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Solvency II, danger ou opportunité pour les instituts de prévoyance et les mutuelles ?

Publié le 19 janvier 2010 par Sia Conseil

Solvency II, danger ou opportunité pour les instituts de prévoyance et les mutuelles ? A l’heure où les assureurs mutualistes lancent une véritable campagne à l’encontre de la directive Solvency II, essayons de comprendre les différentes conséquences qui préoccupent ces acteurs spécifiques du métier de l’assurance.

Dans des contextes réglementaire (Solvency II, décret du 19 mai 2008 relatif au contrôle interne), économique (crise financière) et démographique (vieillissement de la population) en pleine mutation, les instituts de prévoyance et les mutuelles se doivent d’anticiper au maximum les impacts et conséquences de leur évolution « forcée ».

Sur le marché de l’assurance, ces deux types d’acteurs se différencient des compagnies d’assurance et des bancassureurs par une taille et des moyens plus réduits, ce qui risque d’accroire les conséquences des réformes sur leur capital réglementaire et rendre plus complexe la mise en œuvre de ces nouvelles réglementations.

Un capital réglementaire fortement impacté…

De par leurs activités, les instituts de prévoyance et les mutuelles sont historiquement exposés aux risques longs (activités de dépendance et d’épargne retraite notamment). Ces derniers, qui nécessitent une mobilisation importante de fonds propres réglementaires sont les plus impactés par la directive Solvency II. Les tests de modèle standard effectués en 2008 dans le cadre des études d’impact ont mis en exergue une augmentation pouvant aller jusqu’à dix fois la consommation actuelle de capital.

LA REFORME SOLVENCY II

Pilier 1 – Exigences quantitatives

  • Capital de Solvabilité (SCR): modèle standard par corrélation, modèles internes
  • Minimum de Capital Requis (MCR): value at risk à 80%
  • Provisions Techniques: Best Estimate + Marge
  • MTMTraitement des programmes Hors Bilan

Pilier 2 – Gouvernance des risques

  • Organe central de gestion des risques
  • Principes de gestion active des risques: Mise en place de chartes, budgétisation du capital
  • Supervision par les autorités de tutelle
  • Processus de validation de conformité avec le pilier I

Pilier 3 – Discipline de marché

  • Communication financière: rapports de concentration…


Le niveau d’exigence en capital réglementaire défini par Solvency II dépend fortement de la structure de l’activité pratiquée (santé, incapacité-invalidité, rentes de conjoint, retraite supplémentaire,…). La segmentation actuelle du marché de l’assurance montre de façon claire que les acteurs mutualistes et/ou de tailles modestes ne couvrent pas dans leur catalogue tous le périmètre des produits d’assurance, ce qui les pénalisera en limitant leur capacité à profiter de facteurs de diversification des risques et donc de réduction des fonds propres mobilisés. Plus particulièrement, les activités relatives à l’assurance santé risquent de subir, au nom du principe de précaution, un fort impact en consommation de fonds propres pour les acteurs concernés.

Ce manque de diversification dans l’activité des mutuelles et des instituts de prévoyance risque d’impliquer un fort impact en termes de capital réglementaire, ce qui risque de se traduire par une augmentation de la tarification de ces acteurs et donc une baisse concurrentielle importante, notamment vis à vis d’acteurs plus importants et couvrant un plus large périmètre de produits, tels que les sociétés d’assurance.

Il convient toutefois de souligner l’intérêt pour les mutuelles et les instituts de prévoyance d’un recours important à la réassurance. Les cessions avec des groupes d’assurances permettront une réduction des besoins en fonds propres, ainsi qu’un soutien en fonds propres si nécessaire. En effet, la nouvelle réglementation autorisera de comptabiliser totalement le transfert de risque à la réassurance (limité à 50% avec les normes actuelles) avec la seule pondération du risque de crédit que représente le réassureur.

Avec un capital réglementaire en forte augmentation, nombreux seront les acteurs de l’assurance à explorer la possibilité de limiter ces impacts par la mise en œuvre de modèles internes, plus à même de traduire efficacement les spécificités de chaque entité. Toutefois, cette mise en œuvre déjà consommatrice en approche standard pose la question de la capacité à faire…

… et une mise en œuvre consommatrice de moyens …

Les nouvelles règles issues du pilier I de Solvency II n’impactent pas uniquement le capital réglementaire. La modification du calcul des provisions techniques, de l’embedded value et l’introduction de la fair value dans les comptes sociaux sont autant de modifications à apporter dans les processus et outils de gestion des risques. Etant donnés les risques spécifiques que couvrent les IP et mutuelles (essentiellement liés à la personne), ces derniers ont tout intérêt à élaborer des modèles internes afin d’optimiser le niveau de fonds propres, et à ne pas se limite à l’application les modèles de calcul standard. Cependant, certains éléments constituent un frein à la mise en place des modèles internes par les IP et mutuelles :

  • Les coûts de mise en place et de maintenance du modèle interne, à la fois humain (nécessité de développer les équipes de statisticiens et d’étoffer les compétences actuarielles, dues à la complexité des techniques de modélisation et aux obstacles méthodologiques pour leur mise en application) et techniques (dispositifs et processus de remontées des données et des traitements associés),
  • Le risque d’un modèle interne jamais certifié : les régulateurs se réservent le droit de ne pas valider les modèles internes si l’écart s’avère trop important par rapport aux résultats produits par la formule standard.

En sus des calculs réglementaires, le pilier II de Solvency II ainsi que les nouvelles exigences de contrôle interne définies par le décret n° 2008-468 du 19 mai 2008 (similaires aux amendements apportés aux Code des Assurances, de la Mutualité et de la Sécurité Sociale) nécessitent la révision des dispositifs de contrôle interne à des fins de mise en conformité. Ce dispositif doit en effet couvrir un périmètre non plus limité aux risques financiers, mais à tous les risques de l’entreprise, ce qui implique de repenser le dispositif global de gestion et de gouvernance des risques sur les deux points clés suivants :

  • Le renforcement du contrôle interne : d’une part la réalisation ou l’actualisation de la cartographie des risques dans l’entreprise, d’autre part le pilotage et l’amélioration des procédures et contrôles, et enfin par la mise en place d’un dispositif efficace de supervision du contrôle interne,
  • La mise en place d’une gouvernance sans faille : des organigrammes hiérarchiques et fonctionnels réels, appliqués et définissant les rôles et responsabilités de chaque entité sans ambigüité.

Synthèse des chantiers à mettre en place et des principaux acteurs associés

Solvency II, danger ou opportunité pour les instituts de prévoyance et les mutuelles ?

En termes de planning de mise en œuvre, les « Principaux enseignements de la quatrième étude quantitative d’impact (QIS4) » (décembre 2008) publiés par l’ACAM ont mis en exergue les différences d’approche du marché de l’assurance en fonction de la taille des acteurs :

  • Les grands organismes concentreraient leurs efforts sur la mise en place de systèmes de gestion des risques puis sur le développement du modèle interne.
  • Les organismes de taille moyenne se focaliseraient eux davantage sur le développement du modèle et ensuite sur le système de gestion des risques.
  • Enfin, les petits organismes (dont font majoritairement partie les mutuelles et instituts de prévoyance) auraient pour priorité le système de gestion des risques avant les systèmes informatiques et de collecte de données.

Les moyens à mettre en œuvre pour les instituts de prévoyance et les mutuelles afin de se conformer aux exigences réglementaires paraissent donc importants et entraineront des besoins humains (notamment pour étoffer les équipes dédiées à la gestion des risques et au contrôle interne) et techniques et informatiques (pour les processus de remontées des données et les traitements nécessaires qui y sont associés) très importants qui ne correspondent pas actuellement aux capacités de ces organismes. Certains profils devront être renforcés (les actuaires notamment) ou recrutés (mise en œuvre de systèmes complexes, gestion de la qualité des données, …).

… militant vers une consolidation du marché

Face à l’ampleur de ces chantiers, les mutuelles et IP et réfléchissent actuellement à l’opportunité que représentent les rapprochements, aussi bien en termes de mobilisation des moyens de mise en œuvre, mais aussi afin d’assurer une meilleure diversification des risques pouvant tendre vers une réduction du capital réglementaire.

Deux « pôles de mutualisation » se dégagent :

  • Un volet SI : l’optimisation des fonctions de back-office (actuellement un des principaux vecteurs d’économies d’échelle). La mutualisation peut se limiter à une plate-forme informatique chargée à la fois de l’édition et de l’exploitation technique ou à une série de processus de back-office, comme elle peut concerner une activité à part entière.
  • Un volet RH : mise en commun des compétences actuarielles (dans le cadre du pilier I) et des compétences de risk management (contrôle interne, gestion du risque opérationnel, gouvernance… dans le cadre du pilier II)

Différentes structures de rapprochements sont envisageables. Les SGAM (Sociétés Groupement d’Assurances Mutuelles) et les GIE (Groupement d’Intérêt Economique) semblent les solutions les plus adaptées pour alléger le coût de mise en œuvre des chantiers. Chez AG2R La Mondiale par exemple, le regroupement via la constitution d’un GIE a clairement été favorisé par la perspective de Solvabilité II, la compagnie souhaitant mutualiser ces moyens en termes de gestion des risques, de contrôle interne et de conformité.

Ces types de rapprochements, efficaces dans l’optique de mutualisation des chantiers de mise en œuvre, nécessitent l’application de nouveaux principes de gouvernance pour ces entreprises et trouvent leur limite quant à la logique de réduction de l’exigence de fonds propres. La SGAM crée dans le cadre du rapprochement entre Macif, Matmut et Maif, permet certes à chacune des trois entités de bénéficier de son adossement aux autres dans le calcul des fonds propres, mais ne permet pas de réunir la totalité de la puissance financière de ses membres pour recourir au marché financier : il est en effet impossible de remonter les fonds propres au niveau de la SGAM.

Ces contraintes structurelles limitent donc les possibilités de diversification des risques aux seules fusions ou rachats des acteurs du marché de l’assurance, ces processus représentant généralement des étapes plus longues et complexes que la simple création de SGAM ou de GIE.

Ces fortes contraintes en termes de capital et de mise en œuvre posent la question de la viabilité des acteurs les moins volumineux du marché, dont font notamment partie les instituts de prévoyance et les mutuelles et expliquent la forte résistance actuellement menée par ces institutions envers le planning des chantiers à effectuer notamment. A terme, et sans modification profonde des principes des nouvelles régulations, la consolidation du marché autour de quelques grands acteurs existants, ou bien autour de nouveaux acteurs issus de fusions paraît inéluctable.

Sia Conseil


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