Magazine Journal intime

Boucane

Par Eric Mccomber
Chapitre MCIX dans ma très interminable (même extra-minable) saga du plasticash. Un soir, je parle au téléphone pour une sept-cent-douzième fois à mââm-Crédit, qui m'envoie avec certitude et sérénité à la Banque Postale. Je me présente là le lendemain et la petite caissière a un frisson de terreur en voyant ma carte nord-américaine. Tout de suite elle se hérisse et gémit :
— Noonon-non-nooooon.
Étonné, j'ouvre la bouche pour parler mais elle poursuit :
— On fait pas ça, en tout cas si on fait je sais pas faire mais mais mais on fait pas, je suis sûre et certaine qu'on fait pas en tout cas j'ai jamais fait. Je sais pas faire. On fait pas.
— Euh, bon… Mais c'est mon institution bancaire qui m'envoie chez vous…
Elle hurle désormais (comme à l'intention des clients attendant en file, des collègues assoupis, de toute la France qui lui sera témoin) :
— NON-NON-NON ! Je ne vais pas vous donner de l'argent !
— Mais madame…
— Je ne peux pas simplement vous donner de l'argent comme ça…
— Je ne demande pas qu'on me donne…
— Juste parce que vous voulez de l'argent !
J'implore :
— Euh… Ce n'est pas votre argent, que je veux, mais le mien…
Elle regarde carrément des gens dans la queue derrière moi :
— Non, non, non ! Je ne vais pas vous donner d'argent. Imaginez ! S'il fallait !
— Mais si, il le faut ! Vous êtes accrédités Vizou-International, vous devez pouvoir procéder à une avance de fonds Vizou !
— JE NE VOUS DONNERAI PAS UN SOU.
— Parfait, contentez-vous alors de m'avancer un montant sur ma carte-Vizou…
— NON. NON-NON.
— Comme vous êtes censés pouvoir…
— NON, MONSIEUR, NON.
— Jblbl… blblbl.
Je quitte, humilié, sentant dans mon dos les regards acérés de tous ces bons citoyens soulagés de voir que je n'ai pas réussi à leur soustraire des sous, à eux, aux citoyens de la France, à la planète bancaire qui souffre tant, au monde économique si précaire, aux actionnaires poétiques de la Postale et gérants virtuels du comptoir-minute (comptons les minutes !). Finalement, c'est dans un tabac que je parviens à mettre la main sur quelques sous, en achetant un immense tas de clopes pour un pote, qui me rembourse ensuite. Rattaoui et Shezmou soient loués, quand il s'agit de partir en fumée, les institutions sont encore tout feu tout flammes.© Éric McComber

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