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Comment faire pour ne pas communiquer ?

Publié le 16 janvier 2010 par Dominique Foucart

Qui refuse de communiquer ?

Lorsque nous nous trouvons confrontés à une personne avec laquelle nous avons tendance à entrer en conflit, un réflexe de base est d’essayer « de ne pas envenimer la situation ». Pour y arriver, nous déployons de multiples stratégies, plus ingénieuses les unes que les autres. L’une d’entre elle va retenir mon attention aujourd’hui.

Scénario: Vous rentrez du travail. Madame, qui est rentrée une demi-heure plus tôt pour s’occuper des enfants, est en pleine discussion avec votre fils, à propos d’une punition qu’il a reçu à l’école.

Vous vous rendez compte que votre épouse a décidé d’ajouter une punition supplémentaire à la maison, ce avec quoi vous n’êtes pas d’accord. Mais vous avez suffisamment d’expérience de ce genre de situations pour vous dire « N’essaye pas d’intervenir maintenant, cela ne va que mettre de l’huile sur le feu ». Vous choisissez donc de vous taire.

Vingt minutes plus tard, vous êtes dans la cuisine avec votre épouse (ne faisons pas de sexisme, c’est VOUS qui avez commencé à préparer le diner pour ne pas affronter la discussion). Mais vous vous rendez compte que vous êtes maintenant en pleine bagarre avec madame. Pourtant, vous vous étiez bien juré de vous taire pour ne pas vous disputer… Que s’est-il donc passé ?

Cette situation illustre un principe que les spécialistes de la communication connaissent sous le nom de « Premier axiome de la communication pragmatique » et qui s’énonce simplement: Il est impossible de ne pas communiquer.

Trop souvent, nous pensons que communiquer c’est parler. Mais dès lors que deux personnes sont amenées à se trouver ensemble au même endroit et au même moment, il leur est impossible de ne pas communiquer. Si l’on essaye de ne pas le faire, l’observation nous montre que l’un des phénomènes suivant va se produire:

  • Nous allons sortir du lieu où la communication aurait été impossible, nous nions la communication en créant les conditions pour que celle-ci ne soit pas possible. Mais en faisant cela, nous communiquons à l’autre un message: « je  ne veux pas communiquer avec toi », qui est en soi une forme de communication… et qui pourrait très bien entraîner l’autre à nous poursuivre dans notre fuite et donc à maintenir la communication !
  • Nous allons essayer d’en dire le moins possible, de communiquer au minimum, par monosyllabes, en donnant des réponses dont nous espérons qu’elles permettront à l’autre d’être satisfait, tout en ne répondant pas à sa demande de communication. Le risque, c’est de créer de la frustration chez l’autre, et donc de relancer le processus de communication…
  • Nous allons tenter de « changer de sujet », ce qui est une variante de la solution précédente, dans laquelle nous choisissons de… communiquer sur autre chose. Et donc de communiquer avec l’autre. Lequel pourra accepter le changement de thème (ce qui correspond à nous dire « ce qui est important pour moi, c’est de communiquer avec toi, quel que soit le sujet ») soit il ne l’acceptera pas et nous relancera (ce qui correspond à nous dire « ce qui est important pour moi, c’est de parler de cette chose précise, même si cela t’est désagréable »)…
  • Une dernière solution s’offre à nous. Nous pouvons nous sentir physiquement mal d’être amené à communiquer. Parfois, nous développons des symptômes de malaise physique, maux de tête, voire problèmes digestifs, noeuds à l’estomac, etc. Avec bien entendu le risque de voir l’autre s’inquiéter de notre état, en rechercher la cause – que nous nierons farouchement – et relancer la discussion à l’infini.

Finalement, si il est possible de décider de ne pas parler d’un contenu précis (on peut dire à l’autre: « Je préfère ne pas parler de ce sujet pour le moment, et si tu insistes pour que nous le fassions, je réagirai de telle ou telle manière »), il n’est pas possible d’éviter la discussion sur la signification pour la relation avec l’autre de la discussion elle-même (qui revient à dire « je ne suis pas intéressé par maintenir une relation avec toi »).

Le refus de communiquer est à la base d’un nombre non-négligeable de difficultés personnelles, et les thérapies stratégiques peuvent aider à dénouer les situations paradoxales engendrées par des tentatives répétées de ne pas communiquer. De même en médiation, il n’est pas toujours facile de se lancer dans un dialogue avec l’autre. Parfois parce que le sujet est difficile, mais encore plus souvent parce que dialoguer avec l’autre, c’est lui redonner une légitimité qu’il a peut-être perdu à nos yeux. C’est tout le travail du thérapeute ou du médiateur de redonner à chacun sa place dans la communication.


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