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Sylvie Kauffmann : “Je veux que Le Monde soit le journal qui ne dort jamais”

Publié le 21 janvier 2010 par Davidme

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Bonjour cher lecteur,

Un petit passage pour mettre en ligne l’interview parue dans CB News n°1041 du lundi 18 janvier. C’est une rencontre avec Sylvie Kauffmann, nouvelle directrice de la rédaction du Monde. Elle affiche dans cette entretien une vraie vision du journalisme et de ce que peut-être la relation entre le web et le papier.

“Ce lundi, Sylvie Kauffmann prendra la tête de la rédaction du Monde après 25 ans de carrière au sein du quotidien notamment comme correspondante aux Etats-Unis ou en Asie. Elle est la première femme à occuper cette fonction. Rencontre.

Comment envisagez-vous cette nouvelle fonction de directrice de la rédaction ? Chef d’équipe ou aiguilleur qui imprime la direction dans laquelle il faut aller ?

Sylvie Kauffmann : Cette rédaction que je connais bien est construite sur un socle fort. Mon rôle sera de guider les journalistes et d’accompagner la collectivité dans les méandres de la situation économique nouvelle pour
la presse. L’idée étant à la fois de favoriser la cohésion humaine tel un chef d’équipe et de donner une direction comme l’aiguilleur. Je souhaite insuffler une dynamique de créativité et d’imagination pour faire comprendre le monde au lecteur. On dit de New York qu’elle est la ville qui ne dort jamais car elle est toujours en mouvement, j’ai envie que le Monde soit le journal qui ne dort jamais.

Actuellement, quels sont les points forts et les points faibles du journal ?

S.K. : Le Monde est le journal de l’expertise, du savoir-faire, de la rigueur et de l’exigence. Ce sont des valeurs que les journalistes partagent. Cela est l’une de nos grandes forces. Tout comme l’esprit d’indépendance que nous avons toujours défendu, en interne comme en externe. Enfin, le réseau – rare – de correspondants que nous possédons est également une façon de donner tout son sens à notre nom : le Monde. Maintenant, toutes ces forces doivent être cultivées. Je crois que nous devons retrouver une certaine audace dans la façon de traiter les sujets pour aider nos lecteurs à se retrouver dans le flux d’informations. Ainsi, nous réfléchissons à de nouveaux espaces dans le journal (prévus d’ici juin 2010) pour mieux se mettre dans le tempo de l’actu, être plus réactifs, et poser encore plus de questions. Bref, garder un journal chaud qui fait gagner du temps au lecteur puisqu’il y trouvera tout.

La recapitalisation du groupe prévue en 2010 fait peur à de nombreux journalistes qui craignent la fin de l’indépendance du journal. Quelle voix porterez-vous dans les instances du groupe ?

S.K. : La meilleure voix que je pourrais porter est celle du journal. C’est-à-dire de faire un quotidien meilleur chaque jour. Cela facilitera les choses pour la défense de notre indépendance. Mais la recapitalisation n’est pas de mon ressort, mais de celui d’
Eric Fottorino (PDG) et de Louis Schweitzer (président du conseil de surveillance).

Alors que la diffusion du journal tend à s’effriter et que les quotidiens en général sont concurrencés par le web, comment voyez-vous la convergence entre les deux supports ?

S.K. : C’est l’un des grands chantiers auxquels je vais m’atteler. J’ai passé un mois au Monde.fr et la complémentarité des deux supports m’a sauté aux yeux. Il faut la mettre encore mieux en œuvre et créer une dynamique commune. L’idée est de se nourrir l’un de l’autre. La fusion des rédactions n’est pas à l’ordre du jour, mais j’aimerais que les progrès soient rapides dans le sentiment que nous avons, web et papier, un intérêt commun. En clair nous devons tous nous dire qu’il n’est plus question de papier ou de web, mais du Monde, c’est-à-dire tous ses supports à la fois.

Il y a eu au Monde, une période « journalisme d’investigation », puis une époque journalisme de « validation » puis enfin la période actuelle qui est plutôt celle de l’explication…Quel est pour vous le Monde idéal ?

S.K. : Le Monde idéal, c’est le Monde qui questionne, qui interpelle, qui décrypte les plans de communication, qui apporte un tri des informations au lecteur et qui lui donne des grilles de lecture pour qu’il puisse se forger une opinion.

Etre journaliste, pour vous c’est quoi ?

S.K. : Le journaliste est pour moi un médiateur. C’est-à-dire un citoyen qui surveille, qui fouille, qui analyse, qui interroge et qui doute pour le compte de tous les autres citoyens.

Quels sont vos mentors dans la profession ? Vos journaux modèles ?

S.K. : Je n’ai pas de mentors si ce n’est les chefs de service qui au cours de ma carrière m’ont beaucoup appris sur le métier. Ce qui m’a donné envie de devenir journaliste, ce sont des évènements comme le foisonnement démocratique après la mort de Franco en Espagne, la fin du communisme à l’est, ou encore le rôle joué par la presse aux Etats-Unis. Pas de journaux modèles non plus. Mais des pépites piochées dans quelques grands titres. Par exemple, le mode de traitement des sujets non financiers dans le FT, le dynamisme éditorial du Guardian, la variété d’El Pais ou l’alliage de l’humour et de l’expertise de The Economist.

Etre une femme à la tête du Monde, cela complique-t-il les choses ?

S.K. : Il y a quinze cela aurait été une révolution. Aujourd’hui, c’est une évolution normale. Le journalisme s’est grandement féminisé. Il est donc normal que petit à petit les femmes accèdent à des postes de direction. Je crois donc, qu’être une femme ne complique plus les choses.

 

Propos recueillis par
David Medioni


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