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Vaccination : l’échec du modèle d’Etat jacobin

Publié le 15 janvier 2010 par Argoul

Mélodrame d’Etat, dont la France politicienne est friande : très de peu de Français se sont fait jusqu’ici vacciner contre la grippe mexicaine cochonne. Moins que dans les pays voisins. Alors que dans le même temps, l’Etat déclarait la guerre au virus et mobilisait des moyens quasi militaires d’exécution et de dissimulation d’informations dignes de la guerre de l’ombre, pour obtenir les doses de vaccin.

Nous voyons dans cet échec retentissant moins celui du gouvernement actuel, moins celui d’une idéologie de droite – que l’illustration pathologique de « l’Etat à la française ».

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Il n’est pas sûr qu’une Ségolène Royal, présidente, eût mieux réussi (on peut même craindre pire, si l’on considère sa communication permanente et son horreur de reconnaître ses erreurs). Il n’est pas sûr qu’un François Bayrou eût mieux fait, peut-être aurait-il été plus pragmatique. Il reste cependant à peu près sûr qu’un tel échec se reproduira lors d’une nouvelle pandémie. La cause en est l’Etat, modèle français.

La situation de la grippe est la même pour tous les Etats développés ; l’exigence publique de disposer des moyens de s’en prémunir ne varie pas d’un peuple à l’autre ; la compétition économique pour obtenir les vaccins et les antiviraux en temps et en quantités suffisantes est presque égale. Le disfonctionnement radical de la France par rapport aux pays comparables est donc dû au mode de fonctionnement de son Etat.

Les causes :

• Neutralisation administrative : tout comme un vieux est devenu « quatrième âge » pour évacuer tout l’affectif qu’il pouvait y avoir dans le mot, le virus de la grippe porcine d’origine texane/mexicaine a été baptisé du nom aseptisé de « A-H1 N1 ». Ainsi neutralisé par le jargon administratif, il s’est banalisé en grippe à numéro, pas plus grave que les autres pour le public.

• Principe de précaution : introduit par Jacques Chirac dans la Constitution, il s’impose. La pandémie mutante qui a fait pfuit! montre à quelle absurdité démagogique peut conduire un tel principe. Il répond en même temps à une angoisse populaire réelle. Dans un Etat normal où les hommes ne sont pas des dieux, c’est en général le débat démocratique, l’usage proportionné des experts et l’adaptation des administrations qui règlent le curseur entre trop et pas assez. Pas en France.

• Etat omnipotent : l’Etat français s’est voulu la suite de l’Eglise comme intermédiaire entre Dieu et les hommes. D’où son modèle autoritaire, hiérarchique, centralisé. En bref le jacobinisme botté qui seul sait et qui commande les citoyens comme il régente les choses. Par injonction ministérielle, on sait bien que le nuage de Tchernobyl s’est arrêté sur la ligne bleue des Vosges ; que grâce à l’Administration jamais une vache folle n’a été mise sur les étals ; que nos systèmes ferroviaire, électrique et nucléaire, grâce à nos ingénieurs grandes Écoles sont évidemment « les plus sûrs du monde ». D’où élitisme, autisme, activisme.

• Démagogie protectrice : les citoyens, rendus spectateurs et passifs, rigolent bien quand les politiques se plantent – ce qui arrive une fois sur deux (loi des probabilités). Paraphrasant la célèbre mannequin de 13 ans interdite d’image aux Etats-Unis pour son slogan « il n’y a rien entre mon jean et moi », nous pouvons dire qu’il n’y a rien entre l’Etat et le citoyen français. Rien : pas l’épaisseur d’un corps intermédiaire, ni d’une couche médiatrice. Les élites disent « l’Etat c’est moi » et la base leur doit, de droit souverain, révérence et obéissance. D’où la répugnance des grandes Écoles à introduire des « boursiers » - intrus sociaux - dans ses cursus réservés.

• Déresponsabilisation sociale : exit le Parlement qui aurait pu débattre et surveiller l’exécution ; exit les médecins qui auraient pu relayer le discours de raison sur le virus mutant et les dangers de ne pas s’en protéger ; exit les professions intellectuelles, aptes à relativiser et à exercer leur raison pour convaincre du bien fondé citoyen de protéger les enfants et les autres en se faisant soi-même vacciner ; exit les partis, qui auraient pu en appeler à l’écologie sanitaire ou au civisme.

D’où l’effet boomerang : quand vous dites au peuple « dormez, bonnes gens, je m’occupe de tout », le peuple se bidonne si les résultats ne sont pas à la hauteur. Si l’Etat français était un peu moins impérialiste, bonapartiste et élitiste – s’il était un Etat « normal » (moderne) – il n’y aurait pas polémique. Pas plus que dans les pays voisins.

Mais voilà : quelle partie de l’élite est-elle capable de l’adapter ?

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