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Cours !

Par Achigan
La nuit est épaisse comme du goudron.
J'étends la main comme dans une vase collante.
Il y tous ces fantômes dans les parages.
Les murs qui ferment ma cour sont enrobés de glace.
C'est une nouvelle ère de froid où les ombres bougent et dansent.
Mes yeux sur une cigarette qui scintille et fume comme la bouche de la mort.
Effroi.
On m'enlève, on me soutire, dérobe à mon insu, quelque chose de profond.
Me le restituer, me le remettre en place,
sous les panneaux crasseux de ma cage de chair.
Je me résous violemment à exister et à être.
Je me claque l'âme qui répand des bruits de vieux cuivres rouillés.
Ma main, pressé sur son sexe, à la recherche de rien, mais farfouillant quand même.
Frénétique dans l'absence, papillon fou, énervé sur un globe de lumière.
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T'as beau, mais j'ai plus de désir. Cherche pas.
À quoi ?
Cherche pas à me faire tomber en amour avec toi.
Pourquoi ?
Parce que c'est perdu d'avance.
Tu veux pas m'aimer ?
Je suis incapable d'aimer. Non, c'est pas vrai. Je peux t'aimer, mais juste pour une minute. Après je t'aimerai plus et ça va te tuer, t'anéantir. Tu comprendras pas.
Je pense que tu peux m'aimer plus longtemps qu'une minute.
Non.
Tu peux pas savoir, tu m'as jamais eu dans tes bras. Tu m'as jamais aimé. Je suis pas un autre, je suis pas une vieille ombre de ton passé. Je suis comme demain, comme ce que tu sais pas, pis ce que tu peux pas savoir d'avance.
J'ai une tête de papillon.
Quoi ça ?
Un papillon de nuit. Je vais te tourner autour. Je vais te désirer et t'aimer. Mais quand tu vas arrêter de briller, c'est comme si je t'aurai pas connu. Je t'aurai pas connu non plus.
Je suis sûr que non.
C'est juste pas le bon chemin.
Quel chemin ? De quoi ?
J'ai pas envie. Je pense à des mondes que je ne connaîtrai jamais. Les chemins qu'il faut prendre pour s'y rendre, si tordus. Je les regrette d'avance ces mondes-là, sans savoir de quoi ils sont faits. Je les aime. Tous ces univers-là. Tous. Parce que je les connais pas. Si je les connaissais, je les aimerais pus. Ils deviendraient troués de partout, vides, éteints. Si tu veux que je t'aime, il faut que tu renonces. Renonces à me connaître. Je vais te rêver. Je vais poser ma main sur toi pendant que je dors et je vais me sentir bien, parce que j'aurai la nostalgie du rêve que j'ai rêvé de toi. Mes jambes contre les tiennes, ta chaleur, ton torse, tout ça, en rêve ! Jamais tu pourras être à la hauteur de ce que j'imagine que tu peut être. C'est stupéfiant comme tu peux m'étonner, comme tu peux me séduire et me combler. Je me réveille avec toi le matin avec le souvenir de toi sans toi. T'es un motif. Une idée. Mais t'es accablé du fait même que t'es juste toi, que t'es unique et pas multiple. Tu seras toujours juste un chemin à prendre...Je veux pas. J'aime le point de vue que j'ai ici, à la croisée des chemins. Pour l'horizon, pour le paysage. Parce que j'ai tous les portraits. Je les ai tous. J'ai rien à faire de toi. Tu peux me détester. T'aurais raison de le faire. Mais je peux pas t'aimer, même pour une minute, parce que j'en ai assez de justifier que je suis un rêveur et que j'ai pas toujours le même rêve. Tu pleures. T'es en train de me rêver et t'imagine que tu perds un être immense et multiple. Mais je faillis moi aussi. Qu'est-ce que tu penses ? Que je saurais posséder toutes les teintes, que je saurais alimenter et satisfaire toutes tes envies et tous tes désirs. Je suis juste un prétexte à aimer. Je suis une figure vide. Déjà amère. Cours !

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