l'impression de voir défiler l'heure très rapidement, sans avoir le temps de souffler, restant frustré du survol de certains éléments qui auraient pu être plus approfondis. Ce premier épisode ne déroge pas à ce schéma devenu classique.
Nous reprenons directement dans la continuité de la saison 3, pour retrouver les soucis que nous avions laissés aux Henricksons l'année passée. Roman Grant a disparu. Le téléspectateur sait qu'il est mort. Mais les personnages vont mettre du temps à l'apprendre, et l'ancien patriarche continue de causer bien des ennuis à ses ennemis d'hier. Le FBI, toujours à sa recherche, harcèle Juniper Creek, multipliant les descentes de police, mais aussi les Henrickson, se concentrant sur Nicky, qui occupe une position toujours très fragile au sein de la famille, rattrapée encore une fois par ses liens avec Juniper Creek.
C'est un appel de sa mère qui la précipite, à nouveau, dans les luttes intestines de la communauté. Car il s'avère que si la mort de Roman Grant n'est pas encore connue, c'est en raison d'Adaleen, sa fidèle épouse, qui, ayant découvert le corps, l'a placé dans le garde-manger réfrigéré. Plus que pour préserver l'image de Roman, et sa prédiction non réalisée qu'il vivrait jusqu'à 126 ans, on devine Adaleen surtout perdue, cherchant désespérément à maintenir un artificiel statu quo, en préférant mettre en scène la disparition de son mari. Une fois informée, Nicky va cependant commettre une erreur classique, même si elle partait d'une bonne intention : traiter directement avec sa famille -ou plus précisément Alby- pour tenter d'étouffer l'affaire, sans vouloir impliquer les Henrickson, mais sans non plus les mettre au courant.
Or Alby, avec son esprit retors, par bien des côtés si semblable à Nicky, choisit de profiter de cette opportunité pour donner quelques sueurs froides à Bill, en déménageant le corps de son père sur le chantier de son beau-frère. La "balade du cadavre de Roman Grant", comme on pourrait la nommer, à la fois pathétique et tragi-comique, allège d'une étrange façon le caractère pesant de ces storylines de nature avant tout dramatiques. Encore une fois prise en défaut, Nicky se retrouve à devoir affronter la méfiance de sa famille, mais les reproches seront pour plus tard. Il lui faudra plus d'une journée pour bien réaliser que son père est mort. La scène où elle craque dans la voiture aux côtés de Bill correspond parfaitement au personnage, une fois la prise de conscience progressivement réalisée, les nerfs lâchent devant cette situation irréaliste.
La mort de Roman Grant n'achève cependant pas les tensions entre Bill et sa belle-famille. Alby va reprendre le flambeau paternel. Les offres de paix teintées de menaces, que Bill formule sans sourciller, indiquent bien que les choses ne peuvent en rester là. Il faut dire qu'avoir réussi à causer en partie la perte de l'ancien patriarche de Juniper Creek lui a ouvert de nouveaux horizons. Il nourrit manifestement des ambitions toujours plus hautes. Mais si Alby doit faire face au gel des comptes de l'UEB, il fait surtout la rencontre de celui qui préside la commission de gestion nommée : une rencontre dans le parc, au cours de laquelle il a -entame ?- une relation avec cet homme. Les constantes manipulations qui ont régulièrement cours dans Big Love nous amèneraient presque à nous demander si cela a été plannifié, d'un côté ou de l'autre. S'il semble peu probable qu'Alby savait qui était le business man, au vu de sa réaction lorsqu'il le recroise, quid de ce dernier ?
Si à Juniper Creek, les choses demeurent quelque peu chaotiques, c'est également le cas chez les Henrickson, qui s'apprêtent à ouvrir leur premier casino. Une source permanente de crises de nerfs qui pèse sur toute la famille. C'est à Barb qu'a échu la responsabilité de l'organisation ; tandis que Margene, aussi excitée qu'elle soit par ce lancement pour lequel elle a tant fait, souhaite toujours privilégier sa propre carrière, et préfère propulser Barb sur le devant de la scène.
Cependant, l'association avec Jerry Flute n'est pas aussi saine que Bill aurait pu l'espérer. Le harcèlement du FBI, suite à la disparition de Roman Grant, a nourri la méfiance des indiens. Les tensions avec Barb et ses aménagements "mormon friendly" apparaissent comme la simple partie émergée de l'iceberg. Pour le moment, le casino s'ouvre sur un premier soir à succès. Mais il semble évident que le partenariat tangue déjà très dangereusement. Les ambitions de Bill n'allant pas rester rassasiées par cette réalisation de projet, il est probable que cette dégradation risque de se poursuivre.
Ces storylines déjà chargées ne permettent pas de consacrer beaucoup de temps aux autres personnages. Du côté des enfants, Cara Lynn vit désormais avec Nicky et s'apprête à effectuer sa rentrée à l'école. Un arrangement fait à l'insu de l'ex-mari, que Bill canalise pour le moment en arbitrant un compromis acceptable, mais la présence régulière de JJ, dans l'ombre de sa fille, ne peut être que génératrice de futurs ennuis. Sarah, elle, n'est qu'entre-aperçue au début, de façon à prendre de ses nouvelles et à évoquer les préparatifs de son futur mariage. Enfin, Ben joue les chanteurs dans un groupe, tout en aidant sa grand-mère dans le commerce apparemment fructueux d'oiseaux exotiques. Les affaires de Lois, justement, vont nous occuper pour quelques scènes, pleines d'humour noir, typiques de la dynamique de couple qu'elle entretient avec Franck. Entre menaces et partenariat entreprenarial, ces deux-là n'évolueront probablement jamais, jusqu'au jour où l'un des deux tuera l'autre. En attendant, ils parviennent à un fragile statu quo et signe une trêve qui sera sans doute brève.
Bilan : Avec cet épisode, signe un retour dans la continuité très correct et très riche. Il permet de parachever les storylines pendantes de la saison précédente, la mort de Roman Grant et l'ouverture du casino. La famille n'a pas été épargnée par les secousses, mais elle semble retrouver progressivement un nouvel équilibre. Cependant, ce que je retiendrais en premier lieu de cet épisode, ce sont les dilemmes émotionnels des trois femmes, qui chacune à leur niveau, doivent gérer des situations difficiles. L'exposé de ces états d'âme est traité avec beaucoup de justesse.
Enfin, je demeure très réservé sur le nouveau générique proposé. Comment interpréter cette chute sans fin des quatre personnages, ainsi mise à l'écran ? Est-ce métaphorique ? Cela consacre-t-il les évolutions et la fragilisation de la famille dont nous avons été témoins la saison passée ? Vous trouverez un aperçu vidéo ci-dessous pour pouvoir vous faire votre propre opinion.
NOTE : 7,5/10
Le nouveau générique de Big Love :